L’atmosphère était électrique, presque suffocante, dans l’enceinte sacrée de l’Assemblée nationale. Ce qui devait être une séance de questions au gouvernement classique s’est transformé en un véritable réquisitoire, une attaque frontale et impitoyable menée par le député du Rassemblement National, Jean-Philippe Tanguy. La cible ? Rien de moins que la Première ministre, Élisabeth Borne. Le sujet ? Un dossier qui empoisonne la vie politique française depuis des années et qui touche directement au portefeuille des citoyens : la privatisation des autoroutes et les soupçons tenaces de conflits d’intérêts au sommet de l’État.

Une Entrée en Matière Philosophique pour une Attaque Politique

C’est avec une solennité glaciale que Jean-Philippe Tanguy a pris la parole, choisissant de convoquer les mânes de l’Antiquité pour appuyer son propos. “Le temps révèle tout et n’attend pas d’être interrogé”, a-t-il lancé, citant Euripide. Cette introduction littéraire n’était pas une simple figure de style, mais le prélude à une dénonciation méthodique d’un système que le député qualifie d’”oligarchique”. Pour Tanguy, le temps a fait son œuvre et les masques tombent, révélant ce qu’il décrit comme un pillage organisé des Français au profit d’une poignée d’acteurs privés.

Le ton était donné. Loin des politesses d’usage, le député a immédiatement placé le débat sur le terrain de la morale et de la probité publique. Il ne s’agissait pas seulement de critiquer une politique, mais de pointer du doigt des “entrailles nauséabondes” d’un système où politique et finance sembleraient s’entrelacer dangereusement.

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Le Spectre du Scandale des Autoroutes

Au cœur de cette charge virulente se trouve la question des sociétés d’autoroutes. Un sujet sensible, irritant pour des millions d’automobilistes qui voient chaque année les tarifs des péages augmenter inéluctablement. Jean-Philippe Tanguy s’est fait le porte-voix de cette colère populaire, dénonçant le “refus obstiné” du gouvernement de reprendre le contrôle sur les prix et les équipements qui, selon lui, “devraient appartenir aux Français”.

Mais l’attaque ne s’est pas limitée à des généralités. Le député a brandi les révélations du magazine Marianne comme une arme de précision. Il a évoqué la dissimulation présumée de documents de travail par le secrétariat général du gouvernement, des documents jugés “indigents” qui auraient pourtant servi de base à la négociation de l’accord de 2015. Un accord qualifié de “scandaleux” par l’orateur, qui aurait offert, selon ses dires, un cadeau royal de 9 milliards d’euros aux concessionnaires privés.

Élisabeth Borne : Un Passé qui Ne Passe Pas

C’est là que l’intervention a pris une tournure personnelle et particulièrement agressive. Jean-Philippe Tanguy a rappelé avec insistance le passé professionnel d’Élisabeth Borne. Avant d’être ministre, puis Première ministre, celle-ci a été directrice de cabinet de Ségolène Royal, mais aussi, et c’est le point névralgique de l’accusation, directrice des concessions d’autoroutes pour le groupe Eiffage entre 2007 et 2008.

“Ça vous fait rire ? Pas moi !”, a tonné le député, interrompant son propre discours pour réagir à une attitude ou une expression sur le banc du gouvernement qu’il a jugée déplacée. Cette phrase, lourde de sens, a marqué un moment de rupture dans l’hémicycle, soulignant le fossé entre la gravité des accusations portées et la réaction perçue de l’exécutif.

Pour Tanguy, le conflit d’intérêts est “évident”. Il interpelle directement la cheffe du gouvernement : “Comment avez-vous pu mener de telles négociations alors que vous étiez en conflit d’intérêt évident à la tête de ces concessions ?”. La question est rhétorique mais dévastatrice. Elle suggère que les décisions prises au sommet de l’État n’ont pas été guidées par l’intérêt général, mais par des accointances passées.

L’Affaire de l’A79 : Le Coup de Grâce ?

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Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, l’élu du RN a ajouté une nouvelle pièce au dossier, une accusation précise concernant la période où Élisabeth Borne occupait le poste de ministre des Transports. Il l’accuse d’avoir attribué la concession de l’autoroute A79 à… Eiffage.

Les chiffres avancés donnent le vertige : un contrat de 500 millions d’euros, une concession verrouillée pour 48 ans, et un rendement garanti oscillant entre 5 et 10 %. “Qui a obtenu cette concession ? Eiffage !”, a martelé Tanguy, laissant planer peu de doute sur la conclusion qu’il souhaite que le public tire. Pour lui, la boucle est bouclée, et l’impartialité de la Première ministre est définitivement compromise.

“Êtes-vous au service des Français ou d’Eiffage ?”

La conclusion de l’intervention de Jean-Philippe Tanguy a résonné comme un coup de tonnerre. Sa question finale, simple, brutale, résume à elle seule toute la défiance qu’une partie de l’opposition et de l’opinion publique nourrit à l’égard des élites dirigeantes : “Êtes-vous au service des Français ou d’Eiffage ?”.

Cette interrogation, binaire et provocatrice, est conçue pour marquer les esprits et circuler sur les réseaux sociaux. Elle place la Première ministre dans une position impossible, l’obligeant à se défendre non plus sur sa politique, mais sur son intégrité même.

Cet échange houleux à l’Assemblée nationale est symptomatique d’une époque où la frontière entre le public et le privé est scrutée avec une vigilance accrue, et où le passé des dirigeants devient une munition politique redoutable. Au-delà du “clash” et des petites phrases, c’est la question de la transparence démocratique et de la confiance des citoyens envers leurs représentants qui est posée avec une acuité brûlante. Alors que les Français continuent de payer leur passage aux péages, les mots de Jean-Philippe Tanguy continuent de flotter dans l’air de l’hémicycle, attendant une réponse qui puisse dissiper, ou non, le malaise grandissant.

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