Johnny Hallyday, l’icône absolue, le “Taulier” au grand cœur, le héros national à la générosité légendaire… Cette image, gravée dans le marbre de la culture populaire française, cache pourtant une réalité bien plus complexe et tourmentée. Derrière les projecteurs aveuglants et les foules en délire, l’homme Jean-Philippe Smet dissimulait des rancunes tenaces, des blessures d’ego et des inimitiés d’une violence inouïe. Aujourd’hui, la parole de ses proches se libère enfin, levant le voile sur une “liste noire” qui fait trembler le show-business. Plongée au cœur des guerres secrètes du Roi du Rock.

Il disait souvent que c’est “à cause des gens qu’on perd des amis”. Mais pour Johnny, certaines pertes n’étaient pas des accidents, c’étaient des exécutions sommaires. Ses “anges gardiens” – ces hommes de l’ombre, chauffeurs, gardes du corps et confidents qui l’ont accompagné jusqu’au bout – dressent aujourd’hui le portrait d’un homme aux principes d’acier, incapable de pardonner la bassesse, l’arrogance ou l’hypocrisie. Voici les 5 stars avec qui la guerre fut totale, sans merci et sans retour.

1. Claude François : L’Ennemi Public Numéro 1

Si l’on devait nommer l’antagoniste ultime de la carrière de Johnny, ce serait lui : Claude François. Oubliez la simple concurrence des charts des années 70 ; entre le Rocker sauvage et le chanteur à minettes, la haine était viscérale, presque physique.

Pour Johnny, qui considérait ses musiciens comme sa famille, le comportement de “Cloclo” était une abomination. Il voyait en l’interprète de Alexandrie Alexandra un “dictateur en paillettes”, un tyran domestique qui humiliait ses collaborateurs et traitait ses clodettes comme des objets. Les rumeurs de répétitions infernales et de crises de nerfs de Claude François rendaient Johnny malade.

Le point de non-retour ? Une altercation mythique dans une boîte de nuit parisienne au début des années 70. L’atmosphère est électrique, les regards se croisent. Johnny, excédé par l’attitude de son rival, lâche la bombe : “Tu n’es qu’un petit chef qui croit impressionner avec ses paillettes.” La réplique de Cloclo est cinglante, mais c’est Johnny qu’il faut retenir physiquement pour éviter le massacre. Il voulait, selon ses propres termes, “lui casser la figure”. Jusqu’à la fin, Johnny refusera les hommages posthumes, ne pardonnant jamais à celui qui incarnait à ses yeux le mépris humain camouflé sous le strass.

2. Dick Rivers : Le “Faux Dur” Humilié

La rivalité avec Dick Rivers est d’une autre nature : celle d’un mépris professionnel froid et coupant. Dès les années 60, alors que la France se cherche des idoles rock, Johnny écrase tout sur son passage. Dick Rivers, avec sa banane gominée et sa voix rocailleuse, tente de tenir la distance. Mais pour le Taulier, Rivers n’est qu’une caricature, un “has-been qui se prend pour James Dean”.

Cette animosité s’est nourrie d’une jalousie féroce. Johnny ne supportait pas les comparaisons de la presse, surtout quand certains critiques, par snobisme, attribuaient plus d’authenticité au style minimaliste de Rivers. La vengeance de Johnny fut terrible et publique. Lors d’un gala de bienfaisance, après une prestation sobre de Rivers, Johnny déboule sur scène tel un ouragan et lance au public : “Maintenant, vous allez voir ce que c’est que du vrai rock !”

L’influence de Johnny était telle qu’elle a agi comme un plafond de verre pour Dick Rivers. Producteurs frileux, portes fermées… le poids du Taulier a étouffé la carrière de son rival pendant cinquante ans. Aucune main tendue, aucun geste d’apaisement, même au crépuscule de leur vie.

3. Antoine : Le Choc des Générations

    La France découvre les Élucubrations d’Antoine. Ce jeune homme aux chemises à fleurs et aux cheveux longs ose s’attaquer à l’idole nationale en proposant de mettre “Johnny en cage à Medrano”. Pour Johnny, c’est une déclaration de guerre.

Ce n’est pas seulement une attaque personnelle, c’est une remise en cause de tout ce qu’il a bâti. Antoine représente cette jeunesse contestataire, ces “petits bourgeois” qui veulent faire la révolution sans avoir connu la boue. La riposte est foudroyante : Cheveux longs et idées courtes. Un missile musical qui traite cette nouvelle vague d’imposteurs.

L’obsession de Johnny pour Antoine était totale. Il ne pouvait tolérer ce manque de respect envers les “anciens”. Lors d’une émission télévisée où ils devaient se croiser, Johnny impose ses conditions : Antoine doit passer avant, “pour nettoyer derrière”. Une humiliation calculée. Même lorsque Antoine s’est assagi, naviguant vers d’autres horizons, la rancune de Johnny est restée intacte. On ne touche pas à la couronne du Roi sans en payer le prix fort.

4. Michel Sardou : La Trahison du Frère d’Armes

C’est sans doute la rupture la plus douloureuse, car elle implique des sentiments profonds. Johnny Hallyday et Michel Sardou, c’était une amitié virile, faite de respect mutuel et de soirées arrosées. Sardou était l’un des rares à oser tenir tête au Taulier. Mais en 2013, tout bascule.

L’origine du drame ? Une “mauvaise plaisanterie” de Johnny sur scène, une remarque déplacée sur les filles de Sardou qui passe très mal. L’humiliation est publique, la blessure est profonde. Sardou, l’homme orgueilleux, ne pardonne pas. Johnny, dans son autobiographie, enfonce le clou en traitant son ancien ami de “vieux con réac”.

Les deux géants s’emmurent alors dans un silence assourdissant. Ils s’évitent lors des galas, quittent les lieux si l’autre arrive. C’est une guerre froide triste, alimentée par deux égos démesurés incapables de faire le premier pas. Cette brouille a rongé Johnny plus qu’il ne voulait l’admettre, car elle symbolisait la perte d’un égal, d’un “humain” qu’il avait fini par classer, à contrecœur, dans la catégorie des déceptions.

5. Jean-Jacques Goldman : Le Silence et le Mépris

Si la collaboration entre Johnny et Goldman a donné naissance à l’album mythique Lorada et au tube J’la croise tous les matins, la fin de leur relation reste une énigme opaque. Pas de cris, pas d’insultes publiques, mais un silence de mort qui a duré dix ans.

Le problème était philosophique. Johnny, la bête de scène instinctive, supportait mal le côté cérébral et “donneur de leçons” de Goldman. L’entourage du rockeur décrit un agacement croissant face aux principes moraux rigides du compositeur, qui refusait certains compromis commerciaux. Johnny trouvait cette attitude prétentieuse.

La rupture s’est consommée lors d’une séance d’enregistrement tendue, où Goldman aurait remis en question les choix artistiques du patron. Pour Johnny, habitué à la vénération, cette critique venant d’un homme qui fuyait la lumière était inacceptable. Jean-Jacques Goldman est retourné dans l’ombre, et Johnny a continué sa route, ignorant superbement celui qui lui avait pourtant offert une renaissance artistique.


Le Verdict des Anges Gardiens

Pourquoi tant de haine ? Les témoignages de Sébastien Farran ou Pierre Billon sont éclairants. Johnny Hallyday ne détestait pas gratuitement. Il divisait le monde en deux : les “humains” et les “inhumains”. Les inhumains étaient ceux qui manquaient de respect aux petites mains, aux techniciens, au public.

Johnny pouvait entrer dans des rages folles en voyant une star maltraiter un ingénieur du son. Lui, qui donnait des pourboires royaux et aidait ses musiciens en secret, ne supportait pas l’injustice de classe. Sa rancune n’était pas un défaut, mais le bouclier de ses valeurs. Il était un roi entier, capable d’un amour infini, mais terrible dans sa colère. Ces 5 célébrités ont appris à leurs dépens qu’on ne badine pas avec l’honneur du Taulier.