La France retenait son souffle. Depuis cette nuit tragique du 21 au 22 avril 2024, un voile de silence et d’incompréhension entourait Kendji Girac. Le chanteur solaire, l’idole des familles, le gendre idéal révélé par The Voice, s’était muré dans un silence assourdissant après avoir été retrouvé grièvement blessé par balle au thorax. Deux mois. Deux longs mois de spéculations, d’inquiétude et d’attente. Et puis, soudain, dans la nuit du mercredi 26 juin, la lumière. Ou plutôt, l’ombre d’un homme brisé, apparaissant seul face caméra sur Instagram.

Dans une vidéo de quelques minutes, c’est un Kendji méconnaissable que ses millions de fans ont découvert. Loin des sourires éclatants et de l’énergie communicative, le visage est grave, la voix nouée par l’émotion. L’homme qui parle n’est plus tout à fait l’artiste. C’est un père, un compagnon, un homme qui s’est “perdu” et qui, pour la première fois, raconte sa descente aux enfers.

Le retour sur une nuit de cauchemar

Pour comprendre la portée de cette confession, il faut revenir à l’onde de choc du 22 avril. Ce jour-là, la nouvelle tombe, brutale, incroyable : Kendji Girac est entre la vie et la mort, blessé par une arme à feu sur une aire d’accueil de gens du voyage à Biscarrosse. Que s’est-il passé ? Les premières heures sont confuses. On parle d’un accident domestique, d’une mauvaise manipulation. Mais très vite, l’enquête, et surtout la conférence de presse du procureur de la République de Mont-de-Marsan, va révéler une réalité bien plus sombre et complexe.

La France découvre alors les fêlures de son idole. Le procureur évoque une consommation massive d’alcool, des traces de cocaïne, et surtout, un contexte de dispute conjugale. Le tir ne serait pas accidentel. Kendji Girac aurait, dans un geste de “chantage au suicide”, simulé sa mort pour retenir sa compagne, Soraya, qui menaçait de le quitter, excédée par ses addictions. L’image du gendre idéal vole en éclats. Le chanteur, qui avait toujours mis sa famille au cœur de son discours, se retrouvait au centre d’un drame intime et sordide.

Le silence et la fuite

Après l’hôpital, ce fut le néant médiatique. Un silence de plomb, à peine troublé par un court message sur Instagram pour s’excuser de son absence à un événement. Pendant ce temps, les rumeurs les plus folles circulaient. Mais le plus douloureux pour l’artiste était sans doute ce que les médias rapportaient : sa compagne, Soraya, ne supportant plus ses “abus de substances”, aurait quitté la France pour se réfugier en Suisse avec leur fille, la petite Eva Alba.

Cette absence de sa famille, pilier de sa vie, a dû être le véritable électrochoc. Car c’est bien de cela qu’il s’agit dans sa vidéo : une prise de conscience. “Il fallait que je me soigne, que je réfléchisse à ce qui s’était passé”, explique-t-il d’une voix tremblante. “Comprendre comment j’ai pu en arriver là et surtout prendre les bonnes décisions pour l’avenir.”

“Ma fille a failli perdre son père” : L’aveu qui change tout

L’homme qui s’adresse à ses fans n’essaie pas de se justifier. Il confesse. “Depuis quelques temps, j’avais pris de mauvaises habitudes”, admet-il, les yeux baissés. “Je suis rentré dans une spirale que je ne souhaite à personne.” Ces mots, “mauvaises habitudes”, “spirale”, sont des euphémismes pudiques pour décrire l’addiction, la dépression, la perte de contrôle.

Mais le moment le plus poignant, celui qui transcende la vidéo et touche au cœur, est lorsqu’il évoque sa fille. La voix se brise, les larmes ne sont pas loin. “Ma fille a failli perdre son père.” Cette phrase, terrible de simplicité, résume tout le drame. Au-delà de l’artiste, au-delà de la star, il y a un père qui a réalisé qu’il avait joué avec sa propre vie, et par conséquent, avec l’avenir de son enfant. Il confie : “Je ne sais pas ce qui s’est passé… Je ne compte plus refaire toutes ces choses qui détruisent.”

Il parle du mal qu’il a fait “autour de lui”, visant sans la nommer sa compagne Soraya et sa fille. C’est la reconnaissance d’un égoïsme, celui de l’addiction, qui a failli coûter la vie à un homme et briser une famille.

L’appel au pardon et la vague de soutien

La deuxième partie de son message est une demande de pardon. D’abord à ses fans, “ceux qui le suivent depuis plus de 10 ans”. “Je voulais laisser la justice faire son travail”, explique-t-il, reconnaissant implicitement la gravité de son acte. “Et maintenant que c’est fait… vous dire à quel point je regrette tellement tout ce qui s’est passé.”

Il tente aussi de se racheter, de reconnecter avec l’image que le public avait de lui, et que lui-même avait de lui-même. “Tout ça, ça ne fait pas partie de moi. Je ne suis pas un garçon comme ça.” C’est le cri d’un homme qui a vu son “mauvais moi” prendre le dessus et qui lutte pour retrouver le “garçon” qu’il était “au fond de lui”. “Je veux m’excuser auprès de ceux que j’ai blessés”, conclut-il, la gorge nouée.

Ces excuses, visiblement sincères et douloureuses, n’ont pas tardé à trouver un écho. Immédiatement, une vague de soutien s’est levée, non seulement de la part de ses fans, qui ont inondé les commentaires de messages d’amour et de pardon, mais aussi de ses pairs. La “famille” de la musique a répondu présent.

“Tout le monde t’attend avec amour et patience”, lui écrit Slimane, un “frère” de The Voice. “On sait qui tu es, on t’aime et on t’attend.” M. Pokora, autre figure de la scène française, y va de son “Allez mon Kenji. On t’attend. Prends ton temps.” Des mots de Jérémy Frerot ou d’autres encore sont venus s’ajouter, formant un bouclier de bienveillance autour de l’artiste déchu. Ce soutien public est crucial. Il montre que si le chemin de la rédemption sera long, il ne le fera pas seul.

La reconstruction : Un long chemin à parcourir

Aujourd’hui, l’heure n’est plus à la fête et aux “color gitano”. L’heure est à la reconstruction. Physique, d’abord, car une balle dans le thorax laisse des séquelles. Mais surtout psychologique, émotionnelle et familiale. L’aveu public était la première étape, la plus dure peut-être. Reconnaître sa chute, ses addictions, devant des millions de personnes qui vous ont idéalisé, est d’une violence inouïe.

Maintenant, le plus dur commence. Kendji doit “se soigner”, comme il le dit lui-même. Cela implique un suivi, une lutte quotidienne contre ses démons. Cela implique aussi de regagner la confiance de ses proches, et en premier lieu, celle de Soraya. Sa compagne a posé un acte fort en partant, un acte de protection pour sa fille, mais peut-être aussi un ultimatum pour l’homme qu’elle aime : “choisis la vie, ou choisis tes démons, mais tu ne nous entraîneras pas dans ta chute.”

Kendji semble avoir reçu le message. “Je veux redevenir le garçon que j’étais”, promet-il. Cette vidéo n’est pas un point final, c’est le point de départ d’un nouveau chapitre. Le public, lui, semble prêt à pardonner. L’idole est tombée, mais l’homme a touché par sa fragilité. En brisant le silence, Kendji Girac n’a pas seulement fait des excuses ; il a montré qu’il était humain, terriblement humain. La route sera longue, mais en choisissant la vérité plutôt que le déni, il s’est peut-être offert la seule chance de, un jour, retrouver la lumière.