Bienvenue dans l’arène la plus impitoyable de la comédie française. L’émission “LOL: Qui rit, sort !” sur Prime Video est un Colisée moderne où la règle est simple : le rire est une sentence de mort. Dans cette bataille psychologique, tous les coups sont permis, mais une arme s’avère plus létale que toutes les autres : l’impassibilité. Et dans ce domaine, un homme n’est pas un simple concurrent. Il est la forteresse imprenable, le boss final, l’anomalie : Paul Mirabel.

Ce qui s’est joué face à lui n’est pas une simple tentative de blague. C’est une guerre de tranchées psychologique, une offensive totale menée par les deux plus grandes puissances de l’humour français actuel : Pierre Niney et Jonathan Cohen. Ce que nous avons vu n’est pas seulement l’échec de deux comédiens ; c’est la naissance d’une légende, celle de “l’homme-cyborg”.

Dès le départ, le ton est donné. “C’est un peu sa marque de fabrique de ne jamais rire ni vraiment sourire”, analyse un esprit lucide. “Et peu à peu, je comprends que ça va être un énorme problème en fait. Il a l’air invincible.” Invincible. Le mot est lâché. Face à un tel adversaire, il faut une force de frappe nucléaire. Elle arrive sous la forme d’une alliance que personne n’attendait, décrite comme “le duo le plus dangereux de ce jeu”.

L’offensive est lancée par Jonathan Cohen, qui choisit l’angle d’attaque le plus évident, et pourtant le plus génial : le déni de réalité. Si Paul Mirabel ne rit pas, s’il ne montre aucune émotion, la conclusion est simple. “Moi j’ai besoin de savoir s’il y a un être humain ou un cyborg”, lance-t-il, le visage soudainement grave. La “Théorie du Cyborg” est née.

C’est le point de départ d’une improvisation torrentielle. Cohen, en roue libre, invente les “règles des cyborgs”. “J’ai pas dit les autres règles des cyborgs parce qu’en vérité il y avait que deux règles… et je suis parti sur 5 mais j’avais pas les moyens de remplir les 5.” La force de Cohen est là : il s’enfonce dans sa propre absurdité, créant un univers parallèle où la production aurait prévu de “changer les batteries de Paul”.

La réaction de Paul Mirabel est une masterclass. Il ne rit pas. Il ne bloque pas la blague. Il l’absorbe et la retourne avec un sérieux papal. “Non, je ne suis pas un cyborg”, dit-il d’un ton monocorde. “Non. Le soir, juste je me recharge. Je me branche en rentrant chez moi.” C’est là, la première clé de son génie. Il ne refuse pas le jeu ; il y participe, mais avec ses propres règles, celles d’un monde sans émotions, rendant la situation encore plus hilarante pour tous les autres… et plus désespérante pour ses assaillants.

Voyant que l’attaque frontale ne fonctionne pas, le duo Niney/Cohen passe à la vitesse supérieure. Ils ne vont plus seulement parler, ils vont faire. C’est “une descente de police”. Les deux acteurs se transforment en flics de série B américaine, dans une course-poursuite imaginaire contre le “petit cyborg”. “OK Pierro, je suis dessus, je vais essayer de l’attraper !” hurle Cohen. “Je le prends par Newton Street !” rétorque Niney.

La scène est un chaos total. C’est une performance digne d’un “druide qui a perdu des pilules”. Ils s’agitent, ils crient, ils miment une scène d’action frénétique. L’objectif est clair : saturer l’adversaire. Le submerger d’informations, d’énergie, d’absurdité pure, jusqu’à ce que le barrage cède.

Résultat ? Paul Mirabel les regarde. Comme on regarderait une installation d’art contemporain un peu étrange. Pas un tressaillement de lèvre. Pas une lueur dans le regard. L’échec est total. La forteresse tient bon.

L’assaut se mue alors en interrogatoire. Le “cyborg” est capturé. “Vous me le mettez là, on va passer au question.” Pierre Niney, intense, joue le flic dur. “Il y a deux manières : la manière forte, la manière douce.” Ils tentent de le “craquer”. Ils analysent son comportement de machine : “Regardez, il se met à côté du frigo. C’est-à-dire qu’il connaît très bien le frigo.” Ils tentent même de le “passer au détecteur de métaux”. “C’est que du métal ! Oh putain la vache, il y a rien d’humain là-dedans !”

L’impassibilité de Mirabel face à cette débauche d’énergie est presque surnaturelle. Il devient un miroir. Plus il est calme, plus ses adversaires deviennent frénétiques. Plus il est silencieux, plus ils deviennent bruyants. Ils ne jouent plus pour le faire rire ; ils jouent pour sauver leur propre honneur de comédiens. Ils sont face à un mur. “Il est hermétique”, conclut un observateur, médusé. “On s’aperçoit qu’à l’intérieur de lui il n’y a aucune issue. Il n’y a pas de porte, il n’y a pas de serrure.”

C’est là que Jonathan Cohen déploie son arme ultime : le méta-monologue. Puisque la réalité ne marche pas, il va la tordre. Il se lance dans une tirade absurde, prétendant rapporter une conversation avec la production. “La production me dit que tu n’as pas ri.” Il s’arrête, feint la confusion. “Paul n’a pas ri. J’ai dit ‘c’est qui ? c’est un indien ?’” Il part alors sur “Paul Nappari”, un nom indien imaginaire, pendant une minute interminable. C’est du génie comique à l’état pur, un homme qui crée un sketch à partir de rien, juste pour combler le vide insondable laissé par le visage de Mirabel.

En dernier recours, l’attaque devient désespérée. Ils tentent de forcer l’émotion. “Paul, mais c’est comment la peine sur ton visage, là ? Tu es à un enterrement. Et là, tu apprends que tu gagnes à l’Euromillions, vas-y.” Ils lui demandent de jouer. Paul Mirabel, dans un effort monumental, produit l’expression la plus plate, la plus vide, la plus robotique imaginable. “Wouh.” C’est la défaite finale. “Il est débranché”, constate Cohen, dépité.

La séquence est terminée. “Il a gagné, je pense qu’il a gagné”, murmure une voix. Paul Mirabel a gagné, mais pas seulement. Il a forcé deux des comédiens les plus drôles de leur génération à puiser dans leurs retranchements, à livrer une performance d’une intensité et d’une absurdité folles.

La vraie comédie de cette séquence, ce n’est pas Paul Mirabel. C’est l’échec spectaculaire de Niney et Cohen. C’est leur désespoir, leur sueur, leur créativité poussée à l’extrême face à un public d’une seule personne qui refuse d’applaudir. Paul Mirabel est le “straight man” ultime, le faire-valoir parfait qui, par son immobilité, a transformé ses adversaires en clowns magnifiques.

Il n’est pas un simple joueur qui ne rit pas. Il est un catalyseur. Il absorbe l’énergie comique et la renvoie décuplée à ses auteurs, qui finissent par être eux-mêmes au bord de l’implosion. Il est bien un cyborg, une machine parfaitement conçue, non pas pour détruire l’humour, mais pour le pousser dans ses derniers retranchements, créant un moment de télévision aussi brillant qu’inconfortable. Il n’y a pas de serrure, car la maison est vide. Et c’est précisément pour cela qu’il est invincible.