C’est une séquence qui restera gravée dans les annales de l’émission C à vous. La voix tremblante, le regard embué, Laurent Ruquier a brisé l’armure pour évoquer, pour la toute première fois à la télévision, la disparition de celui qu’il considérait comme son père spirituel dans le métier : Thierry Ardisson.

Leur relation était à l’image de la télévision qu’ils ont construite ensemble : passionnée, bruyante, et faite de coups d’éclat. Mais derrière les projecteurs et les “bons mots”, il y avait deux hommes qui s’aimaient profondément, malgré les tempêtes. Et c’est justement cette complexité qui rend l’hommage de Laurent Ruquier si déchirant.

“On était fâchés…” : Le Poids des Non-Dits

Le plus grand regret de Laurent Ruquier aujourd’hui n’est pas lié à la carrière, mais au timing cruel du destin. “On était fâchés ces derniers mois,” avoue-t-il avec une franchise désarmante. Comme un vieux couple, leur amitié vivait au rythme des “fâcheries et des réconciliations”. C’était leur mode de fonctionnement, leur langage. Sauf que cette fois, la réconciliation n’arrivera jamais.

Thierry Ardisson, l’homme en noir qui voulait “partir en paix, réconcilié avec tous”, est parti alors que le silence régnait entre eux. “C’est pas parce qu’il n’est plus là que je ne le dirai pas,” lance Ruquier, refusant de lisser la réalité pour la rendre plus acceptable. Il aurait aimé qu’il soit encore là, ne serait-ce que “pour qu’on se fâche à nouveau”. Une phrase terrible qui résume à elle seule la douleur de l’inachevé.

La Polémique des Obsèques

L’absence de Laurent Ruquier aux funérailles de l’animateur avait fait couler beaucoup d’encre. Les mauvaises langues y avaient vu l’ultime affront d’une amitié brisée. La vérité, révélée sur le plateau d’Anne-Elisabeth Lemoine, est bien plus prosaïque et douloureuse.

“J’aurais évidemment été présent si je n’avais pas été en tournage ce jour-là,” explique-t-il. Retenu par les enregistrements de Mask Singer, il n’a pas pu dire adieu. Il savait ce que les gens diraient : “Ah, il n’est pas venu, il est fâché”. Une rumeur blessante qu’il a dû supporter en silence, préférant ne pas s’exprimer à chaud pour éviter que ses mots ne soient déformés par la machine infernale des réseaux sociaux.

De plus, Laurent ignorait la maladie de son ami. La nouvelle de sa mort l’a frappé de plein fouet, sans préparation, sans ce dernier moment de vérité qui permet de tout effacer.

Le “Sniper” et son Mentor

Pour comprendre l’émotion de Laurent Ruquier, il faut remonter le temps. Bien avant de devenir l’animateur incontournable que l’on connaît, il a été le premier “sniper” de Thierry Ardisson dans Tout le monde en parle. “Celui qui est venu me chercher alors qu’on disait que la télévision n’était pas faite pour moi, c’est Thierry,” rappelle-t-il humblement.

Ardisson a été le seul à voir le potentiel, là où d’autres ne voyaient qu’un animateur radio inadapté au petit écran. Il lui a offert une exposition, une école, et une liberté de ton. “Je me suis tellement amusé avec lui,” se souvient Ruquier, un sourire triste aux lèvres.

Une Anecdote “Ardissonienne”

Et comme pour prouver que leur lien dépassait le simple cadre professionnel, Laurent Ruquier a partagé une anecdote savoureuse, presque surréaliste, qui capture l’essence même de Thierry Ardisson.

À l’époque, pour empêcher son poulain de partir sur Canal+ avec Marc-Olivier Fogiel, Ardisson emploie les grands moyens… à sa manière. Il emmène Ruquier en boîte de nuit et lui “offre” la compagnie d’une femme “charmante” (une professionnelle, comprendra-t-il plus tard) qui tente désespérément de le draguer.

“Pourtant il savait pertinemment que j’étais pédé !” s’exclame Ruquier, provoquant l’hilarité et l’émotion sur le plateau. “Je ne sais pas ce qui lui a pris.” C’était ça, Thierry Ardisson : capable du pire comme du meilleur, excessif, provocateur, mais prêt à tout pour ceux qu’il voulait garder près de lui.

Un Héritage Éternel

Aujourd’hui, Laurent Ruquier dédie sa nouvelle émission sur TF1 à celui qui lui a tout appris. C’est sa manière à lui de boucler la boucle, de dire ce “merci” qu’il n’a peut-être pas assez prononcé de son vivant.

“Je n’aurais pas réussi à la télévision sans lui,” conclut-il. Au-delà des disputes, des égos et des rendez-vous manqués, il reste l’essentiel : une reconnaissance éternelle et une affection qui, elle, ne s’éteindra jamais. Thierry Ardisson est parti, mais dans chaque rire, chaque audace et chaque succès de Laurent Ruquier, une part de l’Homme en Noir continue de vivre.