Un chat a disparu. C’est un point de départ banal, presque cliché. Une femme, la cinquantaine, un peu bourgeoise, un peu autocentrée, perd son animal. Elle le cherche. Fin de l’histoire ? Pas tout à fait. Car comme le souligne l’équipe du film “Ma langue au chat”, “la disparition du chat, c’est le pitch et l’élément déclencheur”. Le véritable sujet est ailleurs. Il est plus profond, plus insidieux, et bien plus universel. Ce n’est “pas tant où est le chat” qui importe, mais le fait que “les gens autour d’elle vont pas très bien”. Et surtout, qu’elle-même, “protagoniste tellement sur son chat et sur son nombril”, est le symptôme d’une génération entière en état de choc.
Ce film, au-delà de sa trame narrative, pose une loupe sur une fracture silencieuse : celle de la génération des quinquagénaires d’aujourd’hui. Une génération qui se pensait éternellement jeune, “hyper cool”, et qui, du jour au lendemain, se prend la réalité en pleine face. “Ils se rendent compte qu’ils sont déjà un peu ringards”, lance la réalisatrice Cécile Telerman. Ringards. Le mot est lâché. Il est violent, il est humiliant, mais il est d’une justesse implacable.
Bienvenue dans la nouvelle crise de la cinquantaine. Oubliez le cliché du démon de midi, de la voiture de sport rouge ou du lifting. La crise de 2024 est existentielle, sociétale. C’est celle d’hommes et de femmes qui ont cru dominer le jeu et qui découvrent subitement qu’ils ne comprennent plus les règles, ni même le plateau sur lequel ils jouent.
La grande accélération et l’obsolescence programmée de l’humain
Le constat est sans appel : notre société “a beaucoup changé, plus en 10 ans qu’en 50 ans”. Cette phrase, entendue lors de la promotion du film, est le cœur du problème. Les quinquagénaires actuels ne sont pas leurs parents. Ils ont grandi avec l’idée du progrès, de la libération des mœurs, de la musique pop. Ils ont été les artisans de la révolution numérique, les premiers à adopter Internet, les téléphones portables, les réseaux sociaux. Ils se sentaient à la page. Et puis, tout s’est emballé.
Le langage a changé. Les codes sociaux ont changé. Les rapports de genre ont changé. La technologie, qu’ils pensaient maîtriser, leur échappe désormais, avec ses algorithmes opaques, ses intelligences artificielles et ses tendances TikTok incompréhensibles. Ils sont devenus, malgré eux, les nouveaux “boomers”, ce terme péjoratif qui désigne ceux qui sont “largués”. Leur expérience, autrefois valorisée, est maintenant suspecte. Leurs références culturelles sont des pièces de musée. Leur façon de parler, leurs blagues, leur vision du monde… tout semble daté. Ringard.
Cette obsolescence n’est pas seulement technologique, elle est idéologique. Ils se retrouvent pris en étau entre leurs parents, la génération silencieuse qui a construit, et leurs enfants, la génération Z qui déconstruit. Eux, au milieu, ne savent plus sur quel pied danser. Ils ont l’impression d’avoir tout fait “comme il faut” – les études, la carrière, la famille – pour se réveiller un matin dans un monde qui leur dit que “comme il faut” n’était peut-être pas la bonne façon de faire.

La tyrannie du bonheur et l’imposture du “développement personnel”
Mais le coup le plus dur vient peut-être d’ailleurs. Il vient de l’injonction sociétale paradoxale que cette génération a elle-même portée aux nues. Comme le souligne l’équipe du film, nous vivons dans une “société où on nous explique qu’on peut faire ce qu’on veut, qu’on doit faire des choix”. C’est l’ère du “développement personnel pour être heureux à tous les instants du jour et de la nuit”.
Le bonheur n’est plus un état, c’est un objectif de performance. Il faut “choisir” sa vie. Il faut se “réinventer”. Les “reconversions en tout genre” sont devenues la norme. Tu n’es pas heureux dans ton couple ? Quitte-le. Ton travail ne te “passionne” plus ? Deviens céramiste ou coach de vie. La cinquantaine n’est plus le début de la fin, c’est le “nouveau 30 ans”, une page blanche où tout est possible.
Cette rhétorique, omniprésente sur Instagram et dans les magazines, est d’une violence inouïe. Car elle nie une partie fondamentale de la condition humaine : la réalité. Elle crée une culpabilité écrasante chez ceux qui, simplement, n’y arrivent pas. Ceux qui sont fatigués. Ceux qui sont prisonniers d’un emprunt immobilier, d’enfants encore à charge, ou tout simplement d’un corps qui commence à grincer.
Cette pression de la “reconversion” et du “choix” permanent est un leurre. Elle ignore le déterminisme social, les contraintes économiques, et surtout, les réalités biologiques.
Le double peine : quand la nature et la société s’acharnent

Et c’est là que le film touche à un point névralgique, en se concentrant sur une femme de 50 ans. Car “pour une femme, il y a un moment où on décide rien du tout”. Cette phrase est une bombe. Elle fait voler en éclats le mythe de la toute-puissance, de la “girl boss” qui contrôle sa destinée.
À 50 ans, une femme est rattrapée par son corps. “On décide pas de ce que font nos hormones”, martèle la réalisatrice. C’est l’arrivée de la périménopause, de la ménopause. C’est une tempête intérieure, physique et psychologique, que la société choisit d’ignorer, voire de mépriser. Pendant que le “développement personnel” lui crie “Réinvente-toi !”, son corps lui rappelle sa finitude, sa biologie.
C’est une double peine. “On a sur le dos et la nature et la société.” La nature impose un changement radical, souvent vécu dans la douleur et la confusion. Et la société, obsédée par la jeunesse, la performance et la visibilité, la rend invisible. L’homme de 50 ans peut encore être séduisant, “poivre et sel”. La femme de 50 ans, elle, doit lutter pour ne pas disparaître, ou se plier à des injonctions esthétiques épuisantes pour rester dans la course.
Le personnage du film ne s’en “rend pas compte, c’est bien le problème”. Elle est dans le déni. Elle préfère canaliser toute son angoisse existentielle, toute cette rage sourde, sur un objet tangible : son chat perdu. C’est plus simple. C’est un problème avec une solution.
L’obsession du nombril et l’aveuglement collectif
Cette focalisation “sur son chat et sur son nombril” est la critique finale, la plus acérée, de notre époque. L’héroïne n’est pas seulement “ringarde” ; elle est aveugle. Aveugle à elle-même, mais surtout aux autres. Le drame véritable, ce n’est pas la disparition du chat, c’est que “les gens autour d’elle vont pas très bien”.
Son mari, ses amis, ses enfants… tout son écosystème est peut-être en train de s’effondrer, mais elle, elle cherche son chat. Le chat devient l’arbre qui cache la forêt de ses propres échecs, de ses propres peurs, et de la détresse de son entourage. C’est la métaphore parfaite de l’individualisme forcené, de cette ère du “moi d’abord” où l’on cultive son “jardin intérieur” (un autre terme de coach de vie) pendant que le monde brûle.
En cherchant son chat, elle cherche désespérément un sens, un contrôle qu’elle a perdu sur sa propre vie. Elle s’accroche à un problème concret pour éviter de faire face aux questions abstraites : qui suis-je devenue ? Pourquoi suis-je si seule ? Pourquoi ai-je l’impression de jouer un rôle dans une pièce dont je ne comprends plus le texte ?
Ce n’est plus une crise de la cinquantaine, c’est une crise de la connexion. En se sentant “ringardisée” par la société, cette génération se replie sur elle-même, se met en mode survie. Chacun est dans son couloir de nage, obsédé par sa propre performance de bonheur, incapable de voir que le voisin de couloir est en train de couler.
Le chat, finalement, est peut-être le seul être qui ne la jugeait pas. Il ne lui demandait pas d’être “performante”, “cool” ou “à la page”. Il était juste là. Sa disparition, c’est la perte de ce regard inconditionnel, la dernière amarre qui la reliait à une forme d’authenticité. Ce qu’elle cherche, ce n’est pas un animal. C’est elle-même. Et elle ne se trouvera pas en regardant son nombril, mais en levant enfin les yeux vers ceux qui l’entourent, et qui ne vont “pas très bien” non plus. C’est peut-être là, la seule issue.
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