C’est une histoire qui ressemble à un conte de fées moderne, mais dont les débuts ont failli virer au cauchemar. En 2014, un jeune homme de 17 ans, au regard de braise et à la guitare en bandoulière, débarque sur le plateau de The Voice avec une audace folle et une reprise gipsy du tube “Bella” de Maître Gims. Ce que la France entière s’apprête à découvrir, ce n’est pas seulement une voix, c’est un phénomène. Pourtant, le destin de Kendji Girac a tenu à un fil, ou plutôt, à un seul buzzer.

Retour sur une ascension fulgurante, jalonnée de performances “chocs”, de larmes et de moments de grâce absolue, qui ont transformé le “petit gitan” de Bergerac en l’une des plus grandes stars de la chanson française.

Le pari risqué : Seul contre tous (ou presque)

La vidéo de son parcours, véritable pépite nostalgique, nous ramène à cet instant crucial de l’audition à l’aveugle. Kendji chante, il donne tout, sa voix solaire emplit le studio. Et pourtant… les fauteuils restent désespérément dos à lui. Florent Pagny, Jenifer, Garou… aucun ne bouge. Le public retient son souffle. Le rêve va-t-il se briser avant même d’avoir commencé ? C’est alors que Mika, dans un geste qui changera à jamais le paysage musical français, appuie sur le bouton rouge.

Ce moment est fondateur. Il souligne le scepticisme initial face à un artiste que l’on voulait peut-être trop vite cataloguer. “On a failli passer à côté d’un diamant”, avoueront plus tard les autres coachs. Ce “choc” initial a forgé la détermination de Kendji : il ne serait pas seulement le “chanteur de flamenco”, il serait un artiste complet.

La métamorphose : De “Bella” à “L’Aigle Noir”

Ce que cette compilation met en lumière de manière spectaculaire, c’est l’incroyable polyvalence du jeune prodige. On le voit, semaine après semaine, briser les codes et les préjugés. Il s’attaque à des monuments avec une insolence délicieuse.

Quand il reprend “Ma philosophie” d’Amel Bent, il ne se contente pas de chanter, il revendique son identité : “Je suis gitan mais pas martyr, j’avance le cœur léger et toujours le poing levé”. Une déclaration de guerre à la morosité et aux clichés. Mais c’est lorsqu’il s’attaque au répertoire sacré de la chanson française que le frisson devient national.

Qui peut oublier sa version de “L’Aigle Noir” de Barbara ? Dans la vidéo, on voit un Kendji transfiguré, grave, presque solennel. Fini le sourire enjôleur, place à une profondeur abyssale. Il ne joue plus, il incarne. Les larmes montent aux yeux des spectateurs. Ce jour-là, Kendji a prouvé qu’il avait une âme ancienne dans un corps de jeune homme. Il a touché au sacré et a été adoubé par le public.

Le feu sacré et les duos de légende

Le parcours de Kendji, c’est aussi une énergie brute, canalisée mais jamais domptée. Sa reprise d’”Allumer le feu” de Johnny Hallyday est un autre moment d’anthologie. Il faut un sacré courage pour s’attaquer au Taulier ! Kendji le fait avec une fougue animale, faisant “danser les diables et les dieux” comme le dit la chanson. Il prouve qu’il est une bête de scène, capable de tenir une arène à lui seul.

Et que dire de ce moment surréaliste où il partage la scène avec Kylie Minogue ? Le contraste est saisissant : la popstar australienne sophistiquée et le jeune gitan authentique. Sur “Can’t Get You Out Of My Head”, la magie opère. Kendji ne se laisse pas impressionner, il la regarde dans les yeux, il assure. Il est déjà dans la cour des grands, validé par une icône mondiale.

“Belle” : L’apothéose émotionnelle

Mais s’il ne fallait retenir qu’un moment de ce parcours exceptionnel, ce serait sans doute son interprétation de “Belle”, issue de la comédie musicale Notre-Dame de Paris. En incarnant Quasimodo le temps d’une chanson, Kendji touche au sublime. “J’ai posé mes yeux sous sa robe de gitan”, chante-t-il. L’ironie du sort est belle, la boucle est bouclée. Il chante ses racines, ses désirs, ses interdits avec une puissance vocale qui cloue le public sur place. Garou, l’interprète original présent dans le jury, est bluffé. L’élève a-t-il dépassé le maître ? La question se pose légitimement tant l’émotion est palpable.

Conclusion : Une victoire écrite dans les étoiles

En revoyant ces images, on comprend pourquoi Kendji Girac a gagné. Pas seulement parce qu’il chantait bien, ni parce qu’il était beau garçon. Il a gagné parce qu’il a raconté une histoire. L’histoire d’un garçon qui part de rien, qui doute (“Où est ton papa”, chante-t-il dans “Papaoutai”, résonnant avec ses propres absences et ses propres quêtes), mais qui vise la lune et finit par l’atteindre.

Ce parcours 2014 n’est pas juste de la télé-réalité, c’est la naissance d’une légende. Kendji a “mis les couleurs” dans nos cœurs, comme il le promettait, mais il a surtout mis une claque à tous ceux qui ne croyaient pas en lui. Aujourd’hui, en regardant en arrière, on mesure le chemin parcouru et on se dit, avec un sourire, que Mika a eu le nez fin. Très fin. Merci Kendji pour ce voyage extraordinaire.