C’est une déflagration médiatique comme seul Le Canard Enchaîné sait les provoquer. Une de ces révélations qui, sous des dehors anecdotiques, soulève le capot d’une machine politique bien huilée pour en dévoiler les rouages parfois grippés, et surtout, très coûteux. Au cœur de la tourmente : Jordan Bardella. Le président du Rassemblement National, souvent loué pour son aisance médiatique et sa maîtrise des codes de la communication, se retrouve aujourd’hui accusé d’avoir financé cette “perfection” apparente avec l’argent du contribuable européen. Mais au-delà des chiffres, c’est une petite phrase, assassine, qui risque de coller durablement à l’image du jeune prodige de l’extrême droite : celle d’une “coquille vide”. Plongée dans les coulisses d’un média training à 13 300 euros qui fait grincer des dents à Bruxelles comme à Paris.

La Fabrique du Candidat : Un Sourire à 13 300 Euros

Selon les informations explosives de l’hebdomadaire satirique, Jordan Bardella aurait bénéficié d’un programme de “coaching” intensif facturé la modique somme de 13 300 euros. Une somme colossale pour le commun des mortels, puisée directement dans les caisses de l’Union Européenne. Mais qu’apprend-on pour ce prix-là ? À gérer des dossiers complexes ? À négocier des traités internationaux ? Pas vraiment.

L’objectif de ces séances était bien plus terre-à-terre, ou plutôt, bien plus “esthétique”. Il s’agissait d’apprendre à “parler avec assurance”, à “adopter une posture sérieuse”, à préparer ses interviews et, détail qui tue, à “sourire au bon moment”. Cette révélation jette une lumière crue sur la part de mise en scène inhérente à la politique moderne. Jordan Bardella, souvent présenté comme un talent naturel, apparaît ici comme un produit marketing soigneusement sculpté, dont chaque geste, chaque rictus, a été travaillé, répété et facturé. L’authenticité, souvent brandie comme étendard par le RN, en prend un sacré coup. Si le sourire est sincère, pourquoi a-t-il besoin d’être financé par des fonds publics ?

“Une Coquille Vide” : Le Jugement Sévère du Coach

C’est sans doute l’aspect le plus humiliant de cette affaire. On pourrait pardonner à un jeune politicien de vouloir se perfectionner. Mais l’ironie mordante réside dans le jugement porté par celui-là même qui était payé pour le former. Le coach personnel de Jordan Bardella, dont l’identité est protégée mais qui aurait été récemment victime d’une agression (ajoutant une touche de dramaturgie à l’affaire), aurait qualifié son élève de “coquille vide”.

L’expression est terrible. Elle valide la critique récurrente des opposants de Bardella qui voient en lui un excellent communiquant, un perroquet talentueux des éléments de langage du parti, mais un homme politique sans fond, sans convictions propres, une simple projection holographique de Marine Le Pen. Être traité de “coquille vide” par son propre formateur, c’est l’aveu d’un échec cuisant sur le plan intellectuel. Cela suggère que derrière la façade, derrière le costume bien taillé et le sourire travaillé à 13 000 euros, il n’y aurait… rien. Ou du moins, pas assez pour impressionner un professionnel de la communication.

L’Ombre du Détournement de Fonds Européens

Au-delà de l’anecdote sur le sourire et l’insulte, c’est le volet financier et légal qui pourrait s’avérer le plus dangereux pour le RN. Le Canard Enchaîné pointe du doigt un système potentiellement frauduleux. Les fonds utilisés proviennent de l’enveloppe allouée au groupe “Identité et Démocratie” au Parlement européen. Ces fonds sont strictement réservés aux activités liées au mandat de député européen.

Or, selon l’enquête, la majorité des séances n’aurait pas porté sur des sujets européens, mais aurait servi à préparer la communication du parti en vue de la campagne présidentielle de Marine Le Pen en 2022. Si cela est avéré, il s’agit d’un détournement de fonds publics caractérisé. L’Europe aurait payé pour former le lieutenant de Marine Le Pen afin qu’il l’aide à conquérir l’Élysée. Un mélange des genres totalement illégal qui rappelle les vieilles démons du parti, déjà maintes fois épinglé pour sa gestion douteuse des assistants parlementaires.

De plus, l’hebdomadaire évoque un “appel d’offres truqué”. La société retenue pour dispenser ces précieux conseils aurait été choisie sur recommandation directe de Jordan Bardella, sans remplir toutes les conditions nécessaires. Un petit arrangement entre amis financé par le contribuable ? La justice devra sans doute trancher, mais l’odeur du scandale est déjà là.

Une Stratégie de Communication Ébranlée ?

Cette affaire tombe au plus mal pour Jordan Bardella. Alors qu’il tente de se construire une stature d’homme d’État, capable de gouverner la France, ces révélations le ramènent au rang d’élève appliqué mais creux, dépendant des deniers de l’Europe qu’il critique pourtant à longueur de journée.

C’est le paradoxe éternel du Rassemblement National : vitupérer contre la technocratie européenne tout en utilisant ses ressources jusqu’à la dernière goutte pour financer son existence nationale. L’image de Jordan Bardella, si soigneusement construite, pourra-t-elle résister à l’acide de la réalité ? Le “sourire” à 13 300 euros risque désormais d’apparaître comme un grimace coûteuse aux yeux des électeurs.

Dans une période où les Français comptent chaque euro, apprendre que des sommes astronomiques sont dépensées pour apprendre à un élu à “se tenir droit” a quelque chose d’indécent. Reste à voir si cette “coquille vide” saura se remplir d’explications convaincantes dans les jours à venir. Rien n’est moins sûr.