Il y a l’acteur, ce visage familier du cinéma français, titulaire de la Comédie Française, que l’on connaît pour sa présence intense et sa capacité à se fondre dans des rôles complexes. Et puis il y a l’homme, Samuel Le Bihan. Un homme de paradoxes, un “vagabond” à la recherche d’un “socle”, un père “non traditionnel” et un militant infatigable. Dans une récente interview, l’acteur s’est livré comme rarement, dévoilant les coulisses d’une transformation physique extrême, mais aussi les moteurs intimes de sa carrière et de ses combats : une enfance marquée par le silence et un amour inconditionnel pour sa fille autiste.
“J’ai arrêté de manger” : la descente aux enfers du tournage “Seul”
Le point de départ de cette confession est un film. Pas n’importe lequel. “Seul”, qui retrace l’exploit incroyable du navigateur Yve Parlier lors du Vendée Globe. Pour incarner cet homme hors norme, Samuel Le Bihan n’a pas fait semblant. Il s’est jeté corps et âme dans ce qui restera, selon ses propres mots, “le tournage le plus épuisant que j’ai fait dans ma carrière”.
Oubliez les fonds verts et le confort des studios. Le Bihan a exigé le réel. “Faire un film sur la mer, c’est une des choses les plus compliquées”, explique-t-il. “On n’aura pas de studio, on n’aura pas de fond vert, il faut être en condition réelle.” Cette exigence a eu un prix. Un prix physique, d’abord. “J’ai perdu 10 kg”, avoue-t-il sans détour. Comment ? “Bah, j’ai arrêté de manger. Je mangeais beaucoup moins.”
Cette transformation drastique l’a plongé dans un “isolement” total. Plus de dîners entre amis, plus de moments de partage avec l’équipe. “J’étais avec mes petites barquettes de riz, j’avais trois fois rien”, se souvient-il. “Vous vous détachez de tout le monde.” Cette solitude physique a nourri la solitude du rôle. L’acteur a accepté une “forme de souffrance”, la faim, l’épuisement. “J’ai mis 3 semaines à m’en remettre. J’étais épuisé quand je suis sorti de là.”
Mais c’est précisément cette épreuve qui a fait naître la vérité. “À l’arrivée, on ne joue plus, on vit”, analyse-t-il. “On l’a tellement rêvé, imaginé, nourri que chaque scène s’imposait d’elle-même.” Le résultat est une performance qui l’a laissé exsangue. “Quand je le revois, je vois toute la fatigue accumulée, tous ces moments extrêmement solitaires… Il y a des moments où j’avais le sentiment d’être presque malade.” Un sentiment qui, selon lui, le “rapprochait” de ce qu’Yve Parlier avait lui-même dû ressentir, dans son “état d’épuisement excessif”. La plus belle des récompenses ? L’émotion du navigateur lui-même, et son invitation au départ du Vendée Globe. “C’est une marque de reconnaissance. Ça veut dire qu’on a bien bossé.”

L’écho des racines et le moteur de l’enfance
Si ce rôle a tant résonné en lui, ce n’est pas un hasard. Le Bihan est un homme de la mer. Originaire de Bretagne, il porte en lui cet héritage. “Mon père m’a appris la voile”, confie-t-il. “Je suis descendant de marin pêcheur qui faisait la pêche à la voile.” Incarner Yve Parlier, c’était donc plus qu’un défi d’acteur ; c’était un pèlerinage. “C’était assez joli de faire ce rôle parce que ça me rapprochait vraiment de ce qui m’a constitué, ce qui m’a fabriqué.” Les rôles, dit-il, “sont des masques qui vous permettent de donner des choses très intimes avec l’excuse d’interpréter quelqu’un d’autre”.
Quelles sont ces choses intimes ? L’acteur lève le voile sur une blessure fondatrice. Pourquoi faire ce métier ? “Je me dis, qu’est-ce que j’ai cherché ? (…) C’est un peu comme monter sur la table et dire : ‘Regardez, j’existe’.” Cette phrase, d’une honnêteté désarmante, est la clé. “Je crois qu’on fait les choses pour les autres beaucoup. Et pour le regard.” Le regard de ses enfants, de ses parents. “Mon meilleur moteur, c’est de faire les choses pour les autres.”
Cette quête de reconnaissance, il la puise dans son enfance. “Exister, parce que peut-être dans votre enfance il y a des moments où on a l’impression d’avoir été éteint, et donc on a envie de s’allumer.” Cette opposition entre “éteint” et “allumé” est au cœur de sa persona. Il se décrit comme “ce petit gamin qui avait besoin de reconnaissance”. Il vient d’une génération de taiseux. “Moi, je viens d’une génération, les parents parlaient pas. Ils avaient vécu la guerre enfant, ils étaient durs, ils avaient vécu dans un monde dur qui les avait rendu durs. Et donc un homme ne devait pas se dévoiler, il devait garder, il ne montrait pas ses sentiments, il ne s’ouvrait pas.” Devenir acteur, pour lui, c’était briser ce silence, cette dureté. C’était enfin “s’allumer”.
Le combat d’un père : “Passer le relais” pour l’autisme
Cette lumière, il l’utilise aujourd’hui pour éclairer un combat qui est devenu le sien : l’autisme. Père d’une petite Angia, autiste, Samuel Le Bihan a fait de cette cause personnelle un engagement public majeur. “Cette histoire, c’est aussi un petit peu la vôtre”, lui rappelle-t-on. “Qu’est-ce qui vous a poussé à en parler publiquement ?”
Sa réponse est empreinte d’humilité et de sens du devoir. “Moi, il y a eu beaucoup d’associations qui m’ont aidé. Et donc c’est des parents qui ont monté des structures et qui ont fait avancer la France.” Conscient de sa dette, il a décidé d’agir. “À mon tour, il fallait que j’aide, que j’apporte quelque chose.” En écrivant un livre, il a “pris la parole”. De là est née une structure essentielle : “Autisme Info Service”. “C’est devenu un service public pour aider les parents, les accompagnants. Et c’est… tout d’un coup, j’ai trouvé ma place dans ce combat.”

Il décrit ce processus simplement : “Au début, on m’a beaucoup aidé. À mon tour, j’ai pu passer le relais, aider à mon tour et faire avancer les choses.” Cet engagement a été salué au plus haut sommet de l’État par la Légion d’honneur. Une reconnaissance qui a touché “le petit gamin” en lui. “C’est émouvant, dans le sens où vous recevez la Légion d’honneur quand vous avez fait quelque chose pour votre pays. Et donc, c’est extrêmement honorifique.”
Le père “en pointillé” qui ne regrette rien
Cet homme engagé est aussi un père de trois enfants. Un père qui, là encore, sort des sentiers battus. “Bah, je suis pas un père traditionnel, hein, évidemment”, admet-il, lucide sur les contraintes de son métier. “Je suis là en pointillé, je pars, je reviens, je suis pas là.” Comment gère-t-il cette absence ? Par “un contrat” basé sur l’honnêteté. “Faut tenir les engagements, être très honnête avec ses enfants, et pas mentir, pas tricher.”
Il est loin de l’image du père parfait et l’assume. “Je fais plein d’erreurs. Je suis un père qui fait plein d’erreurs.” Mais il sait où est l’essentiel : “Ce qui compte pour les enfants, c’est de leur donner beaucoup d’amour, de les aider à avoir confiance en eux, et donner des limites aussi, donner un cadre.” Il fait “ce qu’il peut”, apprenant “par la pratique”. Surtout, il fait l’inverse de ce qu’il a connu enfant. Là où ses parents se taisaient, lui parle. “Je crois qu’on est dans un monde où, au contraire, les enfants, faut beaucoup échanger, beaucoup parler, écouter leur point de vue.”
Cette philosophie de vie, il la résume en un mot : “vagabond”. “J’ai pas de socle. J’ai cru longtemps… ben, je cherche, je passe mon temps à chercher un socle. Dans le fond, je suis un vagabond.” Son nid est à Nice, pour ses enfants, mais son vrai plaisir est ailleurs. “Mon vrai plaisir, c’est de sortir de cette bulle de confort pour aller me remettre en question.”
À plus de 33 ans de carrière, n’a-t-il aucun regret ? Le mot le fait sursauter. “Non, non. Bah non, regretter, c’est… ça, c’est violent comme mot, hein. C’est très, très fort.” Il préfère regarder devant. “Non, ce qui est intéressant, c’est qu’est-ce qui va se passer maintenant ? Comment je vais pouvoir optimiser encore un peu plus ce que j’ai aujourd’hui ?”
Samuel Le Bihan est cet homme-là. Un acteur qui a eu besoin d’être “allumé” par le regard des autres, et qui utilise aujourd’hui sa lumière pour éclairer les combats de son époque. Un père “en pointillé” qui offre à ses enfants la parole qu’on lui a refusée. Un vagabond sans regrets, qui a transformé la faim, la fatigue et la souffrance en une performance artistique, et ses fêlures d’enfant en une force de militant. Le chemin n’est pas fini. Il lui reste “deux ou trois trucs à construire”.
News
Le calvaire de Samuel Le Bihan : « J’ai perdu 10 kilos, je devais me contenter de trois fois rien »
Le visage est creusé, le corps affûté par la privation. Loin du flic solide et rassurant d’Alex Hugo, l’image que…
« J’ai feint l’invincibilité » : À 96 ans, les tristes confessions d’Hugues Aufray sur le masque de la gloire et les sacrifices familiaux
C’est une note grave, tenue pendant près de soixante-dix ans, qui vient de s’achever dans un murmure. Hugues Aufray, l’éternel…
Après 12 ans de silence : Laurent Delahousse brise l’armure et confirme enfin la rumeur sur sa nouvelle vie
Dans le panthéon des figures médiatiques françaises, il est une anomalie. Une forteresse. Laurent Delahousse, le visage emblématique du journal…
Le Pen DÉTRUIT Consigny : « TAIS-TOI, LE PARANO ! » — Anatomie d’une exécution politique
Bienvenue dans l’arène politique moderne. Un lieu où un débat technique sur l’avenir des retraites peut, en l’espace de quelques…
À 39 ans, Cyril Féraud brise le silence : l’animateur confirme la nouvelle qui bouleverse sa vie
Il est le gendre idéal, le rayon de soleil permanent du service public, l’animateur au sourire éclatant et à l’énergie…
Scandale financier : Florent Pagny et l’ombre de Johnny Hallyday au cœur d’un système d’aides controversé
La France le soutient, l’admire, et vibre avec lui. Depuis des mois, Florent Pagny mène une bataille publique et courageuse…
End of content
No more pages to load






