Dans le monde souvent policé du show-business, il y a des artistes qui suivent les lignes et ceux qui préfèrent les franchir avec panache. Florent Pagny a toujours appartenu à la seconde catégorie. Connu pour sa voix d’or et son franc-parler légendaire, le chanteur n’a jamais eu peur de bousculer les conventions, quitte à s’attirer les foudres de l’establishment. Une récente confidence, livrée avec l’humour désarmant qu’on lui connaît, vient ajouter une nouvelle page savoureuse à son histoire de rebelle : le jour où il s’est fait bannir de l’Élysée pour y avoir fumé un joint.

C’est lors d’une interview avec Guillaume Pley, pour l’émission “Legend”, que Florent Pagny est revenu sur cet épisode aussi incroyable que véridique. L’anecdote remonte au mandat de Jacques Chirac. Le chanteur est alors invité au palais présidentiel, un honneur pour beaucoup, mais pour Pagny, un terrain de jeu comme un autre. L’occasion ? Un déjeuner en l’honneur de l’anniversaire du monument Charles Aznavour. Un cadre prestigieux, des invités triés sur le volet, une atmosphère solennelle… du moins, jusqu’à ce que l’interprète de “Savoir aimer” décide d’y mettre sa touche personnelle.

“J’étais un vrai fumeur”, a-t-il confié sans détour, posant d’emblée le contexte. “Je fumais partout”. Mais fumer au cœur même du pouvoir, il fallait oser. Et c’est précisément ce “côté provocation” qui a titillé l’artiste.

Le repas se termine. L’envie se fait sentir. C’est alors que Florent Pagny se livre à une réflexion qui résume à elle seule l’esprit frondeur du personnage. “Écoute, finalement, cet endroit est payé par le contribuable”, s’est-il remémoré, le sourire aux lèvres. “J’en suis un… et je suis un peu à la maison. Je vais me faire mon petit pétard”.

Aussitôt pensé, aussitôt fait. Pagny s’exécute, quelque part dans les couloirs feutrés de la résidence présidentielle. Un acte de “gamin”, comme il le qualifie lui-même aujourd’hui, un geste de défi lancé à l’autorité, plus par esprit de contradiction que par véritable calcul. Mais dans un lieu où chaque recoin respire l’étiquette et le protocole, l’initiative ne passe pas inaperçue.

La sanction, si elle ne fut pas immédiate et spectaculaire, fut en revanche d’une efficacité redoutable. “À mon avis, les huissiers qui traînent dans les couloirs ont senti et regardé”, analyse-t-il avec le recul. L’odeur caractéristique a sans doute dû trancher radicalement avec les parfums d’ambiance habituels du palais. Le verdict tombe, silencieux mais implacable. “Ils se sont dit : ‘Lui, il faut le mettre sur une liste des personnes qu’il ne faut pas inviter’”.

Le résultat ? “J’ai bien mis 30 ans avant d’être réinvité”, raconte-t-il, mi-amusé, mi-fataliste. Trente ans de mise au ban, une “sanction tacite” pour une simple bouffée de fumette présidentielle. L’histoire aurait pu tourner au scandale d’État, mais elle est restée, des décennies durant, dans le jardin secret de l’artiste.

Aujourd’hui, l’heure n’est plus à la repentance. Florent Pagny évoque cette mésaventure sans l’ombre d’un regret, la classant dans le tiroir des souvenirs de jeunesse, de ces “trucs de gamin” qui forgent un caractère. Cette anecdote, au-delà de son aspect comique, illustre parfaitement la philosophie de vie d’un homme qui a toujours revendiqué sa liberté, peu importe le prix à payer.

Mais cette interview fleuve n’a pas seulement été l’occasion d’évoquer ses frasques de jeunesse. Florent Pagny, fidèle à sa réputation d’homme sans filtre, a également profité de cette tribune pour aborder des sujets plus sombres, qui ont marqué sa carrière de manière indélébile. Il est notamment revenu sur la fameuse affaire de fraude fiscale qui lui a valu tant de critiques et une condamnation au début des années 2000.

Le chanteur a en effet été condamné en 2004 par le tribunal correctionnel de Versailles. Les faits qui lui étaient reprochés étaient sérieux : 6 mois de prison avec sursis et 15 000 € d’amende. En cause ? Le non-paiement de la TVA pour l’année 1997, à hauteur de près de 48 000 €, mais aussi la minoration de ses revenus pour les années 1996 et 1997, pour un montant dépassant les 540 000 €. L’affaire, rapportée à l’époque par le journal Le Monde, mentionnait également le détournement d’objets qui devaient être saisis dans le cadre d’un important arriéré d’impôt.

Une “bien sombre affaire”, comme le souligne le journaliste, qui contraste avec la légèreté de l’anecdote du joint. C’est tout le paradoxe de Florent Pagny : un artiste capable de la plus grande insouciance, de provocations d’adolescent attardé, mais aussi un homme rattrapé par les réalités complexes de la célébrité, de la richesse et de ses obligations de… contribuable.

Ironiquement, c’est ce même statut de “contribuable”, qu’il avait fièrement revendiqué pour justifier sa pause “pétard” à l’Élysée, qui l’a plongé au cœur d’une tempête judiciaire et médiatique. De la provocation juvénile à la condamnation pénale, ces deux histoires, mises en parallèle, dessinent le portrait d’un homme complexe, entier, qui vit selon ses propres règles, quitte à en payer le prix fort.

Que ce soit en défiant les huissiers de la République ou les agents du fisc, Florent Pagny a toujours cultivé sa différence, sa “liberté de penser”. Cette nouvelle révélation sur son bannissement de l’Élysée ne fait que confirmer son statut d’icône indomptable, un artiste qui, même dans les lieux les plus sacrés du pouvoir, n’oublie jamais d’être, avant tout, irrévérencieusement lui-même.