C’est sous un ciel empreint de gravité que le monde du cinéma, la famille et les amis proches se sont réunis ce mercredi après-midi pour accompagner Émilie Dequenne vers sa dernière demeure. Au cimetière du Père Lachaise, dans le 20ème arrondissement de Paris, l’émotion était palpable, presque tangible, alors que l’actrice belge, décédée à l’âge de 43 ans des suites d’un cancer rarissime, recevait un ultime hommage. Entre dignité, larmes et souvenirs lumineux, retour sur une cérémonie bouleversante.

Un Clan Soudé face à l’Insupportable

Il était 15h30 lorsque le silence s’est fait devant le crématorium du Père Lachaise. Au centre de toutes les attentions, mais surtout au cœur de la douleur, Michel Ferracci, l’époux de l’actrice depuis dix ans, est apparu le visage marqué mais digne. Dans cette épreuve impossible, il n’était pas seul. Ses fils, Enzo et Maël, beaux-fils d’Émilie qu’elle aimait comme les siens, l’entouraient, formant un rempart d’amour et de solidarité face au deuil.

L’image de ce trio, soudé dans la douleur, restera l’un des moments forts de ces obsèques. Elle témoigne de la place centrale qu’occupait Émilie au sein de sa famille recomposée, elle qui avait su tisser des liens indéfectibles avec les enfants de son mari. Devant le bâtiment, un portrait de l’actrice, dessiné comme un ange par le créateur Jean-Charles de Castelbajac, semblait veiller sur l’assemblée, rappelant à tous la lumière et la pétillance qui la caractérisaient.

Les Frères Dardenne : La boucle est bouclée

Obsèques d'Emilie Dequenne : son mari Michel Ferracci soutenu par ses deux  fils - Yahoo Actualités France

Parmi les nombreuses personnalités venues rendre hommage, la présence de Jean-Pierre et Luc Dardenne résonnait avec une force symbolique particulière. C’est eux qui, en 1999, avaient révélé au monde entier cette jeune adolescente inconnue de 17 ans dans Rosetta. Ce rôle, brut, physique, inoubliable, lui avait valu le Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes, propulsant Émilie Dequenne au rang de prodige du cinéma européen.

Les voir aujourd’hui, le visage grave, dire adieu à celle qu’ils ont vue éclore, a rappelé à quel point le lien entre un réalisateur et son actrice peut dépasser le cadre professionnel. Ils étaient là au début de son histoire publique, ils étaient là pour en clore le chapitre terrestre. Une fidélité qui force le respect.

Le “Tout-Cinéma” Réuni : Une Famille de Cœur

Au-delà des cercles intimes, c’est toute une génération d’acteurs et de réalisateurs qui a fait le déplacement. On a pu apercevoir Camille Cottin, dissimulant son chagrin derrière des lunettes noires, mais aussi Nicole Calfan et Sami Bouajila, avec qui Émilie avait partagé l’affiche de Divin Enfant en 2013. Guillaume Gouix, son partenaire dans le drame Chez Nous (2017), était également présent, témoignant de l’amitié qui liait l’actrice à ses anciens collègues.

La “bande des Belges” était évidemment au rendez-vous, solidaire et meurtrie. Jérémie Renier, qu’elle avait côtoyé sur le tournage épique du Pacte des Loups en 2001, Débora François, et la star Virginie Efira sont venus saluer la mémoire de leur compatriote. L’émotion était aussi visible sur les visages de Philippine Leroy-Beaulieu, Alice Belaïdi, Daniel Russo, et du réalisateur Albert Dupontel, qui l’avait dirigée dans Au revoir là-haut. L’animatrice Flavie Flament, qui lui avait rendu un vibrant hommage télévisé quelques jours plus tôt, était également présente pour ce dernier au revoir.

Un Dernier Combat : La Recherche plutôt que les Fleurs

Fidèle à ses engagements et à son altruisme, Émilie Dequenne avait, par la voix de sa famille et de son agente historique Danièle Gain, émis un souhait particulier pour ses obsèques. Pas de fleurs, pas de couronnes. La beauté éphémère des bouquets devait laisser place à l’espoir durable de la science.

“Préférez nous aider à faire progresser la recherche sur le corticosurrénalome”, tel était le mot d’ordre. Ce cancer de la glande surrénale, extrêmement rare et agressif, est celui qui a emporté l’actrice après un combat débuté en octobre 2023. Les proches ont invité chacun à faire un don à l’Institut Gustave Roussy, premier centre de lutte contre le cancer en Europe, où Émilie a été soignée jusqu’à ses derniers instants en soins palliatifs.

Une page de collecte dédiée a été ouverte par les familles Ferraci et Dequenne, transformant ainsi la douleur de la perte en une action concrète pour l’avenir. C’est là, sans doute, le plus bel héritage que pouvait laisser celle qui rêvait “d’un monde où les traitements seraient plus efficaces”.

Une Carrière Fulgurante, Une Vie Engagée

PHOTOS. Obsèques d'Émilie Dequenne au Père-Lachaise à Paris : "Elle était  plus qu'une actrice"

Revoir le parcours d’Émilie Dequenne, c’est contempler une trajectoire sans fausse note, guidée par l’instinct et le cœur. De la rage de vivre de Rosetta à la douceur complexe de Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait (qui lui valdra un César en 2021), elle a tout joué, tout donné. Elle savait passer du drame social âpre à la comédie populaire, du film d’époque au thriller psychologique comme À perdre la raison, où elle incarnait une mère infanticide avec une justesse glaçante et bouleversante.

Mais son dernier rôle fut sans doute le plus difficile : celui d’une patiente face à la maladie. Elle avait choisi de médiatiser son combat, non par voyeurisme, mais pour briser les tabous, partageant ses espoirs, sa rémission au printemps 2024 célébrée sur les marches de Cannes, puis la terrible rechute en fin d’année. Son courage, salué par tous, restera un modèle de résilience.

Un Hommage à Venir sur ses Terres Natales

Si Paris a pleuré Émilie ce mercredi, la Belgique, sa terre natale, ne l’oublie pas. C’est à Chièvres, en Wallonie, là où elle a grandi, que le prochain chapitre du souvenir s’écrira. Zoé Delhaye, la bourgmestre de la ville, a confirmé qu’un moment privilégié était en préparation, à la demande de la famille.

Bien qu’aucune date ne soit encore fixée, cet événement permettra aux habitants, qui ont vu grandir la petite fille devenue star, de se recueillir lors de la remise du registre de condoléances à la famille. Émilie Dequenne était citoyenne d’honneur de sa ville ; elle en restera à jamais la fierté.

En ce triste mercredi de mars, le cinéma perd l’un de ses sourires les plus francs et l’un de ses talents les plus purs. Mais comme le disait le poète, les morts ne sont vraiment morts que lorsque l’on cesse de penser à eux. À voir la foule, les larmes et l’amour présents au Père Lachaise, Émilie Dequenne est assurée de vivre encore longtemps dans nos cœurs et sur nos écrans.

Adieu, Rosetta. Et merci.