Elle est Christiane, l’esthéticienne naïve et maladroite des “Bronzés”. Elle est Sœur Thérèse, la détective en cornette la plus populaire du petit écran. Dominique Lavanant, 81 ans, est une icône de la comédie française, un visage familier qui, des décennies durant, a incarné une certaine bourgeoisie “bon chic bon genre” avec un talent comique inégalé. Son sourire et ses répliques cultes ont fait rire des générations de Français. Pourtant, derrière ce masque de gaieté se cache une femme meurtrie, hantée par une solitude profonde et des blessures jamais cicatrisées.

Aujourd’hui, alors qu’elle mène une vie plus retirée des projecteurs, Dominique Lavanant a décidé de rompre le silence. Elle ne parle pas d’un homme, ni d’une romance cachée. Le véritable “amour de sa vie”, celui dont la perte a défini son existence, c’est quelque chose de bien plus fondamental : un sentiment d’appartenance, une famille. Une famille qu’elle a perdue deux fois.

La Première Fêlure : La Perte du Père

Le premier drame de sa vie survient alors qu’elle n’est qu’une enfant. Née à Morlaix dans le Finistère, elle n’a que deux ans lorsque son père, électricien, se noie au large des côtes. Ce drame fondateur laisse un vide béant, incompressible. Élevée par sa mère puis son beau-père dans des conditions parfois difficiles, Dominique Lavanant grandit avec le fantôme de cet amour paternel absent.

C’est une tristesse qu’elle mettra des années à identifier, une quête inconsciente de cette figure familiale perdue qui la poussera, peut-être, vers les arts et la création. Cette blessure originelle la rend sensible, toujours en quête de connexion, mais la condamne aussi à une solitude intérieure qu’elle ne parviendra jamais tout à fait à combler.

La Seconde Famille : L’Âge d’Or du Splendid

Dans les années 1970, Paris est une fête. La jeune Bretonne, montée à la capitale avec des rêves de théâtre, rencontre une bande de talents bruts qui va changer sa vie. Josiane Balasko, Michel Blanc, Thierry Lhermitte, Christian Clavier, Gérard Jugnot, Marie-Anne Chazel… C’est la troupe du Splendid. Pour Dominique Lavanant, c’est plus qu’une troupe de théâtre ; c’est la famille qu’elle n’a jamais eue.

Elle trouve sa place au milieu de ces fortes têtes. Le succès est fulgurant. La pièce “Amour, coquillages et crustacés” devient le film culte “Les Bronzés” en 1978. Son personnage de Christiane, l’esthéticienne gaffeuse, devient instantanément une icône. L’année suivante, “Les Bronzés font du ski” enfonce le clou. La France est hilare. La troupe est au sommet. Pour Dominique, c’est l’âge d’or. Elle existe, elle est reconnue, elle est entourée, elle fait partie d’un “tout”. Elle croit avoir enfin trouvé sa place.

La Grande Trahison : La Rupture Dévastatrice

Mais le rêve va virer au cauchemar. Lentement, insidieusement, la dynamique de groupe se fissure. Le succès individuel des uns et des autres crée des tensions. Dominique Lavanant, peut-être à cause de sa nature plus réservée ou de sa sensibilité à fleur de peau, commence à se sentir en décalage.

Elle confiera bien plus tard que, même au sommet de leur gloire, elle s’est toujours sentie considérée par ses collègues comme une “nouvelle venue”, une pièce rapportée, malgré son dévouement total à la troupe. La blessure est profonde, mais elle reste silencieuse.

Le coup de grâce arrive en 2006, avec le projet “Les Bronzés 3 : Amis pour la vie”. Ce qui devait être une réunion joyeuse se transforme en “véritable plaie” pour l’actrice. Sur le tournage, elle se sent complètement mise à l’écart, exclue des discussions, ignorée par ceux qu’elle considérait comme ses frères et sœurs de cœur. Elle avouera avoir pleuré de nombreuses nuits, se sentant comme une étrangère au milieu de sa propre famille.

La rupture est totale. Les amitiés avec Josiane Balasko, Michel Blanc et les autres se brisent irrémédiablement, lui laissant un sentiment de trahison insupportable. Elle a raconté avoir tenté une réconciliation des années plus tard, croisant Balasko lors d’un événement en 2010. Mais la conversation fut si glaciale qu’elle en pleura tout le long du chemin du retour. Le Splendid, sa famille de substitution, l’avait rejetée. C’était sa deuxième perte, et peut-être la plus douloureuse.

Une Carrière Brillante, des Douleurs Secrètes

Ironiquement, c’est loin du Splendid que Dominique Lavanant obtiendra la plus grande reconnaissance de la profession. En 1988, elle reçoit le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour “Agent Trouble”, un drame intense qui prouve qu’elle est bien plus qu’une simple comique. Elle triomphe aussi à la télévision, d’abord avec “Imogène” puis, surtout, avec le succès phénoménal de “Sœur Thérèse.com” de 2002 à 2011, attirant des millions de fidèles sur TF1.

Mais même ces succès sont parsemés de doutes et de larmes. La carrière d’une actrice est faite de hauts et de bas, et pour une personne aussi sensible, chaque revers est une épreuve. Elle a raconté avoir pleuré d’épuisement sur des tournages, ou s’être effondrée dans sa loge en apprenant l’annulation d’une série, craignant que sa carrière ne soit finie.

La Solitude comme Dernier Refuge

Aujourd’hui, à 81 ans, Dominique Lavanant regarde sa vie avec une lucidité poignante. La plus grande tristesse de son existence, avoue-t-elle, est la combinaison de ces deux pertes : la perte de son père qui l’a laissée en manque d’une famille, et la perte du Splendid qui l’a privée de la communauté en laquelle elle avait mis toute sa confiance.

Elle n’a jamais fondé sa propre famille. Sans mariage ni enfant, elle a dû faire face aux questions intrusives des médias, elle qui protégeait farouchement son jardin secret. Elle a admis avoir abandonné l’idée de se marier, de peur de ne pas pouvoir équilibrer carrière et vie privée. Elle confie sa tristesse en voyant ses amis entourés de leurs enfants et petits-enfants, alors qu’elle “n’a que des rôles d’actrice” pour lui tenir compagnie.

Le véritable amour de la vie de Dominique Lavanant, ce n’était ni un homme, ni même le théâtre. C’était cette quête éperdue d’une famille, d’un port d’attache. Un amour qu’elle a cru trouver dans l’effervescence du Splendid, avant qu’il ne lui soit brutalement arraché, la laissant avec pour seule compagnie cette solitude tranquille qui l’accompagne depuis l’enfance. Derrière l’une des plus grandes comédiennes de France se cache un cœur brisé, et une leçon de vie d’une infinie tristesse.