Quand Gavin Mortimer dénonce le « Dupont-bashing » : un écrivain britannique affirme que la France sabote ses héros, exposant ce phénomène national qui détruit les légendes du rugby avant leur retour

Antoine Dupont, capitaine emblématique du XV de France, est aujourd’hui au centre d’un débat houleux : pourquoi certains médias et fans français multiplient-ils les attaques acerbes contre lui, dès qu’il est moins présent sur le terrain ? L’écrivain britannique Gavin Mortimer sort du silence et brandit un mot rarement entendu dans le rugby français : « Dupont-bashing ». Une expression choc pour dénoncer ce phénomène selon lui profondément français, qui fragilise les talents au moment où ils devraient renaître.

Le moment déclencheur

Depuis sa grave blessure au genou en mars 2025, Dupont est éloigné des pelouses. Entre convalescence, réathlétisation et retour progressif, l’absence du demi de mêlée est scrutée. Certains lui reprochent son activité médiatique pendant cette période – participation à des événements, apparitions publiques, voyages – et insinuent qu’il se comporte davantage comme une star que comme un sportif en convalescence.

Mais c’est face à ces critiques que Ugo Mola, manager du Stade Toulousain, est monté au créneau. Il a dénoncé ce qu’il a appelé le « piège du Dupont-bashing » : « Les jours où il n’est pas sur les réseaux sociaux, il s’entraîne et on ne le filme pas » a-t-il déclaré, rappelant que la partie visible de l’iceberg n’est qu’un fragment de la réalité du joueur.

La défense d’un observateur anglais

C’est dans une chronique pour Rugby Pass que Gavin Mortimer intervient. Selon lui, le traitement infligé à Dupont dépasse la simple critique sportive. Il parle d’un biais national : « Le “Dupont-bashing” est un phénomène très français. (…) En Grande-Bretagne, il est adoré. » Une affirmation qui heurte. Pourquoi un joueur aussi adulé à l’étranger est-il tant vilipendé dans son propre pays ?

Mortimer accuse une mentalité d’auto-sabotage : dans une culture où on aime couper la tête qui dépasse, dès que la star chuterait ou se fait plus discrète, on l’accuse. Un joueur blessé, moins actif dans les médias, devient soudain suspect — de vanité, de désengagement ou de calcul.

Un phénomène national ?

La notion de “bashing” n’est pas neuve dans le monde du sport. Mais appliquer ce terme à un joueur français d’exception ouvre un débat : jusqu’où va la bienveillance nationale quand le héros est vulnérable ? Mortimer suggère que le rugby français entretient une relation toxique avec ses légendes : il les exalte, puis les accable dès qu’elles vacillent.

Dans cette logique, le “bashing” ne serait pas réservé à Dupont. Mais lui, de par son aura, subirait les affres de l’adulation et des attentes effrénées. L’auteur britannique insiste : en Angleterre, une star blessée est soutenue, saluée pour son parcours de retour. En France, elle est parfois accusée de baisse d’engagement, jugée pour ses choix extra-sportifs, ou décriée comme “trop people”.

Réactions en chaîne

Les propos de Mortimer font vaciller certains certitudes. Les réseaux sociaux s’enflamment : des supporters défendent Dupont avec ferveur, dénoncent la jalousie nationale, réclament du respect pour un homme qui, malgré sa blessure, reste au centre du rugby français. D’autres se demandent s’il ne s’expose pas lui-même en multipliant les sorties médiatiques, alimentant le feu de la critique.

Au sein du staff du XV de France, on observe avec prudence. Le retour de Dupont est prévu pour fin novembre / début décembre, mais tous craignent que le climat autour de son retour soit assombri par les controverses.

L’homme derrière la légende

Ce débat autour du “Dupont-bashing” n’est pas uniquement une défense d’une star blessée. Il questionne le lien entre le joueur et l’adversité médiatique, la charge écrasante du succès et le rôle de l’opinion publique. Dupont, en silence, se reconstruit physiquement et mentalement. Chaque critique est une plaie supplémentaire, chaque soutien une bouffée d’oxygène.

Mortimer rappelle qu’un homme est d’abord un être : devoir supporter les attentes, les juges, les applaudissements puis les coups, cela pèse. Si le rugby célèbre les héros, il doit aussi reconnaître leur humanité.

Avant le retour

Le match Türkiye-France, la tournée d’automne, la reprise en Top 14… toutes les échéances qui s’annoncent sont désormais teintées de cette ombre. Le retour d’Antoine Dupont pourrait devenir plus qu’un événement sportif : un test de résilience collective.

Si le “Dupont-bashing” persiste, il risque de détourner l’attention de l’essentiel : son jeu, sa reconquête du terrain, son rôle pour faire vibrer de nouveau les supporters. Et si, au contraire, la France décidait de le protéger, de comprendre que derrière l’icône se trouve un homme blessé, cette blessure pourrait devenir le début d’une légende encore plus grande.

La France est désormais confrontée à un choix : poursuivre le moment de critique facile — ou choisir de soutenir un de ses champions quand il en a le plus besoin.