Il défie Zlatan, cite Platon, et redéfinit le rugby : comment Antoine Dupont impose sa vision collective dans un sport de plus en plus individualisé

Antoine Dupont, rugbyman mondialement connu et reconnu, nous fait le plaisir de venir échanger sur la beauté collective de son sport.

Avec

Antoine Dupont, rugbyman français

L’édito de Charles Pépin :

“J’aimerais ce matin vous raconter l’histoire d’un champion, d’un numéro 9 mais plus encore, l’histoire d’un capitaine. A quoi pense-t-il, avant d’entrer sur le terrain ? Il pense au match, bien sûr, il pense à la tactique, à la stratégie, bien sûr, il pense à ce qu’il a à faire mais surtout, il pense aux autres. A ses coéquipiers, à ses potes. Comment les mettre en confiance ? Comment leur parler pour qu’ils donnent le meilleur ? Comment leur transmettre les bonnes énergies ? Lorsque le joueur en lui laisse parler le capitaine, il se passe quelque chose de bizarre et de beau. C’est amusant d’ailleurs, il est de nature plutôt timide, mais lorsque le joueur laisse en lui parler le capitaine, il trouve une autre voix.

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Le shoot d’ego, ce n’est pas vraiment sa tasse de thé. Il avait souri en voyant le titre de l’autobiographie de Zlatan : « le foot, c’est moi ». Lui, s’il écrivait un livre, il choisirait plutôt : « le rugby, c’est nous ». Il aime les performances individuelles tant qu’elles sont au service de la performance collective, parfois même quand elles s’effacent au profit de la performance collective. Et quand il sourit après une belle action, c’est un grand sourire de partage, c’est une joie d’être ensemble, d’avoir construit une action collective, d’être les artisans d’un schéma de jeu dans lequel on a besoin de tout le monde, des talents les plus divers, des petits comme des gros. Une belle équipe ne peut se réduire à une addition de talents, c’est cela bien sûr mais c’est plus que cela, et c’est ce plus qui lui donne des étoiles dans les yeux, et de la force dans les jambes.

Au rugby, le capitaine ne porte pas de brassard et cela lui plait bien, l’essentiel n’est pas dans ce qu’on affiche mais dans ce qu’on éprouve, dans ce qu’on exprime, dans ce qu’on réussit à créer tous ensemble. On lui dit parfois que tout le monde joue mieux quand il est là mais ça le gêne un peu, il ne sait pas où se mettre alors il glisse un bon mot, un peu pince sans rire, avant de passer à autre chose. Et ça aussi, c’est une belle performance.

Pour en parler ce matin, de performance et de beauté, j’ai la joie de recevoir ce numéro 9, ce capitaine. Premier rugbyman à avoir été élu meilleur joueur du monde de Rugby à XV en 2021, puis meilleur joueur du monde de rugby à sept en 2024, champion olympique en 2024, vainqueur avec l’équipe de France du Tournoi des six nations en 2022 et en 2025, capitaine également de la meilleure équipe de rugby du monde, la Stade Toulousain, Antoine Dupont est avec nous ce matin et avec lui, nous allons nous interroger le rapport entre performance individuelle et performance collective. Avec Antoine Dupont, blessé en ce moment, nous allons chercher à savoir ce qu’est vraiment une belle performance.”

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Antoine Dupont, numéro 9 emblématique

Antoine Dupont est devenu le nouveau numéro 9 emblématique du XV de France. Reconnu comme meilleur joueur du monde par ses pairs, il s’est frotté au rugby à sept et devenu Champion Olympique avec l’équipe de France de Sevens aux JO de Paris en 2024. Sa performance et cette victoire lui ont valu d’être à nouveau élu meilleur joueur de rugby en 2024, trois ans après la première, mais à sept cette fois-ci.

Le joueur est au micro de l’émission, “opportunité” si on peut dire, due à une blessure du joueur qui le tient éloigné des terrains et des matchs pendant un long moment. La période durera six à huit mois, comment mettre ce temps à profit au-delà de l’arrêt médical ? Dans le cas d’Antoine Dupont, six à huit mois d’arrêt pour soigner une rupture des ligaments croisés au genou. Au départ, notamment lorsque la blessure est brutale comme ici, “la douleur, elle est physique, mentale et psychique, il faut d’abord arriver à avoir cette période d’acceptation, basculer en se projetant vers la reprise, avoir de nouveaux objectifs. Et dans tout cela, au bout d’un moment, on est obligé d’y trouver du positif, la seule direction que l’on a est d’essayer d’avancer, de revenir et d’essayer d’optimiser ce temps qui n’est pas du repos, qui est hors des terrains, mais qui reste du travail au quotidien, mais qui est différent.“.

Le joueur ajoute qu’au début, c’est assez fastidieux, avec un gros travail après l’opération en vue de la reprise musculaire pour reprendre la course, cette musculature perdue après trois mois d’arrêt. Le plus grand des numéros 9 français est ainsi déjà tourné vers l’avenir.

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Travailler les scenarios pour activer la confiance

Tout comme la blessure, l’imprévu fait partie du jeu, un match ne se passe jamais, ou rarement, comme prévu.”Il faut être capable de s’adapter à tout cela et c’est ce qui est le plus dur.” Le but de l’entraînement est de trouver une diversité de réponses aux situations qui se présentent, qu’il s’agisse du XV de France ou du Stade Toulousain. L’entraînement permet alors une prise de décision rapide en match en multipliant ces situations, “à chaque fois qu’on s’entraîne on essaye de nous plonger dans des conditions de matchs, dans des scénarios, des actions de jeu qu’on pourra retrouver pour essayer d’avoir la meilleure réponse en fonction de ce qui se passe en face de nous.“. Le joueur explique ainsi que la rapidité d’exécution, le réflexe, vient de beaucoup d’entraînement pour arriver à se faire confiance pour le jour J.

Son rôle de Capitaine de l’équipe de France et du Stade Toulousain, porte en son sein la diffusion de sa propre confiance aux autres. “On ne m’a trop laissé le choix ! Ce n’est pas un rôle dans lequel je me sentais à l’aise, j’avais juste envie d’aller sur le terrain et de jouer au rugby, le ballon sous le bras.” Pour autant, sa place de numéro 9 le conduit inévitablement à ce leadership, “les numéros 9 restent des capitaines dans l’âme, c’était un côté de mon jeu que je n’avais pas beaucoup développé, et encore une fois qui ne m’intéressait pas alors que ce n’était pas une bonne chose car il fallait que je l’ai. Le coach m’a poussé à ce rôle-là parce qu’il savait que ça allait me faire évoluer aussi en tant que joueur“. Cette expérience le servira ensuite à la tête de l’équipe de France, à seulement 25 ans. Un rôle qui ne se refuse pas. “Ça peut”. Il en avait parlé avec Fabien Galthié, sélectionneur et ancien grand joueur du XV de France qui en avait lui-même refusé le capitanat, en laissant passer quelque temps avant de l’accepter.

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Qu’est-ce que le beau jeu ?

Michel Serre, philosophe, disait : “un ballon est un traceur de relation“. Pour l’écrivain Antoine Blondin, le rugby, “cet art de la réussite consacrant l’abnégation dans l’amitié, c’est tout le bonheur d’un jeu dans lequel l’individu se complète à travers autrui. Dans cette perspective l’essai est la face la plus lumineuse du rugby, celle où la beauté du geste couronne son efficacité“. Qu’est-ce qu’une belle équipe pour Antoine Dupont ? Qu’est-ce qui défini le beau jeu à ses yeux ?
Pourquoi les Springboks, l’équipe d’Afrique du Sud est-elle désormais au-dessus du lot, devant la Nouvelle-Zélande, l’Irlande et la France  ?
Quelle est cette singularité du Stade Toulousain ?
Et qu’est-ce que le “French flair”, ces essais venus du bout du monde, mêlant initiative et technique ?

La suite s’écoute dans cette émission avec Antoine Dupont…