Francofolies de Spa en feu : Pourquoi le chanteur Amir divise artistes, public et organisateurs entre soutien militaire, accusations politiques et accusations d’antisémitisme à peine voilées

Mal à l'aise », dix artistes dénoncent la présence d'Amir aux Francofolies  de Spa - Le Parisien

Scandale aux Francofolies : Amir, la voix de la discorde

Spa, Belgique — Le rideau ne s’est pas encore levé sur l’édition 2025 des Francofolies de Spa que déjà, les projecteurs ne sont plus braqués sur la musique… mais sur la tempête médiatique qui entoure un nom : Amir. Le chanteur franco-israélien, connu pour ses ballades romantiques et son sourire désarmant, se retrouve au cœur d’une controverse politique, éthique et culturelle qui divise la scène francophone.

Une programmation qui fait vaciller l’harmonie

C’est une dizaine d’artistes programmés au festival — dont Colt, Lovelace, Lauravioli ou encore Nicou — qui ont ouvert les hostilités. Dans un communiqué commun, ils dénoncent la présence d’Amir, invoquant son passé militaire en Israël, ses prises de position après l’attaque du 7 octobre 2023, et même sa participation à un concert dans une colonie israélienne en 2014.

Trois artistes, Yoa, Libra Roméa et Raquel, sont allés plus loin : ils ont purement et simplement annulé leur venue, affichant leur indignation sur les réseaux sociaux. Une première dans l’histoire récente du festival.

Un passé militaire sous les feux de la rampe

Le cœur de la polémique ? La biographie d’Amir. Né en France, de parents israéliens, il possède la double nationalité. Il a volontairement effectué son service militaire en Israël, alors qu’il aurait pu s’y soustraire en tant que citoyen français. Ce choix, purement personnel selon ses proches, est aujourd’hui instrumentalisé comme un symbole d’adhésion à la politique israélienne.

Pire encore, ses messages publiés à la suite des attaques du 7 octobre, dans lesquels il exprimait son soutien aux soldats israéliens, sont considérés par certains comme unilatéraux et insensibles à la souffrance palestinienne. Des propos qui, pour ses détracteurs, justifient une exclusion du paysage artistique international.

Francofolies : neutralité ou aveuglement ?

Du côté de l’organisation, le ton est à la modération prudente. Yoann Frédéric, directeur des Francofolies, déclare :

Conflit israélo-palestinien: des artistes dénoncent la programmation d'Amir  aux Francofolies de Spa

“Nous ne sommes pas une autorité morale. Il est complexe de juger l’intégralité d’un parcours de vie à travers quelques faits ou propos sortis de leur contexte.”

Il rappelle également que la musique d’Amir n’est en rien politique, et célèbre des thèmes universels : amour, amitié, joie, espoir. Pour le festival, censurer un artiste sur des critères politiques ou religieux reviendrait à compromettre la liberté de création et la diversité culturelle qui font l’essence des Francofolies.

Une colère qui déborde du cadre artistique

Mais pour de nombreux activistes et artistes, le silence n’est plus une option. Le collectif Liège Occupation Free, actif dans le soutien à la Palestine, alimente la polémique en rappelant la présence d’Amir à un concert organisé par un membre d’un parti d’extrême droite israélien. Bien que cette information n’ait pas été vérifiée de manière indépendante, elle circule avec insistance sur les réseaux sociaux, alimentant le climat de tension et de méfiance.

Son label, lui, dénonce un “déferlement de haine à caractère antisémite” qui viserait non seulement l’artiste, mais plus largement tous ceux d’origine juive impliqués dans l’industrie musicale.

La frontière floue entre engagement et art

La question dépasse largement la personne d’Amir. Elle résonne comme un écho contemporain à une interrogation plus large :

Jusqu’où peut-on ou doit-on exiger des artistes qu’ils prennent position ?

Dans un monde où la guerre, les injustices et les crises humanitaires sont omniprésentes, le rôle de l’artiste évolue. Certains estiment qu’un chanteur ne peut plus se contenter de “chanter l’amour” sans se positionner. D’autres, au contraire, plaident pour un sanctuaire artistique, protégé des turbulences géopolitiques.

Amir, lui, a choisi le silence. Ni communiqué, ni interview, ni réponse directe aux attaques. Une stratégie de repli qui divise : silence coupable pour les uns, sagesse artistique pour les autres.

Un précédent dangereux pour la scène culturelle ?

En maintenant Amir dans sa programmation, les Francofolies prennent une position forte mais périlleuse. Car derrière ce cas précis se profile une réalité plus inquiétante : la politisation croissante des espaces artistiques.

Le danger ? Que chaque festival, chaque concert, chaque exposition devienne un terrain de guerre idéologique. Que l’art perde sa fonction première : rassembler au-delà des différences.

Belgique. Pourquoi la présence du chanteur Amir aux Francofolies de Spa  crée un malaise

D’autant que le précédent Amir pourrait créer une jurisprudence implicite : demain, faudra-t-il également examiner les opinions politiques de chaque artiste, ses fréquentations, ses posts Instagram, ses origines ? Jusqu’à quel point l’identité d’un créateur devient-elle une affaire publique ?

Le public, dernier juge ?

Reste à savoir ce qu’en pensera le public. Les réseaux sociaux s’enflamment, les billets se vendent malgré tout, et Amir devrait monter sur scène comme prévu. Le concert, s’il a lieu, s’annonce électrique, autant sur scène que dans la foule.

Entre huées, soutien, silence ou applaudissements, c’est peut-être bien le public qui tranchera, à sa manière, cette affaire aussi symbolique que douloureuse.


Conclusion : L’artiste et la guerre – une équation insoluble ?

L’affaire Amir met en lumière l’extrême fragilité de la frontière entre création artistique et engagement politique. Elle expose les tensions profondes d’une société en quête de sens, de justice, mais aussi parfois, de boucs émissaires.

Les Francofolies de Spa resteront, en 2025, le théâtre d’un débat brûlant, bien plus vaste que le simple choix d’un chanteur. Et peut-être, malgré le tumulte, cela rappelle aussi une vérité essentielle :

L’art, lorsqu’il dérange, est plus que jamais vivant.