Samuel Le Bihan : « J’adore les grands espaces… Avec Alex Hugo, je suis à ma place »

Il y a des rôles qui marquent une carrière. Et puis il y a des rôles qui la définissent, qui semblent être le prolongement naturel de l’acteur qui les incarne. Pour Samuel Le Bihan, Alex Hugo n’est pas un simple personnage de série à succès ; c’est devenu une évidence, une respiration, une philosophie. Quand il confie, l’œil franc et le ton posé, « J’adore les grands espaces, sentir la pluie sur mon visage… Avec Alex Hugo, je suis à ma place », il ne récite pas un texte. Il livre un morceau de son âme.

Depuis plus d’une décennie, des millions de téléspectateurs suivent les enquêtes de cet ancien grand flic de Marseille, reconverti en gardien de la paix au cœur des montagnes majestueuses des Hautes-Alpes. Un homme qui a fui le chaos de la ville pour l’isolement, le silence et la beauté brute d’une nature impitoyable. Ce que le public n’imaginait peut-être pas au début, c’est à quel point l’homme derrière le personnage partageait cette quête d’authenticité.

Samuel Le Bihan n’est pas un citadin qui joue au montagnard. Il est un homme qui a besoin de cet élément pour se ressourcer. Cette phrase, « J’adore les grands espaces », n’est pas une formule. C’est un besoin viscéral. Dans une industrie souvent dominée par l’artifice, les studios clos et l’agitation médiatique, Le Bihan a trouvé dans Alex Hugo un refuge professionnel qui est aussi un sanctuaire personnel.

« Sentir la pluie sur mon visage… » La plupart des gens fuient les intempéries. Lui les recherche. C’est là que se niche la compréhension profonde de son personnage. Alex Hugo n’est pas un flic qui subit la montagne ; il fait corps avec elle. Il en accepte la rudesse, la solitude, et même la violence. Pour l’incarner, Samuel Le Bihan a dû lui-même “apprivoiser la montagne”, comme il l’a déjà expliqué. Il a dû apprendre son rythme, ses dangers, mais surtout, sa vérité.

Ce n’est pas un hasard si la série possède ce rythme si particulier, presque contemplatif. Loin des montages frénétiques des polars urbains, Alex Hugo prend son temps. Le temps d’un regard sur un sommet, d’une marche silencieuse dans la neige, d’une discussion au coin du feu. Ce rythme, c’est celui que l’acteur chérit. Il correspond à son propre tempérament, à son besoin de se déconnecter de la “machine” pour se reconnecter à l’essentiel.

Quand il dit « Je suis à ma place », il faut mesurer le poids de ces mots. À 59 ans, après une carrière riche au cinéma (Le Pacte des loups, Jet Set) et au théâtre, Samuel Le Bihan n’est plus un acteur qui court après les rôles ; il est un homme qui cherche du sens. Et ce sens, il l’a trouvé dans ce personnage taiseux, cabossé par la vie, mais profondément humain.

Ce rôle est un “fantasme” pour lui, comme il l’a déjà admis. Un fantasme de liberté totale. Car si Samuel Le Bihan adore les grands espaces, sa vie d’homme, d’acteur et de père engagé (notamment à travers son association Autisme Info Service) est faite d’obligations, de responsabilités et d’un agenda millimétré. Alex Hugo, lui, n’a de comptes à rendre qu’à sa conscience et aux sommets qui l’entourent. En l’enfilant, son costume de flanelle et ses chaussures de marche, Le Bihan s’offre cette bouffée d’oxygène par procuration.

Mais plus qu’une simple évasion, c’est une forme de nourriture spirituelle. « La nature est une nourriture ! », s’était-il exclamé un jour. C’est peut-être la meilleure définition de la série. Chaque épisode n’est pas seulement une enquête policière ; c’est une immersion dans un monde où l’homme est remis à sa juste place, humble face à l’immensité. Un monde où le silence parle plus fort que les mots, et où la pluie sur un visage est une promesse de vie, pas un désagrément.

La fusion entre l’acteur et le personnage est telle qu’il est devenu difficile de les dissocier. Le succès phénoménal et constant de la série (rassemblant régulièrement plus de 6 millions de fidèles) ne tient pas qu’à la qualité des intrigues. Il tient à cette authenticité. Le public ne voit pas Samuel Le Bihan jouer Alex Hugo. Il voit un homme qui est, tout simplement. Un homme à sa place.

Dans ce paysage alpin qui lui sert de bureau, Samuel Le Bihan n’a pas seulement trouvé le meilleur rôle de sa carrière télévisuelle. Il a trouvé un miroir. Un lieu où ses propres aspirations à la simplicité, à la vérité et au contact direct avec les éléments peuvent s’exprimer pleinement. Et quand un acteur est à ce point en phase avec ce qu’il joue, l’évidence traverse l’écran et touche le cœur des gens.