“On aurait été prêtes à ça” : Révélations sur le geste impensable de Leslie Lemarchal, ce sacrifice ultime que la sœur et la mère de Grégory voulaient tenter pour le sauver

Le temps n’efface rien. Il ne fait que polir les contours de la douleur, la transformant parfois en force, parfois en une mélancolie plus douce. Dix-huit ans après que la France a perdu son “petit prince à la voix d’ange”, le souvenir de Grégory Lemarchal demeure une plaie vive dans le cœur de millions de Français, et une réalité quotidienne, un combat permanent, pour sa famille. Aujourd’hui, c’est sa sœur, Leslie Lemarchal, qui vient rallumer cette mémoire d’une lumière crue, poignante, en révélant l’ultime espoir, le geste fou, que leur amour désespéré les a poussées à envisager.

Dans une interview bouleversante accordée à la journaliste Dominique Lagrou-Sempère pour son émission “Entre vous et moi” sur YouTube, Leslie, aujourd’hui âgée de 37 ans, est revenue sur les derniers jours de son frère, emporté par la mucoviscidose à seulement 23 ans. Elle a mis des mots sur ce que signifie “se battre” quand il n’y a plus d’issue, et jusqu’où l’amour d’une sœur et d’une mère peut aller.

L’histoire de Grégory Lemarchal est celle d’une course contre la montre. Sa victoire à la Star Academy en 2004 n’était pas seulement un triomphe musical ; c’était un miracle de résilience, le symbole qu’une maladie dévorante ne pouvait pas éteindre un talent pur. Mais en coulisses, la réalité était moins glamour. La mucoviscidose gagnait du terrain, et l’urgence d’une greffe de poumons devenait la seule et unique condition de survie.

C’est cet espoir-là, celui du “greffon”, que la famille a porté “jusqu’à la dernière minute”, comme l’explique Leslie. L’attente insoutenable de l’appel qui n’arrive pas, le téléphone qui reste muet alors que chaque souffle devient plus difficile que le précédent. C’est dans ce huis clos d’angoisse et d’impuissance qu’a germé ce que Leslie appelle “l’élan du dernier espoir”.

“Il y a même ce moment où, avec ma mère, comme on était du même groupe sanguin elle, Greg et moi, on pose la question au médecin si ça existe le don du vivant d’un lobe de poumon.”

La phrase est lâchée. Simple, factuelle, mais d’une puissance dévastatrice. Il faut imaginer la scène : deux femmes, une mère et une sœur, face à un médecin, prêtes à s’allonger sur une table d’opération, à donner un morceau de leur propre corps, un lobe de leurs propres poumons, pour offrir une chance à leur fils, à leur frère. Un acte d’un amour si absolu qu’il transcende la peur et la logique médicale.

“Pour le coup, on ne savait pas, on ne s’était pas renseignées là-dessus”, précise Leslie. “Mais on aurait été prêtes à ça avec ma mère.”

Cette proposition, c’est le cri du cœur de ceux qui refusent l’inéluctable. C’est le fantasme de toute personne qui accompagne un proche vers la fin : pouvoir prendre une part de la souffrance, donner un peu de sa propre vie pour prolonger celle de l’autre. La réponse du corps médical fut un non catégorique. “Ce n’était pas possible.”

La médecine a ses limites, que l’amour ne connaît pas. Cette révélation, dix-huit ans plus tard, n’est pas anecdotique. Elle est le cœur battant du drame de Grégory Lemarchal. Elle dit tout de la force de ce clan familial – Pierre, Laurence, Leslie – uni face à la maladie. Elle dit tout du combat qu’ils ont mené, non pas à trois contre la maladie, mais à quatre, Grégory étant le premier des guerriers.

Le témoignage de Leslie ne s’arrête pas à cet acte d’amour manqué. Il explore aussi l’après, la survie. Car lorsque Grégory est parti le 30 avril 2007, il a laissé derrière lui des vies brisées. Leslie, qui n’était qu’une adolescente lorsque son frère est devenu une star, a dû grandir avec ce vide. Elle confie avec une honnêteté déchirante le fardeau de celle qui reste : la culpabilité du survivant.

“Moi je n’ai pas été malade, j’aurais pu l’être”, souffle-t-elle, les yeux embués. “Y a un moment on se dit : ‘Viens on inverse les rôles, pourquoi lui, pourquoi pas moi ?’” Cette question, “Pourquoi lui ?”, a hanté des millions d’admirateurs. “Pourquoi pas moi ?”, se demande celle qui partageait son sang, son enfance, ses rires. C’est le poids injuste et irrationnel qui pèse sur les fratries touchées par la maladie génétique.

Leslie Lemarchal explique son long cheminement pour passer de “survivre” à “vivre”. “J’ai réussi, déjà, à survivre à son départ. Mais survivre ce n’est pas vivre. J’ai réussi à trouver le chemin de mon bonheur à moi”, confie-t-elle. Un bonheur trouvé dans la maternité, mais aussi et surtout dans la transmutation de sa douleur en action.

Car si ce don du vivant n’a pas été possible, la famille Lemarchal a trouvé un autre moyen de donner. L’Association Grégory Lemarchal, qu’ils ont fondée sur les cendres de leur chagrin, est devenue l’œuvre de leur vie. Un don d’une autre nature, plus vaste, plus durable. En s’investissant “corps et âme” dans cette association, Leslie accomplit chaque jour, symboliquement, ce geste de “don” qu’elle voulait faire. Elle ne donne pas un lobe de poumon, elle donne son temps, son énergie, sa voix, pour que le combat de Grégory ait un sens.

Chaque avancée dans la recherche, chaque Maison Grégory Lemarchal qui accueille des patients, chaque personne sensibilisée au don d’organes, c’est un peu de ce souffle que Grégory n’a pas eu qui est redistribué.

Les mots de Leslie Lemarchal sont un rappel puissant. Ils nous rappellent que derrière la figure lumineuse de l’artiste, il y avait un jeune homme dans l’urgence de vivre, entouré d’une famille prête à l’ultime sacrifice. Ils nous rappellent la cruauté de l’attente d’une greffe, cette “loterie” tragique où la vie de l’un dépend de la mort d’un autre.

“Greg, j’ai envie de dire que je l’aime d’un amour éternel. Qu’il me manque mais que ça va, que sa petite sœur est heureuse.” Cette phrase, empreinte d’une sérénité durement acquise, est peut-être le plus bel hommage. Le “geste impensable” n’a pas eu lieu, mais l’amour qui l’a inspiré, lui, est devenu une force inarrêtable qui continue, 18 ans plus tard, de déplacer des montagnes.