Mireille Mathieu : « Moi qui parcours le monde, je reconnais que mon pays n’est pas en pleine forme » – Le constat amer d’une ambassadrice de la chanson française

Elle est l’incarnation de la chanson française, l’éternelle « Demoiselle d’Avignon » dont la voix puissante et le sourire immuable ont conquis les scènes des quatre coins du globe. À 78 ans, Mireille Mathieu est non seulement une artiste célébrée, mais une véritable ambassadrice culturelle de la France, sillonnant la planète et chantant dans pas moins de onze langues différentes (français, allemand, anglais, espagnol, italien, russe, japonais, chinois, etc.).

Alors qu’elle est en pleine célébration de ses 60 ans de carrière et qu’elle s’apprête à retrouver le public de l’Olympia avant une longue tournée en France, en Belgique et en Suisse, son regard sur son pays natal revêt une acuité toute particulière. Interrogée sur Europe 1, Mireille Mathieu a rompu avec son habituelle réserve sur les sujets politiques ou sociétaux pour livrer un constat empreint d’amertume et de franchise, une observation que seule une artiste ayant une perspective mondiale peut formuler.

La déclaration est tombée comme un couperet : « Moi qui parcours le monde, je reconnais que mon pays n’est pas en pleine forme ».

Le Regard de l’Étranger : Le Contraste Douloureux d’une Idole

L’impact de cette phrase est décuplé par le statut de son auteure. Mireille Mathieu passe plus de temps à chanter à l’étranger qu’en France. Elle est une star monumentale en Allemagne — où on la surnomme « Der Spatz von Avignon » (Le moineau d’Avignon) — ainsi qu’en Europe de l’Est, en Russie et en Chine. Là-bas, elle est accueillie comme une icône nationale, symbole d’une France idéale, celle de la culture, du chic et du romantisme. Le public étranger non seulement l’acclame, mais apprend le français par amour pour sa musique et la langue qu’elle véhicule.

En voyant l’enthousiasme, la ferveur et le respect qu’elle reçoit à l’étranger, le contraste avec l’atmosphère parfois morose, tendue ou divisée qu’elle retrouve en rentrant en France semble d’autant plus cruel. Son constat ne relève pas d’une analyse politique ou économique technique, mais d’un ressenti profond, celui d’une femme de cœur qui porte l’image de son pays sur toutes les scènes.

Sa perspective est celle d’un miroir : en comparant la France idéalisée et passionnée que lui renvoient ses fans du monde entier avec la réalité qu’elle observe en revenant sur son propre sol, elle ne peut que déceler un malaise latent, une forme de déclin spirituel ou moral.

De l’Olympia à la Tournée Mondiale : Une Discipline de Fer pour un Rêve d’Enfant

Malgré ce constat sombre, l’énergie de Mireille Mathieu ne faiblit pas. À 78 ans, elle continue de mener une carrière au rythme effréné, une prouesse qu’elle attribue à une discipline de fer. Pour elle, pouvoir vivre de sa passion est un « rêve d’enfant qui s’est réalisé » grâce à l’émission Le Jeu de la Chance il y a six décennies.

Pour maintenir cette énergie sur scène et préserver sa voix, jugée « unique et puissante », la chanteuse s’impose une routine stricte qui ferait pâlir d’envie bien des artistes plus jeunes :

Elle n’a jamais touché à l’alcool.
Son alimentation est 100% bio.
Elle évite toute exposition au soleil.
Elle maintient sa coupe de cheveux emblématique — entretenue tous les dix jours depuis 1970 — comme un bouclier contre le temps qui passe.
Elle continue ses exercices vocaux quotidiens, un entraînement indispensable pour assurer des performances scéniques irréprochables.

Cette rigueur est un hommage constant au public, qu’elle considère comme la source de tout : « Je dois tout au public ». C’est ce public, tant en France qu’à l’étranger, qui lui donne l’énergie et la légitimité de continuer à jeter des « ponts entre les peuples en chantant la paix ».

Le Grand Retour et l’Inquiétude d’une Française

La tournée anniversaire de Mireille Mathieu, marquant ses 60 ans de carrière, est un événement majeur. Après avoir triomphé à l’étranger, elle revient sur la scène mythique de l’Olympia où elle avait d’ailleurs confié avoir eu « une trouille pas possible » avant de célébrer cet anniversaire historique.

Son engagement pour la France reste intact, comme en témoigne la présence du titre « Vive la France » dans son répertoire. Cependant, ses préoccupations sur l’état de son pays résonnent avec une profondeur qui touche au-delà des divisions habituelles. En tant que figure de la culture, elle ne fait « pas de politique », mais son lien avec le peuple est fort et inaltérable. Elle se souvient avec émotion de la main que la mairie d’Avignon avait tendue à la première des quatorze enfants d’une famille modeste, lui payant son billet de train pour sa première audition télévisée. Cette reconnaissance, elle la porte comme une dette de cœur.

Le diagnostic de Mireille Mathieu sur l’état de la France, bien que concis, est une alerte sincère. Il invite les Français à se souvenir de l’image qu’ils renvoient au monde — une image de culture, de force et de cohésion — et à se demander pourquoi, aux yeux d’une de ses plus fidèles ambassadrices, cette image semble s’être estompée sur le sol même de l’Hexagone.

Alors qu’elle s’apprête à embrasser à nouveau son public français, le constat de Mireille Mathieu sonne comme un appel à la fierté retrouvée. Sa présence sur scène, son intégrité, sa voix intacte après six décennies, sont peut-être le meilleur remède à la morosité qu’elle déplore. Car si le pays n’est pas « en pleine forme », l’icône, elle, déborde toujours d’une énergie et d’une passion qui sont l’essence même de la Grande France qu’elle chante depuis toujours.