Le Prix du Silence : À 97 Ans, Line Renaud Brise le Tabou sur Son Plus Grand Regret et la Double Vie de Son Cœur

Pendant des décennies, Line Renaud a incarné l’élégance française, la résilience triomphante de l’après-guerre. Sous les projecteurs de Paris à Las Vegas, elle a maintenu une maîtrise absolue de son image, laissant le public admirer l’éclat sans jamais en deviner l’ombre. Aujourd’hui, à 97 ans, l’artiste, actrice et philanthrope choisit de se livrer avec une sincérité déroutante, révélant des vérités longtemps enfouies sur l’amour, la trahison et un regret qui l’a hantée toute sa vie. Ces aveux tardifs ne sont pas de simples anecdotes; ils sont la clé de lecture d’une existence où les plus grandes victoires publiques ont été gagnées au prix de blessures intimes jamais totalement cicatrisées.

L’histoire de Line Renaud, née Jacqueline Enté dans le Nord de la France, est celle d’une petite fille qui a appris à sourire en silence pour masquer une enfance marquée par la peur et le secret. La figure paternelle, imprévisible et alcoolique, et la découverte traumatisante de son demi-frère caché ont brisé l’innocence de la fillette. C’est ce premier choc de la trahison familiale qui, paradoxalement, a forgé sa force et sa détermination à s’échapper par la musique. Devenue Line Renaud sous l’aile de son mentor, Loulou Gasté, elle a conquis le music-hall, mais a emporté avec elle une vulnérabilité qu’elle a passé sa vie à masquer. Pourtant, la plus profonde de ses cicatrices était encore à venir.

La Tragédie d’un Enfant Perdu : Le Secret de Loulou Gasté

Le tournant dramatique de sa vie intime a eu lieu au début de sa relation avec Loulou Gasté, celui qui la façonna en star. Line Renaud, alors âgée de 18 ou 22 ans, tombe enceinte. Loulou, de vingt ans son aîné et fraîchement divorcé, redoute le scandale dans la France conservatrice des années 40 et 50. La décision est prise : elle doit avorter.

Ce qui aurait pu être un simple traumatisme est devenu un cauchemar de vie ou de mort. L’intervention clandestine, effectuée par ce qu’elle appelle des « faiseuses d’ange » dans un couloir sombre, tourne mal. Line contracte une septicémie et frôle la mort, l’opération devant être terminée sur une table de cuisine. Elle survit, mais l’acte a des conséquences irréversibles : elle ne pourra plus jamais avoir d’enfant.

« C’est le plus grand regret de ma vie, » avouera-t-elle des décennies plus tard, le regard baissé sur cette vie qu’elle n’a jamais pu vivre. Le sentiment d’échec d’une femme qui n’a pu devenir mère l’a hantée. Pendant 45 ans, elle a enfoui cette douleur derrière son sourire de vedette, portant le poids d’un secret douloureux et d’une culpabilité qui ne l’a jamais quittée. C’est l’histoire d’une vie brisée en coulisses, un prix exorbitant payé pour une carrière.

Les Deux Amours : L’Époux Professionnel et la Passion Secrète

Le cœur de Line Renaud était un lieu de contrastes saisissants. Elle est restée mariée à Loulou Gasté pendant 45 ans, jusqu’à sa mort en 1995. Aux yeux du monde, c’était une union solide, mais elle le confesse : leur lien reposait davantage sur le respect professionnel et le statut de mentor que sur la passion charnelle. « Je l’aimais, mais pas physiquement », dira-t-elle.

Cette absence de passion l’a conduite à mener une double vie amoureuse. Dans les années 1960, elle rencontra Nate Jacobson, l’homme d’affaires américain et fondateur du Caesar’s Palace à Las Vegas. Avec lui, ce fut la révélation : « une passion folle », un amour secret qui dura quinze ans, loin des projecteurs français. C’est avec Nate qu’elle se sentit « réellement vue ».

Elle n’a jamais quitté Loulou, par fidélité, par culpabilité et par respect de leur engagement professionnel. Ce choix de rester avec son époux tout en vivant une passion cachée fut un tourment constant, un déchirement entre l’honnêteté et la loyauté. La mort de Nate en 1987 la laissa anéantie. Aujourd’hui, elle l’affirme : « J’ai aimé deux hommes… l’un sans relation charnelle, l’autre avec passion. » Le prix de sa vie exceptionnelle fut de n’avoir jamais pu vivre pleinement l’un ou l’autre de ces amours.

La Blessure Filiale : Une Trahison Cruelle

Son regret de maternité l’a conduite à une autre douleur, la trahison filiale. Ne pouvant avoir d’enfant, elle a reporté son affection sur ceux qu’elle appelait ses « enfants de cœur ». Mais l’une de ces relations a viré au cauchemar. Au début des années 2000, elle prend sous son aile Jenny, une jeune femme qu’elle appelle « Mamounette » et qui finit par s’installer dans sa maison, La Jonchère.

Pendant dix ans, Line lui offre l’amour et la confiance d’une mère, cherchant à combler le vide laissé par l’enfant qu’elle n’a jamais eu. Elle envisage même de lui vendre sa maison en viager pour perpétuer son héritage. Mais la vérité éclate avec une violence terrible : Jenny avait menti sur son héritage, essayant de l’escroquer avec un chèque sans provision pour acquérir la propriété.

En un instant, dix ans de confiance se sont effondrés. Confrontée avec douceur, la jeune femme est sommée de partir. Le stress émotionnel de cette trahison fut si intense qu’il faillit la tuer : Line fut transportée d’urgence à l’hôpital pour une hémorragie interne grave. Cette expérience a démontré la fragilité de son cœur, une fois de plus brisé par la perte de l’illusion filiale.

Le Droit de Choisir Sa Fin : L’Héritage de Loulou

À 97 ans, Line Renaud ne craint plus la mort; elle la prépare avec une lucidité et un sens du détail déconcertants. Elle veut partir chez elle, dans son lit à La Jonchère, sans acharnement thérapeutique, le plus beau cadeau d’adieu pour elle étant d’être en mesure de tout prévoir. Elle a même planifié ses propres funérailles, souhaitant une « cérémonie jazz à la Nouvelle-Orléans » : rythmée, vivante, loin de la tristesse des enterrements classiques.

C’est cette même lucidité, teintée de compassion, qui la pousse à mener son ultime grand combat public : la légalisation de l’aide médicale à mourir. Son engagement est né de la souffrance de son époux, Loulou Gasté, qui la suppliait d’en finir. « J’ai vu ma mère souffrir, je ne laisserai jamais ça se reproduire, » dit-elle, insistant pour que chacun ait la liberté de choisir de rencontrer la mort dignement. En se présentant devant les députés à l’Assemblée nationale, elle parlait non pas en star, mais en femme ayant vu la souffrance réelle et cherchant à y mettre fin.

De l’Intime au Public : Un Combat de Vie

Ces révélations tardives relient toutes les pièces du puzzle de sa vie. Le traumatisme de l’avortement clandestin et de la peur, le chagrin d’être sans enfant et la trahison de la confiance ont tous nourri son engagement humanitaire.

Quand le SIDA a commencé à ravager des vies, Line Renaud n’a pas hésité. Elle a cofondé Sidaction avec une audace qui lui a coûté une partie de sa popularité, recevant des « sacs entiers de lettres de haine ». Son empathie pour les malades, pour ceux qui souffraient en silence et sans dignité, venait de cet endroit intime où elle aussi avait manqué de sécurité et de choix. De même, son soutien à l’inscription de l’IVG dans la Constitution française en 2024 était personnel : un acte de réparation pour la jeune fille qu’elle fut, sans voix et sans lieu sûr.

Line Renaud a ainsi transformé ses plus grandes blessures en ses plus grands combats. À 97 ans, en confiant son regret et ses secrets, elle n’a plus rien à cacher, plus d’image à défendre. Elle a légué ses archives à l’État français, sa maison est préparée, ses volontés sont claires. Il ne lui reste qu’à vivre encore un peu, son récit désormais complet, sa voix finale étant un hymne à la générosité, à la lucidité et à la dignité, même après le rideau final. (1152 mots)