LE GRAND RENVERSEMENT FISCAL ET SOCIAL : Bardella confirme l’Impôt sur la Fortune Financière et le retour à 62 ans, mais la prof en larmes et le cas de la double nationalité font exploser le débat

LE GRAND RENVERSEMENT FISCAL ET SOCIAL : Bardella confirme l’Impôt sur la Fortune Financière et le retour à 62 ans, mais la prof en larmes et le cas de la double nationalité font exploser le débat

Le marathon électoral est lancé à une vitesse vertigineuse, et chaque intervention médiatique se transforme en tribune pour cristalliser les lignes de fracture du pays. Invité sur Europe 1 face à Cyril Hanouna, Jordan Bardella, en pleine campagne pour Matignon, n’a pas dérogé à la règle. Il a livré un entretien fleuve, sans filtre, où les annonces phares de son programme – le retour à l’âge de la retraite à 62 ans et la création d’un Impôt sur la Fortune Financière (IFF) – ont côtoyé des éclaircissements ultra-sensibles, notamment sur la double nationalité et la violence scolaire. Ce face-à-face a été marqué par un moment d’une intensité rare, l’intervention d’une enseignante en larmes, dont le récit poignant a mis en lumière la crise d’autorité qui secoue la Nation. Bardella, sous le feu des projecteurs et des critiques, a tenté de donner un cap, promettant de ne “jamais enlever de droits à aucun Français”, tout en dessinant les contours d’une société de la rupture, où l’ordre, la fiscalité et les priorités changent du tout au tout.

Le Séisme Fiscal : L’IFI est mort, vive l’IFF

La première salve du président du Rassemblement National a visé directement le portefeuille des Français et l’un des totems de la politique économique du quinquennat sortant. Jordan Bardella a confirmé sans ambiguïté sa volonté d’opérer un “grand renversement” fiscal. L’objectif est clair : en finir avec l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI), jugé injuste, et le remplacer par un Impôt sur la Fortune Financière (IFF).

Ce changement n’est pas qu’une simple permutation de lettres ; c’est une philosophie économique radicalement différente. Bardella a dénoncé le choix d’Emmanuel Macron qui, selon lui, a “chargé fiscalement la pierre, c’est-à-dire le patrimoine, l’enracinement, et déchargé le patrimoine financier et fluctuant”. La promesse de l’IFF est donc de faire exactement l’inverse : exonérer l’immobilier, permettant ainsi aux Français de “rester propriétaires de la maison-France” et de transmettre leur patrimoine sans l’épée de Damoclès fiscale, tout en taxant les “très, très grandes fortunes” financières.

L’acteur-clé de cette réforme est la justice sociale et la volonté de dégager de nouvelles marges de manœuvre budgétaires. L’IFF, selon les estimations du RN, pourrait rapporter environ 2 milliards d’euros. Une somme conséquente, dont l’affectation est déjà budgétisée : elle servira à financer des baisses d’impôts directes pour les “classes populaires et les classes moyennes”, dans une logique de “fiscalité de justice”.

Cependant, Bardella a introduit une clause qui nuance l’effet pur et dur de cet impôt, cherchant à rassurer le monde des affaires : il y aura des exonérations substantielles si cette fortune financière est réinvestie dans l’économie française et, plus spécifiquement, dans les entreprises nationales. L’ambition est double : soulager le pouvoir d’achat et relancer l’économie par l’investissement de capitaux français. Un message complexe, équilibriste, entre la punition des très grandes fortunes oisives et l’incitation à l’investissement productif.

Retraites : La Fin du 64 ans et le Droit aux Carrières Longues

Le deuxième point de rupture sociétale majeur abordé par Jordan Bardella concerne la réforme des retraites, au cœur de toutes les batailles politiques récentes. Il a réaffirmé son opposition farouche à la loi des 64 ans d’Emmanuel Macron, qu’il juge à la fois “injuste socialement” et “inefficace sur le plan économique”. L’argumentaire est précis : décaler l’âge de départ, c’est augmenter la dépense sociale, car deux tiers des personnes de plus de 60 ans se retrouvent, en réalité, sans emploi (au chômage, au RSA ou en invalidité), décalant non pas l’âge du travail, mais celui de la retraite de ceux qui sont déjà exclus du marché.

L’annonce est sans appel : le RN abrogera la loi des 64 ans, ramenant l’âge légal de départ à 62 ans, avec 42 annuités de cotisation.

Mais la véritable mesure de justice sociale défendue par le parti réside dans sa priorité absolue aux carrières longues. Bardella a martelé son engagement à permettre à ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans de partir à la retraite après seulement 40 années de cotisation, soit dès 60 ans.

Il a profité de l’interview pour dissiper le flou et les “caricatures” qui, selon lui, ont entouré son programme sur ce point. Si le départ à 60 ans ne concerne que les carrières longues, le nouveau modèle qu’il défend rend tout le monde “gagnant” par rapport à l’ère Macron. Même une personne ayant fait des études longues et commencé à travailler à 24 ans partirait, dans le nouveau système, à 66 ans au lieu des 67 ans actuels, justifiant la différence par le fait qu’un métier exercé après de longues études est souvent “moins difficile pour le corps” que celui exercé par un ouvrier de 17 ans.

La Ligne Rouge de la Double Nationalité : Sécurité Nationale contre Identité

C’est sans doute le sujet qui a suscité le plus de controverses ces dernières semaines : la position du Rassemblement National sur la double nationalité. Jordan Bardella a dû faire preuve de pédagogie, reconnaissant dépenser “beaucoup d’énergie” à démonter les “mensonges et caricatures” sur ce point.

L’acteur politique a tenu à rassurer : il ne souhaite pas remettre en cause la double nationalité en général s’il arrive à Matignon. Cependant, le débat est relancé par une question de “principe de bon sens” lié à la sécurité nationale.

Bardella souhaite être “extrêmement prudent avec des secteurs stratégiques de l’État”. Il a évoqué des postes clés tels que les patrons des services de renseignement ou la direction d’une centrale nucléaire. Dans le contexte de tensions géopolitiques (il a cité le conflit avec la Russie), il a déclaré qu’il ne pouvait “envisager que ce soit un Franco-Russe” qui dirige une centrale nucléaire, ni qu’un binational soit à la tête des services de renseignement.

Bardella rejette l’interprétation selon laquelle cela crée “deux catégories de Français”, arguant qu’il s’agit d’une question de sécurité nationale et d’ingérences étrangères, pratique qui existe, dit-il, “dans beaucoup de pays”. Mais ce micro-phénomène, qualifié de “picrocholin” par l’invité, a une portée symbolique immense, touchant à l’identité et à l’égalité républicaine, et continuera d’alimenter la polémique.

L’Émotion Brute : L’Enseignante en Larmes et la Réponse Radicale

Le moment le plus intense et le plus personnel de l’interview fut sans conteste l’intervention d’Émilie, une enseignante de philosophie de Grenoble. La voix brisée par l’émotion, elle a livré un témoignage cauchemardesque : agression physique (gaz lacrymogène en classe), menaces de mort (“contrat sur ma tête”), et l’attente régulière d’agresseurs à la sortie du lycée. Le plus grave, selon elle, est l’absence de sanction : “Rien n’est fait”, les élèves reviennent “en puissance” et elle est sur le point de “quitter l’enseignement”.

La question d’Émilie à Jordan Bardella était un cri du cœur : “Votre programme [en éducation] me semble bien faible, est-ce que vous pouvez s’il vous plaît nous aider ?”

La réponse de Bardella fut radicale, visant à rétablir une autorité de l’État qu’il juge défaillante. Il a promis de se tenir “systématiquement du côté des enseignants”, et d’agir sur plusieurs leviers.

Au premier plan : la garantie immédiate de la “protection fonctionnelle” automatique pour tout enseignant déposant plainte. Ensuite, un durcissement spectaculaire du système disciplinaire et pénal : l’établissement de sanctions planchées (peines minimales) dans les conseils de discipline, et l’éloignement des perturbateurs de l’établissement scolaire.

La mesure la plus controversée de ce volet reste la volonté de responsabiliser les parents par la suspension des allocations familiales pour les parents de mineurs délinquants. Une mesure-choc qui vise à frapper les familles au portefeuille pour les forcer à assumer leur rôle éducatif.

S’y ajoutent des propositions plus symboliques mais structurantes : l’interdiction du téléphone portable, le rétablissement de l’obligation de vouvoyer les enseignants dès la rentrée, et la poursuite des expérimentations sur l’uniforme. Le message est un hommage aux victimes de la violence scolaire, dont Samuel Paty et Dominique Bernard, et l’affirmation qu’il est temps que ce soient les “perturbateurs” qui soient évincés, et non les éducateurs.

La Riposte aux Influenceurs et le Cas du Halal

L’interview s’est achevée sur deux autres dossiers brûlants. D’abord, la réaction aux nombreuses personnalités publiques, des anciens chefs d’État aux sportifs, en passant par les animateurs et les influenceurs (Squeezie, Léna Situations), qui appellent à faire front contre le RN. Jordan Bardella a exprimé son “mal-être” face à ces figures “qui ont la chance d’avoir des salaires gigantesques […] souvent expatriés à Dubaï” et qui “viennent dire à des gens qui gagnent 1300 ou 1400 €” comment voter. Il a astucieusement retourné l’argument en suggérant que ces mêmes influenceurs “soutiens revendiqués de Jean-Luc Mélenchon” devraient être “parfaitement prêts” à céder 90 % de leurs revenus au-delà de 400 000 euros, en cas de victoire du Nouveau Front Populaire.

Enfin, sur l’abattage rituel, Bardella a précisé sa position, visant l’étourdissement préalable pour le bien-être animal. Face aux inquiétudes des communautés, il s’est montré non-dogmatique et ouvert à la discussion, envisageant des quotas annuels comme “une exception” pour les cultes qui ne peuvent recourir à l’électronarcose (mentionnant explicitement les Français de confession juive). Une flexibilité qui tranche avec une ligne politique traditionnellement plus ferme, tout en soulignant que des pays musulmans comme l’Indonésie pratiquent déjà l’étourdissement préalable.

En conclusion de cet entretien crucial, Jordan Bardella a délivré un message direct : les Français ont une “occasion historique de tourner la page de cette année de macronisme”. Il a cherché à rassurer sur le fait qu’il n’enlèvera “de droit à aucun Français”, tout en les exhortant à se mobiliser pour “redresser ce pays” et éviter un “saut dans le chaos” qu’incarnerait, selon lui, un Jean-Luc Mélenchon Premier ministre. Entre promesses de rupture fiscale et sociale, et une ligne de fermeté inédite sur l’éducation et la sécurité, cet entretien a confirmé l’intensité de la bataille qui se joue. (1040 mots)