Le Dernier Refrain : Richard Bonnot, l’Homme Qui a Redonné Son Âme aux Charlots, Tire Sa Révérence à 67 Ans

La nouvelle est tombée comme un coup de massue, une fausse note dans la mélodie souvent légère et insouciante du souvenir : Richard Bonnot, comédien, musicien, et pilier du groupe culte Les Charlots, s’est éteint le 28 octobre 2025 à l’âge de 67 ans. Sa disparition marque non seulement la perte d’un artiste complet, mais aussi, et de manière plus poignante, la fin d’une certaine idée de l’humour français, celui des années 70 et 80, qui ne craignait ni l’irrévérence ni le burlesque déjanté. C’est « toute une génération qui est en deuil », celle qui a grandi avec les chansons parodiques et les comédies populaires du groupe.

Le départ de Richard Bonnot est d’autant plus douloureux qu’il survient quelques mois seulement après celui de Jean Sarrus (même si d’autres sources peuvent être confuses sur les dates exactes de la disparition des membres, la succession des deuils frappe durement la mémoire de la bande), prolongeant une série de deuils qui décime peu à peu les rangs de cette formation légendaire, après la perte de Gérard Rinaldi en 2012 et de Gérard Filipelli en 2021. Bonnot, qui avait pris le relais de Rinaldi dans le groupe, était devenu le gardien de la flamme, l’incarnation d’une joie de vivre contagieuse et d’une élégance rare dans la farce.

Le Musicien Avant le Farceur

Né le 14 novembre 1957, Richard Bonnot a rejoint la bande des Charlots en 1987, remplaçant le mythique Gérard Rinaldi, une figure fondatrice du groupe. S’intégrer à une troupe déjà culte, forte de vingt ans de succès au cinéma (Les Bidasses en folie, Les Fous du stade, Le Grand Bazar) et en musique (Merci Patron, Paulette la reine des paupiettes), était un défi monumental. Pourtant, Bonnot l’a relevé avec brio, apportant non seulement son talent de comédien, mais aussi ses qualités de musicien accompli, d’auteur-compositeur-interprète.

Ce qui distinguait Richard Bonnot au sein des Charlots, c’était cette polyvalence. Il n’était pas un simple successeur, mais un injecteur de nouvelle sève. Le groupe des Charlots, issu des « Problèmes » dans les années 60 en accompagnant Antoine, était connu pour son répertoire éclectique, allant des reprises de Boris Vian aux parodies de hits du moment. Bonnot s’est inscrit dans cette tradition en y ajoutant sa propre patte.

Il a été un élément central des reformations du groupe, notamment entre 2014 et 2025, assurant que l’esprit déjanté et l’héritage musical des Charlots continuent de résonner sur scène. Pendant des années, il a été la garantie que l’irrévérence des chansons comme « L’Apérobic » (Top 6 en 1983) ou l’humour burlesque des films resteraient intacts. Bonnot a compris que l’humour des Charlots, souvent qualifié d’anarchiste et influencé par les Marx Brothers, reposait sur un fond de mélodie solide et d’exécution musicale impeccable.

L’Héritage Déjanté et la Fin d’une Époque

Les Charlots sont un phénomène culturel des années 60, 70 et 80. Ils ont réussi l’exploit de s’imposer sur tous les fronts : les charts musicaux, la télévision et le cinéma. Leurs films, souvent réalisés par Claude Zidi, ont attiré des millions de spectateurs, faisant de ce quintet (réduit par la suite) des classiques de la comédie française.

Bonnot, en rejoignant la troupe, a pris part à ce faste, même si la popularité du groupe était en déclin dans les années 80. Il a continué à porter haut les couleurs de cette liberté de ton, composant et écrivant des sketches pour la télévision, notamment dans l’émission de Jacques Martin, « Ainsi font ». L’artiste était un artisan du rire, capable de passer de l’écriture de génériques et musiques de films à l’interprétation en scène de parodies de Mozart ou de Joe Dassin.

Son décès, à l’âge de 67 ans, met un terme brutal à cette persistance de l’esprit Charlots. Le groupe s’était séparé dans les années 90, mais les reformations, comme celle qu’a vécue Bonnot, permettaient de faire revivre cette « crise de fou-rire d’une dizaine d’années ». Aujourd’hui, avec la succession des disparitions (Gérard Rinaldi en 2012, Gérard Filipelli en 2021), la flamme des Charlots est presque entièrement transmise à la mémoire. Il ne reste désormais plus que Jean-Guy Fechner parmi les membres historiques et Jean Sarrus qui était mentionné comme l’un des piliers du groupe. La mort de Bonnot est le rappel cruel que la comédie populaire de cette époque perd ses voix, ses visages, et ses musiciens.

La Seconde Vie de Richard Bonnot

Au-delà de l’uniforme du Charlot, Richard Bonnot était un artiste à la carrière riche et variée. Après la dissolution du groupe, il a su rebondir en développant son propre univers comique et musical. Son spectacle solo, judicieusement intitulé « The Band à Bonnot », était un concentré d’humour burlesque, de sketches et de parodies. Il y revisitait les succès monumentaux des Charlots (« Paulette », « Merci Patron », « L’Apérobic ») tout en s’attaquant à d’autres monstres sacrés de la chanson française (Dutronc, Johnny Hallyday, Nino Ferrer) et même de la musique classique (Mozart, Pavarotti).

Son rôle de chroniqueur dans l’émission de Patrick Sébastien, « Étonnant et drôle », au milieu des années 90, a prouvé sa capacité à s’adapter aux formats télévisuels modernes sans perdre son âme irrévérencieuse. Il a également mis son talent d’animateur au service de nombreux événements, des « Mandrakes d’Or » au Théâtre Mogador aux « Tremplins de la Chanson Francophone » au Canada et en France. Richard Bonnot était un V.I.P. de la présentation au micro, sa voix et son sens de l’improvisation étant reconnus de tous.

Sur le plan personnel, Richard Bonnot était un homme ancré dans son foyer, marié à la comédienne Lucile Gaut, avec qui il a eu des enfants jumeaux, Oscar et Arthur. Leur parrain, l’humoriste Gérald Dahan, témoigne de la générosité et de la gentillesse de l’homme, le décrivant comme un « super musicien » et un « pote », dont il ne faudra « pas oublier ce mec-là parce que c’était vraiment un mec Ah ». Ce témoignage affectueux souligne le contraste entre l’image publique de farceur des Charlots et celle de l’ami fidèle, du père de famille et de l’artiste humain.

Un Dernier Salut

Le départ de Richard Bonnot est le clap de fin pour un pan entier de la comédie française, une comédie qui puisait sa force dans le burlesque, le décalage et l’autodérision. La tristesse qui s’empare de la « Band à Bonnot » et de ses fans est celle de l’épuisement des voix qui ont fait rire des générations entières. L’onde de choc de sa mort témoigne de l’impact durable de ces artistes qui, sans se prendre au sérieux, ont marqué l’inconscient collectif.

Richard Bonnot a quitté la scène, mais son écho, comme un « dernier refrain qui ne veut pas finir », continuera de résonner à travers les rediffusions des films et le succès intemporel des chansons des Charlots. Il laisse derrière lui une œuvre riche, un héritage de rire et de musique, et le souvenir d’une « élégance du rire » qui manquera cruellement au monde du spectacle français. C’est l’un des derniers artisans d’une époque révolue qui tire sa révérence, mais le « sacré coco n’a jamais été en manque », et c’est dans la persistance de la joie qu’il a semée que son public trouvera le plus bel hommage à lui rendre.

Le message d’Anthony Delon, qui souhaitait « Repose en paix Ari » après la mort d’Ari Boulogne, trouve ici un écho inversé mais tout aussi poignant : pour Richard Bonnot, c’est l’hommage des siens, des amis, des fans et de sa famille qui résonne comme le véritable adieu à un artiste qui a toujours privilégié le partage et l’authenticité dans la farce. Richard Bonnot est parti, mais son rire, lui, est pour toujours dans la boîte.