Flagrant délit sur BFM TV : Quand l’avocat de Nicolas Sarkozy perd pied face à la réalité d’une condamnation

Les plateaux de télévision sont devenus les nouveaux prétoires. Dans la guerre de l’opinion publique qui entoure les affaires judiciaires de Nicolas Sarkozy, chaque interview est une bataille stratégique. Les avocats ne plaident plus seulement devant les juges ; ils plaident devant des millions de téléspectateurs, espérant modeler une narration plus favorable que celle, souvent froide et complexe, des faits juridiques. Mais cet exercice médiatique est à haut risque. Il suffit d’une journaliste préparée, d’un fait incontestable, pour que toute la stratégie de communication s’effondre en direct. C’est précisément le spectacle auquel les téléspectateurs de BFM TV ont assisté : un moment de “malaise” intense, un “flagrant délit de mensonge” qui a vu Me Thierry Herzog, l’indéfectible défenseur de l’ancien président, perdre pied face à Apolline de Malherbe.

La séquence est courte mais d’une densité dramatique rare. Invité à commenter la situation judiciaire de son client, Me Herzog, habituellement si mesuré et en contrôle, se retrouve acculé sur un point précis. La journaliste, Apolline de Malherbe, évoque une condamnation de Nicolas Sarkozy pour “prise illégale d’intérêt”.

La réaction de l’avocat est immédiate, totale, et dédaigneuse. “C’est faux,” lance-t-il, coupant court à l’argument. Il ne s’arrête pas là. Il tente de discréditer la journaliste elle-même, utilisant l’arme favorite de l’époque : “C’est une fake news”. Dans sa stratégie, le fait n’existe pas, il n’est qu’une rumeur malveillante propagée par les médias.

Mais Apolline de Malherbe ne recule pas. Calme, factuelle, elle maintient sa position. “Non, non, ce n’est pas une fake news,” rétorque-t-elle, précisant le contexte de l’affaire liée à sa rémunération au Conseil constitutionnel. Le piège vient de se refermer. Me Herzog, visiblement surpris par cette résistance, tente une seconde charge, cette fois sur le ton de l’autorité professionnelle : “Non, c’est faux. Renseignez-vous,” assène-t-il.

“Je me suis renseignée,” répond la journaliste, sans élever la voix. C’est à cet instant que la dynamique bascule. La certitude de l’avocat se fissure. Son assurance s’évapore, remplacée par une agitation palpable. “Mais enfin… écoutez… arrêtez,” commence-t-il. Le malaise est visible. L’homme de loi, dont l’arme principale est la maîtrise du verbe et du dossier, est pris en défaut sur un fait public.

La vidéo, sarcastique, introduit l’échange en parlant de Sarkozy comme “l’homme qui ne ment jamais”, un prélude ironique au spectacle qui va suivre. Car ce qui se joue ici, ce n’est pas une simple erreur ou une imprécision. C’est le cœur de la stratégie de défense de Nicolas Sarkozy qui est exposé : la négation de la réalité judiciaire au profit d’une narration alternative, celle du “harcèlement judiciaire”.

Pour que cette thèse de la persécution fonctionne, il faut que le public soit convaincu que les accusations sont infondées, voire inventées (“fake news”). Mais lorsque l’avocat lui-même est pris en flagrant délit de nier une condamnation avérée, comment peut-il ensuite être crédible lorsqu’il parle de “harcèlement” ? La journaliste le ramène d’ailleurs durement aux faits : “Il a été condamné”.

La fin de la séquence est douloureuse à regarder pour le défenseur. Me Herzog, l’un des ténors du barreau de Paris, bafouille. Il tente de dévier, d’attaquer la chaîne, de changer de sujet, mais le coup a porté. La vidéo qualifie ce moment de “terrible” pour l’avocat, car il ne s’agit plus de droit, mais de crédibilité. En quelques secondes, BFM TV a “démonté la défense” non pas par une analyse juridique complexe, mais par un simple rappel des faits.

Ce “flagrant délit” médiatique illustre la fragilité extrême de la position de Nicolas Sarkozy. Enferré dans de multiples affaires (écoutes, Bygmalion, financement libyen), l’ancien président joue sa survie politique et son honneur sur sa capacité à convaincre l’opinion qu’il est une victime. Son avocat est son porte-parole, son bouclier. Mais lorsque le bouclier se fissure en direct, lorsque le porte-parole est pris à mentir ou, au mieux, à ignorer un fait aussi fondamental qu’une condamnation passée, c’est tout l’édifice qui vacille.

L’échange Herzog/de Malherbe n’est pas une simple anecdotetélévisuelle. C’est une métaphore de la bataille que mène l’ancien président contre les faits. Il peut qualifier les enquêtes de “harcèlement”, mais il ne peut effacer les condamnations. Il peut accuser les médias de propager des “fake news”, mais il ne peut empêcher une journaliste de faire son travail et de “se renseigner”.

Ce moment de malaise intense révèle les limites de la communication de crise. Face à une réalité judiciaire têtue, la stratégie du déni total, si elle peut fonctionner un temps, finit toujours par se heurter à un fait simple, vérifiable, et énoncé calmement. En tentant de gagner un point médiatique, Me Herzog a peut-être fait perdre à son client bien plus précieux : la crédibilité de sa parole et de sa défense.