Celle qui a dit “non” : Isabelle Morizet raconte l’année où Alain Delon l’a courtisée sans relâche

Alain Delon était plus qu’un acteur. Il était un mythe, une icône de masculinité féline, le “Guépard” au regard d’acier dont le pouvoir de séduction semblait sans limite. Les plus belles femmes du monde lui sont tombées dans les bras, de Romy Schneider à Mireille Darc, en passant par Nathalie Delon. L’homme, décédé le 18 août 2024, a bâti sa légende autant sur ses rôles de “Samouraï” que sur son tableau de chasse. Dans l’imaginaire collectif, on ne disait pas “non” à Delon.

Pourtant, une femme l’a fait. Et pas n’importe laquelle.

Cette révélation, aussi tardive qu’étonnante, vient d’Isabelle Morizet, l’animatrice respectée d’Europe 1, que le grand public a connue et adulée dans les années 70 et 80 sous le nom de Karen Cheryl. Invitée récemment par Maïtena Biraben dans son émission “Mesdames Média”, l’ancienne reine du disco s’est laissée aller à des confidences rares sur sa relation avec le monstre sacré. Une relation qui n’a pas été celle que l’acteur espérait, loin de là.

Le titre d’une récente vidéo d’information annonçait de façon lapidaire : “« Il est mort » la triste annonce d’Isabelle Morizet”. Mais la réalité, comme souvent, est plus subtile que le clickbait. L’annonce triste, c’est celle d’un souvenir qui remonte, d’une histoire secrète partagée maintenant que le protagoniste n’est plus là pour la confirmer ou l’infirmer. Isabelle Morizet n’a pas annoncé son décès ; elle a révélé un pan caché de leur histoire, une anecdote qui redéfinit la perception que l’on pouvait avoir du séducteur ultime.

“Il m’a draguée lourdement, oui,” a-t-elle confié à Maïtena Biraben. Et la précision qui suit donne le vertige : “Pendant plus d’un an.”

Nous ne sommes pas dans le cadre d’une simple avance repoussée lors d’un dîner mondain. Nous parlons d’une cour assidue, insistante, d’un an, de la part de l’homme le plus désiré de France. À l’époque, Karen Cheryl est au sommet de sa gloire. Elle enchaîne les tubes, de “Sing to me Mama” à “Oh ! Chéri, Chéri…”, elle est la star des émissions de Maritie et Gilbert Carpentier, l’idole de la jeunesse. Elle est belle, pétillante, pleine de vie. Elle est aussi, visiblement, une cible de choix pour Alain Delon.

Mais Isabelle Morizet, déjà à l’époque, n’était pas seulement la “Karen Cheryl” légère que l’on voyait à la télévision. Elle était une femme de tête, gérant sa carrière et son image d’une main de maître. Face à l’insistance du “Guépard”, elle n’a pas cédé. Elle a dit “non”. Un “non” ferme, répété, qui a duré plus d’une année.

Cette résistance, dans le monde de Delon, était une anomalie. Une incongruité. L’acteur, habitué à obtenir tout ce qu’il désirait, se retrouvait face à une jeune chanteuse populaire qui lui préférait l’amitié à la passion. Loin de provoquer une rupture ou une vexation d’ego, ce refus a, selon Isabelle Morizet, pimenté leur relation.

Avec une lucidité et une pointe d’humour qui la caractérisent, elle analyse aujourd’hui cette dynamique singulière : “Je pense que ça devait furieusement l’exciter”.

Cette petite phrase est la clé de toute l’histoire. Elle dit tout de la psychologie du chasseur. Delon, le prédateur magnifique, trouvait enfin une proie qui ne se laissait pas capturer. En lui refusant ce qu’il demandait, Karen Cheryl obtenait quelque chose de bien plus précieux : son respect. Et, paradoxalement, elle attisait encore plus son désir.

Ce refus n’était pas un caprice. C’était un choix de vie. Isabelle Morizet, qui a réussi l’une des transitions de carrière les plus spectaculaires du show-business français – abandonnant le personnage de Karen Cheryl pour devenir la journaliste et animatrice reconnue qu’elle est aujourd’hui – a toujours fait preuve d’une discipline de fer et d’une intelligence rare. Elle a compris très tôt que pour durer, il ne fallait pas être une comète de plus dans la galaxie Delon.

Elle a préféré l’amitié. Une amitié sincère, qui a perduré bien après que les projecteurs du disco se soient éteints pour elle, et que les grands rôles se soient raréfiés pour lui. Elle a su transformer la convoitise de l’homme en une affection durable. Elle est devenue l’amie, la confidente, celle qui avait vu l’homme derrière le masque du séducteur et qui n’avait pas été impressionnée au point de s’y perdre.

La mort d’Alain Delon en août 2024 a libéré la parole. Comme pour Johnny Hallyday, les langues se délient, les souvenirs affluent, et le public découvre des facettes inconnues de l’idole. L’homme était complexe, capable d’une immense tendresse comme d’une froideur terrible, un génie à l’écran et un personnage controversé dans la vie. L’histoire d’Isabelle Morizet ajoute une touche de lumière inattendue à ce portrait posthume.

Elle nous rappelle que le pouvoir de séduction, même le plus absolu, s’arrête là où commence la volonté d’une femme libre. Isabelle Morizet n’était pas Romy Schneider, l’amour tragique, ni Mireille Darc, la compagne dévouée. Elle a été l’exception.

En racontant cette cour d’un an, elle ne cherche pas à se vanter d’avoir fait tourner la tête du mythe. Elle rend hommage, à sa manière, à l’homme qui se cachait derrière. Elle raconte l’histoire d’un jeu de séduction qui, faute de conquête, s’est mué en une estime réciproque.

Dans un monde et à une époque où tout semblait dû aux icônes masculines, où le “star-system” broyait les jeunes femmes, le “non” d’Isabelle Morizet résonne comme un acte de puissance silencieuse. Elle n’a pas seulement résisté à Alain Delon ; elle a gagné son amitié, ce qui était peut-être, au fond, la chose la plus difficile à obtenir de lui.