Pendant des décennies, ils ont été les visages de la joie, de la bagarre bon enfant et de l’amitié virile. Terence Hill et Bud Spencer. Deux noms qui, prononcés ensemble, évoquent immédiatement des souvenirs de westerns poussiéreux, de bruitages de gifles inoubliables et de plats de haricots dévorés à même la poêle. Mais derrière les rires et les chorégraphies de combat millimétrées, se cachait une histoire bien plus profonde, tissée de hasards incroyables, de respect mutuel et de tragédies intimes. Aujourd’hui, à 86 ans, Terence Hill, l’homme aux yeux bleu acier et au sourire éternel, lève le voile sur la véritable nature de ce lien qui l’unissait à son “frère” de cinéma.

Le Destin tient à un pied cassé

L’histoire du cinéma est pavée de “et si ?”. Et si Mario Girotti (le vrai nom de Terence Hill) n’avait jamais rencontré Carlo Pedersoli (Bud Spencer) ? Le plus incroyable est que leur légende commune repose sur un accident. En 1967, sur le point de tourner “Dieu pardonne… moi non !”, le réalisateur Giuseppe Colizzi se retrouve dans une impasse : l’acteur principal, Peter Martel, se brise le pied juste avant le début du tournage. Dans l’urgence, on appelle un jeune acteur prometteur, Mario.

La magie opère dès la première lecture. “Il m’a regardé, a souri et a dit : ‘Ciao, je suis Carlo’”, se souvient Terence Hill. Une étincelle immédiate, une chimie inexplicable qui ne s’apprenait pas dans les écoles d’art dramatique. Pour l’exportation internationale, ils changent de noms. Mario choisit “Terence Hill” (les initiales de sa mère), et Carlo devient “Bud Spencer” (en hommage à la bière Budweiser et à l’acteur Spencer Tracy). Le duo est né, mais personne ne se doute encore qu’il deviendra immortel.

“On ne s’est jamais marché sur les pieds”

Ce qui rendait ce duo unique, ce n’était pas seulement leur contraste physique – le svelte et agile Terence face au colosse barbu Bud – mais leur profonde différence de caractère qui, paradoxalement, les soudait. Bud était un instinctif, un bon vivant qui ne répétait jamais et préférait un bon dîner à une longue séance de travail. Terence, lui, était un perfectionniste, un travailleur acharné qui peaufinait chaque détail.

“On ne s’est jamais marché sur les pieds”, confiera plus tard Terence avec émotion. En près de 50 ans de carrière commune et 17 films ensemble, une seule règle prévalait : le respect. Jamais de jalousie, jamais d’ego mal placé, jamais une seule dispute. Une rareté absolue dans le monde impitoyable du show-business. Ils n’étaient pas seulement des collègues ; ils étaient des complices. Leurs familles se fréquentaient, partageant des dîners spaghettis préparés par l’épouse de Bud, Maria, cimentant un lien qui dépassait largement le cadre des plateaux de tournage.

Le triomphe et la tragédie intime

Alors que le monde entier les acclamait pour “On l’appelle Trinita” ou “Deux super-flics”, Terence Hill vivait en coulisses des épreuves qui auraient pu le briser. L’homme qui faisait rire des millions de spectateurs portait en lui une blessure béante. En 1990, son fils adoptif et sa plus grande fierté, Ross Hill, meurt tragiquement dans un accident de voiture à l’âge de 16 ans. Ross, qui avait commencé à jouer avec son père, représentait l’avenir.

La douleur fut incommensurable. Terence, alors en plein tournage de “Lucky Luke”, dut continuer à travailler, le cœur en miettes. Ses proches racontent que quelque chose s’est éteint en lui ce jour-là. Le rire s’est fait plus discret, l’homme plus réservé. Mais au lieu de sombrer, il a puisé dans sa foi et dans le travail une force de résilience admirable, se réinventant plus tard dans le rôle du prêtre détective “Don Matteo”, un personnage empreint de bonté et d’humanité qui lui a offert une seconde vie télévisuelle triomphale en Italie.

L’adieu au Géant

Cool Documentary: Terence Hill & Bud Spencer – Film's Greatest Action Duo |  Live for Films

Le 27 juin 2016, le téléphone sonne. C’est Giuseppe, le fils de Bud. Le géant s’est éteint paisiblement. Pour Terence, le choc est sismique. “J’ai perdu mon meilleur ami”, dira-t-il simplement, dévasté.

L’ironie du sort – ou le signe d’une connexion supérieure – voulut que Terence apprenne la nouvelle alors qu’il se trouvait à Almeria, en Espagne, exactement à l’endroit où ils s’étaient rencontrés pour la première fois sur le tournage de leur premier film. La boucle était bouclée. Lors des funérailles à Rome, l’émotion était palpable. Alors que le cercueil sortait de l’église, la foule et les proches ont entonné, non pas un chant funèbre, mais la musique joyeuse du film “Attention, on va s’énerver !”. Un dernier clin d’œil à la joie de vivre que Bud incarnait. Terence, les yeux humides, disait adieu à une partie de lui-même.

Un héritage éternel

Boot Hill | HD | Terence Hill & Bud Spencer | Full Spaghetti Western Movie  in English

Aujourd’hui, Terence Hill regarde en arrière non pas avec amertume, mais avec une immense gratitude. Il avoue qu’il lui arrive encore de “sentir” la présence de Bud, d’entendre son rire tonitruant lorsqu’il marche dans des lieux qu’ils ont fréquentés ensemble.

À 86 ans, l’acteur continue d’honorer la mémoire de son ami, soutenant les musées et les hommages qui leur sont consacrés, de Berlin à l’Italie. Leur histoire est celle d’une réussite improbable, née d’un os brisé, transformée en or par le talent, et éternisée par l’amour fraternel.

Dans un monde où tout va trop vite et où les relations sont souvent superficielles, l’histoire de Terence et Bud nous rappelle l’essentiel : la loyauté, la simplicité et la joie d’être ensemble. Comme le disait si bien Bud : “Toi et moi, on ne s’est jamais disputé”. Et c’est peut-être là leur plus beau film.

Si cette histoire vous a touché, et si vous aussi vous avez grandi avec les bagarres épiques de ce duo légendaire, partagez cet article pour faire perdurer leur mémoire.