Il est le sourire malicieux du patrimoine français, l’artisan des mots justes, tendres et parfois caustiques. Quand on pense à Pierre Perret, on entend immédiatement « Les jolies colonies de vacances », on fredonne « Le Zizi » ou « Mon p’tit loup ». On voit un homme à la moustache frétillante, un poète populaire qui a su transformer la langue française en un trésor partagé. Pourtant, à plus de 90 ans, alors qu’il monte sur scène pour ce qui ressemble à une tournée d’adieu, le voile se lève sur une réalité infiniment plus sombre. Derrière le bon vivant se cache un homme pétri de drames, hanté par la mort et consumé par une solitude qu’il n’expose jamais sous les projecteurs.
« Le plus grand fléau de la vie, c’est la lucidité. » Cette confession, terrible, c’est la sienne. Une lucidité qui l’a confronté aux vérités les plus crues de l’existence, et notamment à la plus douloureuse de toutes : celle d’un homme aujourd’hui coupé des siens.
Car la “situation triste” que certains murmurent, la voici, brutale : Pierre Perret ne voit plus ses enfants. Il ne voit plus ses petits-enfants. Dans une interview, l’aveu tombe, d’une voix presque résignée, comme pour protéger ce qui fait si mal : « Je ne sais même pas si j’ai des arrière-petits-enfants », a-t-il confié. Une rupture familiale totale, un éloignement dont il ne donne pas les raisons, par pudeur. « Ils n’aiment pas cela. Moi non plus. Je respecte leur raison ». En quelques mots, l’abîme d’une solitude se dessine. L’homme qui a passé sa vie à chanter la tendresse, l’enfance et la transmission est aujourd’hui privé de sa propre lignée.

Cette blessure béante vient s’ajouter à celle qui ne s’est jamais refermée, le drame absolu de sa vie : la mort de sa fille, Julie, à seulement 32 ans. Un « choc abyssal », comme il le décrira lui-même. Un événement si intime et si destructeur qu’il se taira dessus pendant des décennies. « C’est la pire chose qui puisse arriver dans une vie », écrira-t-il simplement dans son autobiographie, refermant aussitôt le chapitre. Ce n’est que bien plus tard, poussé par une journaliste, qu’il osera entrouvrir la porte de cette peine immense, révélant qu’il lui arrive encore de se rendre seul sur sa tombe pour lui parler, lui raconter la couleur du ciel ou une blague de régisseur.
La vie de Pierre Perret est un roman de résilience face à des coups que le public ignorait. Sa carrière elle-même a failli ne jamais exister. Dans les années 50, alors qu’il écume les cabarets, son corps lâche. Diagnostic : une pleurésie grave, du liquide pleural comprime son cœur. Il doit être ponctionné d’urgence et envoyé en sanatorium en Haute-Savoie pour sept longs mois. Il est jeune, vulnérable, et c’est là, au cœur de sa faiblesse, que le destin lui inflige un coup de poignard d’une cruauté inouïe. Sa compagne de l’époque, Françoise, le quitte. Pas pour n’importe qui : elle part avec le médecin qui le soigne. Une trahison intime et profonde qui le laisse seul face à la maladie.
Il se reconstruira. Il rencontrera Rebecca, celle qui deviendra sa femme, sa complice de 60 ans, celle qui, dira-t-il, l’a « rendu plus intelligent ». Mais le combat ne s’arrête jamais. Il y a les batailles publiques : la censure d’Yvonne de Gaulle, qui tente de faire interdire « Les jolies colonies de vacances » ; ou ces accusations de plagiat par une journaliste du Nouvel Observateur, qui sèment le doute sur son amitié avec l’écrivain Paul Léautaud. Perret, l’honneur en jeu, porte plainte pour diffamation et gagne son procès.

Mais les victoires publiques ne pansent pas les douleurs privées. L’homme qui avoue avoir « passé sa vie à lutter contre le désespoir » est un être complexe, méthodique, presque monacal dans sa gestion de la douleur. Loin de l’improvisation joyeuse qu’on lui prête, Perret est un artisan méticuleux. Le transcript révèle un homme qui, la nuit, dans le silence de ses chambres d’hôtel, se dissèque pour ne pas trahir la « vérité des mots ».
Il tient ce qu’il appelle des « cahiers des preuves » : des carnets où il note des dates, des odeurs, des fragments d’accent, des regards croisés, pour lutter contre l’oubli. Il a des rituels étranges avant de monter sur scène, touchant le bois, frappant son pupitre, non par superstition, mais par contrat intime avec lui-même. Plus fou encore, il garde dans un tiroir des enveloppes scellées, portant chacune un mot : « Colère », « Honte », « Orgueil », « Tendresse ». Il ne les ouvre qu’en cas d’urgence créative, lorsque la phrase juste refuse de venir, pour retrouver une clarté perdue.
Cet homme, c’est aussi celui qui, un soir d’hiver où la neige avait vidé une salle de montagne, a refusé d’annuler. Un seul spectateur s’était présenté, un homme sans manteau qui tremblait. Pierre Perret a joué tout son spectacle, deux heures durant, pour cet homme seul, avec la même intensité que si la salle était pleine. À la fin, l’homme avait cessé de trembler.
Aujourd’hui, à plus de 90 ans, il offre un ultime album, « Ma vieille carcasse », et prépare sa sortie. Il ne veut pas finir « à bout de souffle sous les projecteurs ». Il l’a annoncé : après cette tournée, il posera la guitare et ira à la pêche. Mais il ne quittera pas l’écriture, car son cerveau, lui, reste stimulé.
La fin de carrière de Pierre Perret est à l’image de sa vie : un contraste saisissant entre la lumière de la scène et l’ombre d’une loge où il se retrouve seul. Seul avec le souvenir de sa fille absente. Seul avec cette famille qu’il ne voit plus. L’artisan de la joie est un homme profondément triste, mais qui, par une élégance suprême, a toujours choisi de transformer ses larmes en chansons, pour que le chagrin des autres soit un peu plus léger. Un homme debout, lucide, et terriblement seul.

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