Patrick Sébastien face aux vents contraires : son rêve de “plus petit cabaret du monde” dans le Lot menacé par des obstacles administratifs

À 71 ans, Patrick Sébastien, figure emblématique du divertissement français, n’a rien perdu de sa fougue ni de son amour pour le spectacle vivant. L’ancien maître de cérémonie du “Plus Grand Cabaret du Monde”, qui a longtemps enchanté les soirées de France 2, nourrit aujourd’hui une ambition plus modeste en apparence, mais tout aussi passionnée : créer “le plus petit cabaret du monde”. Un projet à taille humaine, qu’il souhaite voir naître au cœur du Lot, sur sa propre propriété. Pourtant, cette aventure, qu’il envisageait comme une retraite artistique joyeuse et généreuse, se heurte à une série de blocages qui pourraient bien faire capoter son rêve.

Une idée simple portée par la passion

Depuis l’arrêt de son émission culte en 2019, Patrick Sébastien n’a jamais véritablement quitté la scène. Auteur, chanteur, humoriste, il continue d’arpenter les routes de France avec ses spectacles. Son nouveau projet est né d’une envie sincère : créer un lieu intime, un petit théâtre de 160 places, où il pourrait chaque soir monter une revue, faire vivre le cabaret, et renouer avec le contact direct du public. “Je veux finir ma vie peinard, dans la joie de faire ce que j’aime”, confie-t-il avec émotion au micro de La Dépêche du Midi.

Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, il ne s’agit pas d’une entreprise lucrative. Patrick Sébastien insiste : “Je ne cherche pas à gagner de l’argent avec ça.” Tout serait autofinancé, et l’objectif serait avant tout de partager sa passion, tout en créant des emplois localement. Il souligne volontiers les retombées économiques que le cabaret pourrait avoir dans la région : techniciens, artistes, logistique… “Je vais faire bosser du monde autour”, affirme-t-il, soucieux d’inscrire son projet dans le tissu local.

Une opposition aussi inattendue qu’incompréhensible

Malgré la simplicité et l’authenticité de cette démarche, les choses ne se passent pas comme prévu. Depuis plusieurs mois, le projet patine. Entre lenteurs administratives, obstacles réglementaires, et critiques locales, l’animateur confie vivre une véritable traversée du désert. Et l’homme au grand cœur, d’ordinaire si positif, laisse transparaître sa lassitude et son écœurement : “Dans ce pays, on fait tout pour te décourager. On me fait chier”, déclare-t-il sans détour.

Selon lui, une partie de l’opposition viendrait de la jalousie de certains voisins, dérangés à l’idée que ce lieu culturel puisse voir le jour à proximité de chez eux. Une situation qui le sidère : “Le terrain m’appartient, j’investis mon propre argent, je ne demande rien à personne. Je ne fais pas d’hôtel, pas de restaurant, je ne vole rien à personne”, martèle-t-il. Pour lui, il s’agit d’une incompréhension totale : il veut simplement créer un lieu de vie artistique, non invasif, sans impact sur le domaine public ni sur la tranquillité du voisinage.

Un cri du cœur d’un artiste blessé

Face à ces obstacles, le ton se fait plus amer. Fidèle à son franc-parler, Patrick Sébastien ne cache plus son exaspération. Dans une formule aussi imagée que percutante, il résume son sentiment :

Tu as l’impression d’être le Père Noël et qu’on te dit ‘casse-toi connard, remonte dans ta cheminée’.

Cette sortie, aussi provocante soit-elle, traduit une vraie blessure morale. Celle d’un artiste qui a consacré sa vie à faire rire, chanter, rêver, et qui aujourd’hui se sent empêché de créer librement. “On m’empêche d’entreprendre”, résume-t-il, avec un mélange de tristesse et de colère.

Alors que rien n’est encore décidé définitivement, l’ancien animateur envisage de jeter l’éponge. “Je pense à ne pas investir. Peut-être qu’il vaut mieux abandonner si c’est pour me battre sans cesse contre des murs.” Une déclaration lourde de sens, tant elle contraste avec l’énergie qu’il met habituellement dans ses projets.

Un combat révélateur d’un malaise plus large

Au-delà du cas particulier de Patrick Sébastien, cette affaire illustre un phénomène plus large : la difficulté croissante de faire émerger des initiatives culturelles en milieu rural, même lorsqu’elles sont financées sur fonds propres et portées par des personnalités reconnues.

Ce rêve contrarié met en lumière les lourdeurs administratives, les résistances locales, mais aussi parfois le manque de vision collective autour des enjeux culturels. Dans une époque où l’on parle sans cesse de revitaliser les territoires, de soutenir les projets culturels décentralisés, de dynamiser la vie rurale, l’expérience de Patrick Sébastien vient cruellement questionner cette volonté politique affichée.

Une retraite artistique qui aurait pu faire école

Ce “plus petit cabaret du monde” aurait pu être un modèle alternatif : un lieu chaleureux, humain, accessible, mêlant tradition du music-hall et proximité avec le public. Un lieu qui, loin de toute démesure, redonne du sens au mot “spectacle vivant”.

Avec son projet, Patrick Sébastien ne cherchait ni gloire ni retour en grâce. Il aspirait simplement à continuer d’exister artistiquement, à son rythme, dans un coin de campagne qu’il chérit depuis longtemps. “Je veux juste faire mon métier, dans mon coin, avec ceux qui aiment ce que je fais.” Une demande simple. Presque humble. Et pourtant, à l’heure actuelle, toujours suspendue à l’arbitraire des décisions locales.

Le spectacle continue ?

Dans l’attente d’une réponse définitive, Patrick Sébastien continue malgré tout sa tournée avec son spectacle actuel “Hommages et dessert”, programmé notamment à Périgueux le 28 février et à Bergerac le 24 avril. Une façon, peut-être, de garder le lien avec son public, en attendant que son cabaret, ce rêve personnel et généreux, puisse enfin voir le jour.

Qu’il aboutisse ou non, son combat résonne comme un cri d’alerte : celui d’un artiste qui refuse d’abandonner la liberté de créer. Et qui, à sa manière, rappelle que la culture ne devrait jamais être empêchée – surtout quand elle est portée par le cœur.