Le couple légendaire de la chanson française n’a pas hésité à inscrire l’amour qu’il portait à ses enfants dans ses propres chansons. Parmi eux, David Hallyday et Laura Smet, deux prénoms étroitement liés à des morceaux chargés d’émotion.

Chanter pour son enfant est une tradition bien connue, car l’art demeure sans doute la manière la plus subtile de dévoiler l’amour et les bouleversements qu’apporte la parentalité. De nombreux artistes s’y sont essayés : Véronique Sanson a adressé ses mots tendres en anglais à son fils dans Christopher, Alain Chamfort a confié sa fierté de devenir un Géant, et Vianney a partagé ses émotions nouvelles à travers Beau-papa.

Mais ceux qui se distinguent particulièrement restent Sylvie Vartan et Johnny Hallyday, le couple d’or des années 1960-1970. Ensemble, ils ont eu un fils, David, avant de suivre chacun leur chemin. Plus tard, Johnny a de nouveau connu la paternité avec la naissance de Laura en 1983. Comme Sylvie avait écrit Le Roi David pour son fils, Johnny a, lui aussi, dédié une chanson à sa petite fille.

En 1966, à la naissance de David, Johnny et Sylvie sont déjà des icônes du courant yéyé. Les photographes se pressent devant l’hôpital pour immortaliser l’événement. Trois ans plus tard, Sylvie publie Le Roi David, une chanson aux résonances bibliques : « Le Roi David a trouvé le chemin de mon cœur… Le Roi David n’est pas plus heureux qu’un roi quand il vient se blottir en pleurant au creux de mes bras. » Une véritable déclaration d’amour maternel, où le père n’apparaît nulle part. Tout tourne autour de ces quatre phrases répétées, comme si Sylvie n’avait plus rien d’autre à dire que cet attachement absolu.

La mélodie, elle, reste assez effacée, et s’achève par une fanfare rappelant les comédies françaises des années 1960, comme Les Gendarmes de Saint-Tropez ou Le Petit Baigneur. Dès le milieu des années 1970, le couple s’effrite puis se sépare. Quant à David, il deviendra plus tard un musicien reconnu, offrant même à son père un duo puissant dans Sang pour sang (1999).

Johnny, de son côté, poursuit une vie mouvementée. En couple avec l’actrice Nathalie Baye, il devient père une nouvelle fois avec la naissance de Laura. Après le triomphe de l’album Rock’n’Roll Attitude écrit par Michel Berger, il fait appel à Jean-Jacques Goldman, véritable « machine à tubes » de la chanson française. C’est Goldman qui lui offre une chanson bouleversante consacrée à Laura, alors âgée de trois ans.

Commencée comme une berceuse délicate, la mélodie se transforme peu à peu en une confession d’un père ému par l’arrivée de sa fille : « Oui, Laura, j’aurais tant à apprendre de toi… Je n’attendais rien de toi qu’une raison d’être là… mais de tes rires et de tes bras, tu m’inventes un avenir. » Les paroles, à la fois tendres et sincères, sont sublimées par la voix grave et paternelle de Johnny, alors à l’apogée de sa carrière. Le titre séduit immédiatement le public, s’écoulant à plus de 300.000 exemplaires – preuve éclatante de la force émotionnelle qui habitait sa musique.

Cependant, la relation entre ces trois personnes n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Dans les colonnes de Paris Match, Johnny Hallyday a récemment choisi de revenir sur une polémique qui avait profondément secoué son entourage : les mots parfois durs qu’il avait couchés dans son autobiographie Dans mes yeux, rédigée avec Amanda Sthers. Parmi les passages les plus commentés, ceux consacrés à son fils David Hallyday avaient provoqué un véritable séisme médiatique. On y lisait noir sur blanc que David « ne sait pas quoi faire de son talent ».

Dans le livre, Johnny ne mâchait pas ses mots. Il expliquait : « Le problème de David, c’est ce qu’il n’a pas connu. Il a été heureux. On ne peut pas être élevé dans le confort et avoir la rage au ventre. Je ne crois pas aux fils à papa qui réussissent. Il faut avoir bavé. Alors, David ne sait pas vraiment quoi faire de son talent. » Ces phrases, glaciales pour certains, sincères pour d’autres, avaient immédiatement fait réagir. Car derrière l’icône du rock se dessinait l’image d’un père intransigeant, presque étranger à son propre fils.

Sylvie Vartan, mère de David, n’avait pas hésité à monter au créneau, estimant que Johnny portait un jugement injuste, façonné par une relation trop distante au fil des années. Touchée par les mots assez durs que le chanteur de 69 ans tient au sujet de David dans son autobiographie, Dans mes yeux, Sylvie Vartan s’exprime à ce sujet dans les colonnes du Parisien.

En pleine promotion de son livre, un abécédaire intitulé Mot à mot, qui sera suivi par la sortie d’un album qu’elle va enregistrer au printemps prochain à Nashville et d’une tournée, la “yé-yé” girl de 68 ans confie au quotidien : “Johnny n’a pas une vision très juste de David, tout simplement parce qu’il ne l’a pas beaucoup vu. Ce qu’il dit est infondé, injuste. David lui a quand même écrit l’un de ses albums les plus vendus.” Sylvie Vartan fait ici référence à Sang pour sang sorti en 1999. “Il n’a jamais vécu en fils de, il a toujours été très discret. Il tient ça de moi, sûrement…” complète la chanteuse qui assure qu’il “n’est pas toujours facile d’être le fils de Johnny. (…) Mais David mène bien sa vie. Il a de beaux enfants [deux filles, Ilona et Emma et un garçon, Cameron, ndlr], du talent, c’est un pilote hors pair, un excellent musicien, qui écrit pour la comédie musicale Robin des bois. Je suis très fière de lui.” Si Sylvie Vartan aborde le sujet épineux de l’autobiographie de son ex-mari, David lui “n’est pas du genre à polémiquer. Il sait qui il est.”

Face à la tempête, Johnny a finalement tenu à mettre les choses au clair. Dans l’interview accordée à Paris Match à l’occasion de son 70ᵉ anniversaire, qu’il s’apprêtait à fêter sur scène, il a tenu à rappeler son amour indéfectible pour son fils : « David, je l’aime, je l’adore, c’est mon fils, mon unique fils ! » s’exclame-t-il avec fougue.

Le rockeur assume ses propos, mais en nuance le sens. Selon lui, il ne s’agissait pas d’un règlement de comptes mais d’un constat lucide : « Oui, David a eu de la chance. Il est né dans une famille où il n’avait pas besoin de ramer pour bouffer le soir. Je ne mens pas, je ne réécris pas l’histoire. Je dis juste les choses comme elles sont, ce n’est pas méchant. »

Et pour couper court aux interprétations, Johnny insiste sur un point essentiel : jamais il n’a voulu nier le talent de son fils. Bien au contraire. « David est un musicien extraordinaire. Il m’a écrit l’album qui s’est le plus vendu de ma carrière, Sang pour sang. Si je ne reconnaissais pas tout cela, je serais un abruti ! » confie-t-il sans détour.

Ainsi, entre maladresse, franchise brutale et sincérité maladroite, les propos de Johnny Hallyday laissent transparaître une relation père-fils faite de paradoxes, de blessures anciennes mais aussi d’un attachement indéniable. Derrière la légende, c’est l’homme qui parle : un père parfois maladroit dans ses mots, mais qui ne cesse de clamer son amour. Après toutes les polémiques, les distances et même les paroles parfois dures relayées dans les livres et dans la presse, l’amour de David pour son père comme pour sa mère n’a jamais faibli. Derrière son apparence calme et discrète, il reste ce fils qui rêve encore de retrouver l’image d’une famille réunie. La preuve en est que, à la veille de son concert en Belgique, David Hallyday a avoué que son souhait le plus profond, depuis l’adolescence jusqu’à aujourd’hui, était de monter sur une scène grandiose où Johnny et Sylvie seraient présents à ses côtés. « Ce serait l’apogée de ma vie émotionnelle », a-t-il confié.

Ce rêve, hélas, ne s’est jamais concrétisé. Johnny est parti, laissant un vide irréparable, et Sylvie, toujours pleine de force et de lumière, ne peut désormais qu’accompagner son fils dans le chemin qu’il trace à travers sa propre musique. Mais ce désir inassouvi révèle une vérité : David n’a jamais laissé les blessures du passé entacher l’amour filial. Sa musique, tout comme les rares confidences qu’il accorde aux médias, exprime toujours un lien indéfectible – ce fil de sang et de mémoire qu’aucune épreuve ne pourra jamais rompre.