Le rideau est tombé, bien trop tôt. Le cinéma francophone est en deuil, frappé en plein cœur par une nouvelle qui glace le sang : l’actrice belge Émilie Dequenne s’est éteinte ce 16 mars 2025. Elle n’avait que 43 ans. La cause de ce départ prématuré est un ennemi qu’elle combattait avec une force et une transparence rares : un cancer de la glande surrénale, une forme rare et agressive de la maladie, qu’elle avait révélé au grand public en octobre 2023. Dans cette bataille acharnée, menée avec un courage qui forçait l’admiration, elle n’était pas seule. À ses côtés, un homme, son pilier, son roc, son amour : son mari, l’acteur Michel Ferracci. Il a été son soutien indéfectible, l’épaule sur laquelle elle s’est reposée jusqu’à son dernier souffle.

L’annonce de sa maladie avait secoué ses admirateurs. Sur Instagram, elle avait partagé son diagnostic sans fard, parlant d’une “guerre” à mener. Loin de se cacher, elle avait choisi de documenter son combat, ses espoirs et ses peines, créant un lien unique avec ceux qui la suivaient. Mais la nouvelle de sa disparition, un an et demi plus tard, laisse un vide immense. Émilie Dequenne n’était pas seulement une actrice ; elle était un symbole de résilience, une lumière.

Sa carrière avait démarré comme un conte de fées, un coup d’éclat qui reste gravé dans l’histoire du cinéma. En 1999, alors inconnue, elle crève l’écran dans “Rosetta” des frères Dardenne. Sa performance brute, viscérale, lui vaut, à la surprise générale, le Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes. Une étoile est née. Dès lors, elle enchaîne les rôles, passant du drame social (“Le Pacte des loups”, “La Fille du RER”) aux comédies plus légères (“Pas son genre”, pour lequel elle reçoit un Magritte de la meilleure actrice), prouvant une polyvalence et une sensibilité de jeu qui touchent le public en plein cœur.

Mais la vie, parfois si généreuse, lui a réservé sa plus cruelle épreuve. Quand le diagnostic tombe en 2023, c’est un séisme. Mais c’est dans cette tempête qu’une autre facette de sa vie prend tout son sens : son histoire d’amour avec Michel Ferracci.

Leur rencontre, en 2008, a des allures de scénario de film. C’est autour d’une table de poker, au cercle Wagram à Paris, que leurs regards se croisent. Lui, Michel Ferracci, né le 11 mars 1967 à Ajaccio, est alors le directeur de cet établissement. Émilie, elle, s’y produit occasionnellement. Le coup de foudre est immédiat, évident. Lui aussi est acteur. Le public le connaît pour son rôle marquant dans la série acclamée “Mafiosa” sur Canal+, mais aussi pour ses apparitions dans des films comme “La Grande Boucle” ou “Comme les cinq doigts de la main” d’Alexandre Arcady, et plus récemment dans des séries populaires telles que “Capitaine Marleau” et “Profilage”.

Ils partagent la même passion pour le cinéma, la même intensité de vie. Le 11 octobre 2014, ils scellent leur amour à la mairie du 10e arrondissement de Paris. De cette union naît une magnifique famille recomposée, un clan soudé face aux aléas de la vie. Émilie était déjà la maman comblée d’une petite Milla, née d’une précédente relation. Michel, de son côté, était père de deux garçons, Maël et Enzo. Ensemble, ils forment un foyer uni, un cocon d’amour qui deviendra le refuge de l’actrice dans sa maladie.

Lorsque le cancer frappe, Michel devient plus qu’un mari : il devient son partenaire de combat. Il est là à chaque étape, lors des séances de chimiothérapie épuisantes, lors des hospitalisations, et surtout lors des moments de doute et de peur. Il est ce soutien précieux dont elle parlait avec tant d’émotion. Alors qu’elle doit mettre sa carrière en pause, lui continue de tourner, mais son cœur et son esprit sont toujours tournés vers elle. Il est cette force tranquille qui lui permet de garder le sourire, même dans les moments les plus sombres.

Fin décembre dernier, quelques semaines après avoir annoncé une récidive de son cancer, Émilie avait une nouvelle fois ému la toile. Elle avait partagé une photo d’elle, souriante malgré la fatigue, depuis son lit d’hôpital. Avec un mélange de courage et d’humour désarmant, elle écrivait : “Reprise des hostilités… enfin”. Elle expliquait que son corps n’était pas encore prêt à reprendre la chimiothérapie, l’obligeant à rester hospitalisée pour d’autres soins. “Bref, meilleur cadeau de Noël et vert”, avait-elle ajouté, un trait d’esprit qui témoignait de sa formidable envie de vivre.

Derrière ce sourire, il y avait la douleur, l’épuisement, mais aussi l’amour de Michel qui veillait. Il était là, à ses côtés, pour ce Noël si particulier, pour lui tenir la main, pour lui rappeler qu’elle n’était pas seule dans cette “guerre”. Il a été son confident, son infirmier, son meilleur ami, son amant. Il a porté avec elle le poids de la maladie, sans jamais faillir.

Aujourd’hui, Émilie Dequenne laisse derrière elle une filmographie remarquable, le souvenir d’une actrice lumineuse et d’une femme d’un courage exceptionnel. Mais elle laisse aussi l’image d’un amour absolu, celui qui unit deux êtres face à la tragédie. Michel Ferracci perd la femme de sa vie, mais leur histoire restera comme un témoignage poignant de ce que signifie “s’aimer, pour le meilleur et pour le pire”.

Le public se souviendra de son talent, de ce regard pétillant, de cette force de caractère. Ses proches, eux, se souviendront de son rire, de sa résilience et de l’amour infini qu’elle portait à sa famille. Son départ à 43 ans est une injustice révoltante, un rappel brutal de la fragilité de l’existence. Mais dans l’obscurité de ce deuil, la lumière de son combat et l’exemple de son couple continueront d’inspirer. Adieu, Émilie. Vous resterez notre Rosetta, une étoile qui, même éteinte, continue de briller.