Si vous avez eu une radio dans les années 80, vous n’avez pas pu y échapper. C’était un virus musical, une épidémie de synthétiseurs et de chœurs en falsetto qui a défini le son d’une décennie. Modern Talking, le duo allemand composé de Dieter Bohlen et Thomas Anders, était une machine à tubes implacable. “You’re My Heart, You’re My Soul”, “Cheri, Cheri Lady”, “Brother Louie”… chaque single était un raz-de-marée, propulsant leurs ventes à plus de 120 millions d’albums. Ils étaient les rois de l’Eurodisco, plus populaires que Michael Jackson en Russie soviétique.
Sur le papier, et sur les pochettes de disques, ils formaient le duo parfait. D’un côté, Dieter Bohlen, le blond athlétique, l’architecte pragmatique, le compositeur et producteur de génie. De l’autre, Thomas Anders, le brun ténébreux à la chevelure de jais, l’artiste élégant, la voix de velours du groupe. Mais derrière cette façade parfaite, se cachait l’une des histoires les plus toxiques et les plus frauduleuses de l’histoire de la musique pop. L’histoire de Modern Talking n’est pas celle d’une amitié, mais d’une cohabitation forcée, d’une guerre d’ego dévastatrice et d’une supercherie qui a trompé des millions de fans.

Pour comprendre le conflit, il faut comprendre les hommes. Dieter Bohlen n’a jamais été destiné à être une popstar. Diplômé en gestion d’entreprise, il tente sa chance en tant que chanteur sous divers pseudonymes, sans succès. Il comprend vite que sa force est dans l’ombre : la composition et la production. Thomas Anders, lui, est l’artiste né. Jeune chanteur de “Schlager” (variété allemande), il rêve de gloire. En 1983, la maison de disques Hansa Records les met en contact. L’idée de former un duo n’est même pas la première option ; Dieter, qui préfère rester en coulisses, est ajouté au projet “faute de mieux”. Le nom “Modern Talking” est trouvé à la hâte.
Leur premier single, “You’re My Heart, You’re My Soul”, peine à démarrer. Mais une apparition télévisée change tout. Le public est hypnotisé par ce contraste physique parfait. Le succès est instantané, absolu, et dépasse l’entendement. En quelques mois, ils deviennent les plus grandes stars d’Allemagne, puis d’Europe.
Mais alors que l’or et le platine s’accumulent, la relation s’effrite. La critique musicale les déteste, qualifiant leur musique de “jetable”, “répétitive” et “commerciale”. Mais le vrai problème n’est pas externe. Il a un nom : Nora Balling.
Nora, l’épouse de Thomas Anders, est rapidement devenue le Yoko Ono de l’Eurodisco, mais en version puissance mille. Décrite par Dieter et même plus tard par Thomas lui-même comme “maladivement possessive”, elle prend le contrôle total de la vie de son mari. Elle dicte son image, ses vêtements extravagants, ses interviews. Elle interdit aux présentatrices télé de l’approcher. Le symbole ultime de cette emprise est le fameux et gigantesque collier en or “NORA” que Thomas porte en permanence. Des années plus tard, Anders avouera qu’il ne le portait que pour une seule raison : exaspérer Dieter Bohlen.
Pour Dieter, le pragmatique qui veut enchaîner les tubes et l’argent, cette situation est un enfer. Il voit Thomas se transformer en “marionnette”. Les tensions deviennent insupportables. Le public, lui aussi, commence à se lasser de la formule. En décembre 1986, le point de non-retour est atteint. Sur scène, les rois de la pop, venus chanter “Geronimo’s Cadillac”, sont accueillis par une avalanche de huées, de sifflets et de doigts d’honneur. L’humiliation est totale.
En 1987, Dieter Bohlen prend sa revanche. Sans même prévenir son partenaire, il annonce seul à la télévision la fin de Modern Talking. La raison invoquée est d’une cruauté chirurgicale : Thomas s’intéresse plus “à la collection de maillots de bain de sa femme” qu’à la musique. C’est la fin du premier acte.

La décennie suivante voit les deux hommes suivre des chemins séparés. Thomas, divorcé de Nora en 1998, tente une carrière solo avec un succès mitigé. Dieter, lui, triomphe avec son nouveau projet, Blue System. Mais une bombe à retardement, bien plus grave que la guerre avec Nora, est sur le point d’exploser.
Au fil des ans, la vérité sur le “génie” de Dieter Bohlen éclate au grand jour, et elle est dévastatrice. Premièrement, les paroles. En 1986, le parolier anglais Jeff Harrison poursuit Bohlen en justice. Il affirme avoir écrit la quasi-totalité des tubes planétaires, y compris “Cheri, Cheri Lady”, et n’avoir été payé qu’une “misère” sans jamais être crédité. Le tribunal lui donne raison.
Deuxièmement, et c’est le plus gros scandale : la voix. Ce fameux chœur en falsetto, cette signature aiguë qui définissait le son de Modern Talking et que tout le monde attribuait à Dieter… n’a jamais été chantée par lui. Une performance désastreuse en direct à la télévision française avait déjà semé le doute, montrant un Bohlen incapable de chanter juste. Mais dans les années 2000, le secret est révélé : les voix étaient celles de chanteurs de studio (Mike Scholz, Rolf Köhler et Detleev Videke), payés pour rester dans l’ombre. Eux aussi intenteront un procès pour récupérer leurs droits. Et ils gagneront.
Le mythe s’effondre. Dieter Bohlen, le “créateur”, n’écrivait pas toutes ses paroles et ne chantait pas les parties les plus mémorables de ses chansons. Frank Farian, le producteur de Boney M. et Milli Vanilli (un autre cas célèbre de supercherie vocale), publiera même un livre dénonçant Bohlen comme un “manipulateur” et un “menteur” qui aurait utilisé ses contacts dans les médias pour étouffer les scandales et attaquer Thomas Anders.

Pourtant, en 1998, l’impensable se produit. La vague de nostalgie des années 80 bat son plein, et le duo se reforme. Leur apparition à la télévision allemande est un événement national suivi par 16 millions de personnes. L’album du retour, “Back for Good”, est un succès colossal, se vendant encore mieux que leurs albums originaux. Pour un temps, la hache de guerre semble enterrée. Cette deuxième phase durera même plus longtemps que la première, pendant cinq ans.
Mais les vieux démons sont tenaces. En 2003, l’histoire se répète, avec encore plus de mépris. En plein milieu d’un concert, Dieter Bohlen prend le micro et annonce, devant des milliers de fans stupéfaits, que Modern Talking, c’est fini. Définitivement. Cette fois, Nora n’est plus là pour servir d’excuse. La vérité est plus simple : les deux hommes se détestent.
La guerre devient alors totale et publique. Les deux publient des autobiographies où ils s’écharpent mutuellement. Dieter accuse Thomas d’avoir volé de l’argent dans les caisses du groupe. Thomas, excédé, porte l’affaire devant les tribunaux et gagne : la justice interdit à Bohlen de répéter cette accusation. La fin de Modern Talking ne s’est pas jouée sur scène, mais dans un prétoire.
Depuis, la haine est restée intacte. En 2014, une offre de 20 millions d’euros aurait été mise sur la table pour une nouvelle reformation. Dieter Bohlen aurait refusé. Il n’a plus besoin de Modern Talking. Il est devenu un magnat de la télévision allemande, un juré impitoyable dans les télé-crochets, l’équivalent de Simon Cowell. Thomas Anders, lui, continue sa carrière solo, vivant éternellement dans l’ombre dorée du groupe qui l’a fait roi, avant de le piéger dans une guerre qu’il ne pouvait pas gagner. L’histoire de Modern Talking, c’est la bande-son d’une fête incroyable où les deux hôtes n’ont jamais cessé de vouloir s’entretuer.
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