Pour des millions de Français, elle est un visage familier, une présence réconfortante qui, d’un claquement de doigts, répare les cœurs et les destins. Mimie Mathy, l’éternelle Joséphine, ange gardien, incarne à l’écran une force positive, une bienveillance souriante. Pourtant, derrière ce sourire éclatant qui a conquis la France, se cache une femme dont le parcours est jalonné de peines secrètes, de douleurs physiques tues et d’une lutte incessante contre les préjugés. Loin des plateaux de tournage, la vie de Mimie Mathy n’a pas toujours été un conte de fées. C’est l’histoire d’une résilience hors norme, d’une femme “trop forte pour tout affronter”, dont la plus grande tristesse n’est pas un événement unique, mais une vie entière passée à surmonter la perte de ses rêves d’enfant et les barrières de la société.

Née à Lyon, Mimie Mathy a grandi dans une famille aimante, bercée par le saxophone de son père et la force tranquille de sa mère. Mais très vite, la passion pour la scène se heurte à la réalité d’un monde qui ne sait pas où la placer. Avant de devenir l’artiste que l’on connaît, elle a connu la frustration d’un emploi de bureau, une “cage qui emprisonnait sa passion”. À 22 ans, le grand saut. Elle quitte tout pour rejoindre l’atelier de comédie musicale de Michel Fuguin à Nice. C’est le début d’une bataille. Pendant deux ans, elle travaille sans relâche, non seulement pour apprendre le chant, la danse et le théâtre, mais pour “surmonter les limites de son corps” et prouver que “la taille n’est pas une mesure de talent”.

Son arrivée à Paris marque les premiers succès, notamment dans “Le petit théâtre de Bouvard”. Le public découvre son humour et son charme. Mais ce succès initial est à double tranchant : il s’accompagne d’une pression immense, celle de devoir constamment faire ses preuves, plus que n’importe qui d’autre.

La véritable explosion survient à la fin des années 80 avec “Le trio des filles”, aux côtés de Michèle Bernier et Isabelle de Boton. De 1988 à 1993, elles triomphent avec des spectacles comme “Existe en trois tailles”. Mimie transforme sa différence en une force comique, provoquant l’hilarité générale. C’est son “âge d’or”. Mais ce que le public ne voit pas, ce sont les coulisses. Derrière les rires et les applaudissements, la réalité est plus sombre. Le transcript de sa vie révèle “de longues nuits où elle restait assise seule, pleurant d’épuisement, de la pression d’être toujours parfaite pour ne pas être méprisée”.

Après la dissolution du groupe, Mimie Mathy prouve qu’elle peut briller seule. En 1993, la série télévisée “Une nounou pas comme les autres” est un raz-de-marée, attirant près de 12 millions de téléspectateurs. C’est un tournant. Elle n’est plus seulement une humoriste ; elle est une actrice capable de porter une fiction et de conquérir le cœur du grand public.

Puis, en 1997, c’est la consécration. Le rôle de “Joséphine ange gardien” est créé pour elle. Pendant plus de deux décennies, ce personnage d’ange gardien, à la fois drôle et profondément humain, va toucher des millions de foyers. Mimie Mathy devient l’une des personnalités les plus aimées de France, un symbole “de résilience et d’humanité”. Ce rôle est sa plus belle victoire sur les préjugés, la preuve qu’une “femme de [un] mètre” peut dominer le petit écran et devenir une icône.

Mais cette carrière étincelante a un coût, un prix que l’actrice a payé dans l’ombre. Les échecs ont été douloureux. Au milieu des années 90, son one-woman-show au Splendid, dans lequel elle s’était tant investie, reçoit des critiques assassines de la part des “experts”. Elle raconte ces nuits passées “assise dans les coulisses” à lire ces critiques négatives, pleurant de “remettre en question ses capacités”. Ces larmes n’étaient pas celles de la faiblesse, mais celles d’une artiste passionnée, blessée de sentir qu’elle n’avait pas “fait de son mieux”.

Les sacrifices les plus déchirants furent personnels. La carrière est une maîtresse exigeante qui l’éloigne de sa famille. Elle a dû refuser des moments précieux pour honorer des tournages. L’anecdote la plus poignante reste celle où, en plein tournage de “Joséphine”, elle apprend que sa mère est malade. Retenue par ses obligations, elle ne peut se rendre à son chevet immédiatement. Lorsqu’elle arrive enfin à Lyon et voit sa mère affaiblie, Mimie s’effondre dans ses bras, “sanglote, se reprochant de ne pas avoir été là pour sa famille quand ils avaient le plus besoin d’elle”.

À cette charge émotionnelle s’ajoute une douleur physique constante. Son achondroplasie lui cause de “fortes douleurs au dos”. Lors de sa tournée “J’adore papoter avec vous” en 2002, la douleur est intenable. Pourtant, elle monte sur scène et assure le spectacle. Ce n’est qu’après le départ du public qu’elle s’autorise à craquer. En coulisses, loin des regards, elle s’assied, “les larmes coulant sur son visage à cause de la douleur et de l’épuisement”. Mais, comme le souligne son histoire, “personne ne le savait”.

Malgré tout, Mimie Mathy n’a jamais abandonné. Sa véritable quête n’a jamais été la gloire ou l’argent, mais celle de “transformer sa différence en inspiration”. Elle voulait devenir un modèle pour tous ceux qui “ont le sentiment de ne pas correspondre à la norme sociale”. Son engagement indéfectible pour Les Enfoirés depuis 1994, au profit des Restaurants du Cœur, n’est pas anecdotique. C’est une mission, une façon d’envoyer le message que “tout le monde mérite d’être aimé et respecté”.

Plus tard, elle réalisera un autre rêve : raconter sa propre histoire. En 2007, elle publie “Ale est simple pour le bonheur” (co-écrit avec son mari Benoiste Gérard), une confession sur ses peines, ses joies et ses leçons de vie, une façon de se connecter à son public à un niveau plus profond.

Aujourd’hui, la plus grande réussite de Mimie Mathy est peut-être la plus simple : “avoir vécu une vie fidèle à elle-même”. Malgré les traumatismes, la pression et les douleurs, elle n’a jamais perdu son essence. Elle reste cette femme chaleureuse, drôle et aimante. Son vœu le plus cher, si un jour elle devait quitter ce monde, est que l’on se souvienne d’elle non pas comme une simple actrice, mais comme “quelqu’un qui a vécu sa vie pleinement, qui a aimé de tout son cœur et qui n’a jamais cessé d’être elle-même”. Une leçon de vie bien réelle, signée par le véritable ange gardien du public français.