Le 24 août 2024. Le domaine de Douchy, forteresse et sanctuaire d’Alain Delon, était enveloppé d’un silence lourd, presque suffocant. Le monde pleurait “Le Guépard”, l’icône du cinéma français, décédé le 18 août à l’âge de 88 ans. En ce jour d’obsèques, tenues dans la plus stricte intimité de la chapelle du domaine, la France retenait son souffle, espérant une image : celle de l’unité retrouvée. Après des mois d’une guerre fratricide qui avait fait les choux gras de la presse, Anouchka, Anthony et Alain-Fabien Delon allaient-ils enfin faire front commun pour honorer leur père ?

L’illusion fut de courte durée. Ce qui devait être un jour de deuil et de recueillement s’est transformé en un nouvel acte, peut-être le plus cruel, de la tragédie familiale. Un scandale a éclaté, non pas avec des cris, mais avec le bruit d’un moteur de voiture qui démarre et une fuite précipitée. Anouchka Delon, la fille tant aimée, a brusquement quitté Douchy, laissant derrière elle ses frères et une assemblée sous le choc. La raison de cette fuite, murmurée puis confirmée, a l’effet d’une bombe : la révélation explosive de la répartition de l’héritage.

Dès les premières heures de la matinée, un semblant de paix régnait. Les trois enfants Delon, dont les noms avaient été synonymes de discorde, d’accusations par médias interposés et de batailles judiciaires, étaient arrivés ensemble. On les disait “main dans la main”, unis dans la douleur. Norbert Saada, producteur et ami de la famille, avait même confirmé au micro de BFM TV que la hache de guerre était, pour un temps, enterrée. “Anthony m’a dit : ‘Dans ces moments-là, pas de guerre.’ Donc ils ont décidé tous les trois de se réunir et d’aller jusqu’au bout pour la mémoire de leur père.”

La mémoire. C’est elle qui semblait être le dernier rempart contre le chaos. Alain Delon, de son vivant, avait assisté, impuissant, à la déchirure de son clan. L’affaire Hiromi Rollin, sa “dame de compagnie”, avait été l’étincelle, mais le véritable incendie couvait depuis longtemps, alimenté par les jalousies, les rancœurs et, surtout, l’inévitable question de l’héritage. Anouchka, la préférée, l’exécutrice testamentaire, contre les garçons, Anthony l’aîné protecteur et Alain-Fabien le fils sensible. La France avait choisi son camp, mais à Douchy, ce samedi-là, il n’y avait plus de camps. Juste une famille en deuil.

C’est du moins ce que l’on croyait.

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Quelques heures seulement après son arrivée, le vernis de l’unité a craqué. Anouchka Delon a été vue quittant le domaine. Pas d’adieux prolongés, pas de réconfort fraternel. Un départ qualifié par les témoins de “précipité”, presque une “fuite”. Le visage grave, dissimulé derrière de grandes lunettes de soleil, elle s’est installée dans sa voiture, à côté de son mari, Julien de Rèze, qui tenait le volant. La voiture s’est éclipsée en toute discrétion, mais l’onde de choc de son départ a résonné bruyamment dans les murs de Douchy.

La rumeur s’est alors propagée, devenant le titre d’une vidéo qui allait capturer l’infamie de la situation : “Scandale aux obsèques d’Alain Delon : Anouchka s’enfuit après avoir obtenu 50 % de l’héritage”.

Cinquante pour cent. Le chiffre est lâché. Dans une succession aussi complexe et scrutée que celle d’Alain Delon, ce chiffre n’est pas anodin. Il est une déclaration. Il confirme ce que les frères clamaient depuis des mois : Anouchka était la seule et unique favorite. Alors que ses frères, Anthony et Alain-Fabien, devaient se partager “le reste” – vraisemblablement la réserve héréditaire légale – Anouchka aurait reçu la totalité de la quotité disponible, cette part dont le défunt peut disposer à sa guise. En France, la loi protège les enfants, mais elle permet aussi de favoriser l’un d’eux. Alain Delon l’aurait fait, faisant de sa fille la gardienne majoritaire de son empire et de sa mémoire.

Cette révélation, tombant le jour même des funérailles, change tout. Elle recontextualise l’apparition “main dans la main”. Était-ce une trêve sincère ou une mise en scène macabre ? L’annonce de la répartition de la fortune a-t-elle été le coup de grâce qui a rendu toute cohabitation impossible ?

La fuite d’Anouchka prend alors un tout autre sens. Ce n’est plus la tristesse qui semble l’avoir poussée vers la sortie, mais peut-être le malaise, la culpabilité, ou simplement le désir d’échapper à la confrontation inévitable. En quittant Douchy, elle ne laissait pas seulement ses frères ; elle laissait une assemblée “sous le choc”, des amis de son père, comme Vincent Lindon, venus lire un dernier hommage. Elle tournait le dos à l’ultime moment de communion, signalant que, pour elle, le deuil était déjà terminé et que les affaires reprenaient.

Cet incident est d’une tristesse infinie, car il salit l’image que Delon lui-même avait tenté de préserver. L’acteur, dans ses dernières années, s’était battu pour que sa famille reste unie. Il avait fait d’Anouchka son exécutrice testamentaire en espérant qu’elle protège son œuvre et son honneur. Mais en la favorisant si ostensiblement, n’a-t-il pas lui-même planté les graines de la discorde éternelle ? Il a mis sa fille dans une position intenable, la désignant à la fois comme la gardienne du temple et comme la cible de toutes les frustrations.

Les mois qui ont précédé ce drame funeste avaient été d’une violence inouïe. Anthony accusant publiquement Anouchka de manipuler leur père, de lui cacher la gravité de son état de santé. Anouchka répliquant par des plaintes, se dépeignant en victime. Alain-Fabien, pris entre deux feux, choisissant finalement le camp de son frère aîné. La justice avait dû s’en mêler, plaçant l’acteur sous curatelle renforcée, une humiliation pour l’homme qui avait toujours tout contrôlé.

Et maintenant, cette fuite. C’est la fin de l’espoir. Le scandale de Douchy n’est pas qu’un ragot de presse à scandale ; c’est la preuve que la “guerre des Delon” est loin d’être terminée. Elle entre dans sa phase la plus sombre. Le patriarche n’est plus là pour servir de bouclier ou de médiateur. Les couteaux sont tirés, et l’enjeu est colossal : de l’argent, bien sûr, mais aussi le contrôle de l’image, du nom, de la légende.

En s’enfuyant avec 50% de l’héritage, Anouchka a peut-être remporté la bataille financière, mais elle a peut-être perdu la guerre de la dignité. Elle laisse à ses frères le rôle des victimes, des fils éplorés abandonnés par leur sœur le jour même où ils enterraient leur père. L’image est désastreuse et alimentera la chronique pour les années à venir.

Le “Guépard” est mort, et comme dans le film de Visconti qu’il chérissait tant, la fin d’une époque laisse place au chaos. La vieille aristocratie s’effondre, et les nouveaux venus se déchirent pour les restes. Le dernier acte d’Alain Delon n’aura pas été joué sur un plateau de cinéma, mais dans la froide réalité de son domaine de Douchy, avec pour seuls spectateurs ses enfants devenus ennemis. La voiture d’Anouchka Delon s’éloignant sur les routes du Loiret est la dernière image, tragique, d’un clan qui s’est autodétruit. Le silence est retombé sur Douchy, mais la guerre, elle, ne fait que commencer.