Ce jour-là, le Parlement européen était en pleine ébullition. Ce n’était pas un simple débat, c’était comme si l’édifice même de l’Union vacillait. Le 9 octobre 2025, deux motions de censure ont été soumises contre la Commission européenne, visant directement Ursula von der Leyen. Bien que ces motions aient été rejetées lors du vote, le simple fait qu’elles aient pu être déposées, débattues et votées traduit une fracture profonde dans l’hémicycle européen. Les critiques pleuvent sur la politique commerciale avec les États-Unis, sur les accords avec le Mercosur, sur les orientations environnementales, et les alliances au Parlement semblent de plus en plus fragiles. C’est dans ce climat tendu que Giorgia Meloni est montée en puissance ces derniers jours. Ses discours et prises de position ont agi comme un catalyseur, exacerbant les fissures déjà présentes et forçant à des choix cruciaux.

Meloni, le Catalyseur d’une Europe Fragmentée

Ceux qui réclamaient davantage de souveraineté nationale, davantage de fermeté face à Bruxelles, ont trouvé en Giorgia Meloni une figure d’appui. Ses critiques contre certaines orientations de l’Union européenne ou ses références à la défense des États face à la pression bruxelloise ont mis le feu aux poudres dans des couloirs déjà électriques. Le discours de Meloni, avec sa force polémique, est perçu comme un déclencheur, un révélateur des failles existantes. Il agit comme un miroir tendu à une Europe qui peine à trouver une direction commune, obligeant chaque eurodéputé à se positionner : soutenir ou se démarquer ?

Cette situation est d’autant plus préoccupante que l’onde de choc de ces débats et tensions n’est pas sans incidence sur la réputation de la France dans les enceintes européennes.

La France en Pleine Débâcle Politique

Pendant ce temps, la France navigue en pleine crise politique interne. Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale décidée après les élections législatives anticipées de juin 2024, le pays traverse une instabilité quasiment permanente. On compte déjà plusieurs gouvernements et remaniements successifs, des majorités fragiles et une incapacité structurelle à obtenir des compromis à l’Assemblée. Cette crise politique, qui perdure depuis 2024, est d’une gravité inédite sous la Cinquième République.

Le dernier avatar en date, le gouvernement Lecornu I, nommé le 9 septembre 2025, s’est effondré en moins de 24 heures, démissionnant le 10 octobre avant même de tenir la déclaration de politique générale. Cette démission express a provoqué un choc national. Cinq jours plus tard, le 12 octobre 2025, un nouveau gouvernement est officiellement dévoilé : le Premier ministre Sébastien Lecornu, réinvesti, présente une équipe remaniée, mêlant figures politiques et civiles issues de la société civile. L’objectif est clair : tenter de sortir de l’impasse, mais la nouveauté est fragile car la majorité parlementaire n’est toujours pas assurée.

Depuis l’Égypte, où il participait à un sommet, Emmanuel Macron a lancé un appel à l’esprit de responsabilité de chacun pour parvenir à un budget pour 2026. Le président français a affirmé avoir confiance que tous les acteurs politiques mettront de côté leurs divisions pour garantir le fonctionnement de l’État, soulignant que c’est ce que les Français attendent et ce dont la France a besoin. Cette prise de parole, le 13 octobre 2025, juste avant son retour à Paris, témoigne de la gravité de la situation.

L’Affaiblissement de la France sur la Scène Européenne

Une France politiquement instable, incapable de tenir une majorité, apparaît moins crédible dans les négociations européennes. De plus, quand des figures comme Meloni prennent l’initiative de critiques fortes contre Bruxelles, l’UE ne peut ignorer le message, surtout quand certaines de ces critiques résonnent avec les récriminations de divers gouvernements nationaux.

Alors, ce Parlement qui “s’écroule”, dans quel sens l’entendre ? Il ne s’agit pas d’un effondrement physique ni d’une abdication collective. Le mot “s’écroule” est davantage une image forte. Il évoque l’idée que l’autorité de l’hémicycle, la cohésion des coalitions et la capacité à diriger l’Union sont fragilisées. Ces motions de censure montrent que même le pouvoir exécutif européen, la Commission, peut être mise en cause publiquement dans des votes formels. Or, s’il y a affaiblissement de cette autorité, tout le fonctionnement de l’UE devient plus instable : les alliances se recomposent, les coalitions vacillent, les votes passent ou échouent toujours de justesse.

Quand le Parlement se divise autant, chaque discours d’un chef d’État ou d’un Premier ministre peut devenir un déclencheur. Le discours de Meloni en est un parfait exemple. Il a été une onde de choc dans un système déjà fissuré, il n’a pas créé la situation, mais il l’a mise à vif. Il a donné la parole à tous ceux qui pensent que Bruxelles domine trop, que les États doivent retrouver une marge de manœuvre. Et dans ce contexte, le Parlement, en tant qu’arène de votes et de débats, devient l’épicentre de la lutte politique.

Imaginez que vous êtes eurodéputé : vous voyez une Europe qui peine à trouver une direction commune, vous entendez les critiques de Meloni contre Bruxelles. Vous vous demandez : est-ce que je soutiens ou je me démarque ? Et derrière vous, vous regardez vers les grandes capitales : Paris, Rome, Berlin. Vous cherchez des alliés. Si Paris semble désorganisé, hésitant, instable, cela change tout dans les équilibres. Car la France ne joue pas dans la cour des petits ; elle est membre fondateur, poids lourd, acteur central. Quand la France montre ses propres divisions internes, quand le gouvernement vacille, quand le président doit rappeler l’esprit de responsabilité, cela affaiblit le levier diplomatique de la France au niveau européen. Les autres pays regardent : si la France n’est pas capable de se gouverner, comment peut-elle prétendre imposer ses vues ?

Des Semaines Décisives en Perspective

À mesure que ces tensions montent à Bruxelles, on peut s’attendre à ce que les prochaines semaines soient décisives. Les coalitions au Parlement vont être testées, des négociations secrètes, des alliances inattendues, des renversements potentiels sont à prévoir. Une motion de censure pourrait ressurgir. Et sur la scène française, le nouveau gouvernement Lecornu II aura à faire face à des exigences fortes, notamment sur la réforme des retraites, le pouvoir d’achat et le budget de l’État.

Le 14 octobre 2025, les socialistes réclament la suspension de la réforme des retraites de 2023. Fabien Roussel, sur TF1, appelle à un “blocage réel” de cette réforme, affirmant qu’elle est un nœud central de la crise actuelle. Le gouvernement doit dévoiler ce jour-là ses projets budgétaires pour 2026, avec des économies revues à la baisse pour ménager un parlement majoritairement hostile. Le Premier ministre Lecornu est attendu pour sa déclaration de politique générale dans laquelle il devra calmer les tensions internes tout en répondant aux demandes de l’opposition.

Dans ce contexte, chaque mot compte, chaque discours peut être un déclencheur. Meloni parle, le Parlement débat, une motion passe ou tombe, la France vacille. C’est une période où l’Europe paraît plus fragile qu’on ne l’a jamais vue, et où la France, pourtant élément clé, pourrait perdre la main si elle n’arrive pas à se stabiliser rapidement.

L’Ombre de l’Élysée et le Poids de Meloni

Lorsque le Parlement européen vacille, ce n’est pas seulement un signal pour Bruxelles ; c’est une alerte pour Paris. Le pouvoir d’influence d’un pays comme la France dépend de sa stabilité interne. Or, aujourd’hui, la France est en situation de fragilité extrême, et chaque mouvement à Bruxelles est amplifié dans l’ombre de l’Élysée. Depuis l’annonce du nouveau gouvernement Lecornu II dans la nuit du 12 octobre, les oppositions ont déjà déposé deux motions de censure contre cette nouvelle équipe. Ces motions viennent de La France insoumise et du Rassemblement national, prêtes à saborder le gouvernement dès ses premiers jours s’il ne cède pas aux pressions. Le Premier ministre lui-même a dit devant ses ministres : “Notre seule mission est de surpasser la crise politique.” Cette phrase, prononcée dès les premières heures, montre l’urgence et le danger qui pèse sur cet exécutif ; la survie du gouvernement pourrait se jouer très vite dans les prochains jours.

Le 14 octobre, l’agenda politique français prévoit un Conseil des ministres à 10h, puis dans l’après-midi la déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale – deux moments décisifs. Si l’un ou l’autre échoue, le gouvernement peut tomber. Pendant ce temps, dans les salons de Bruxelles, on observe, on compte, on manœuvre. Chaque eurodéputé sait que si la France montre ses faiblesses, ses adversaires peuvent les exploiter.

Et Meloni, avec ses discours parfois radicaux, a déjà commencé à faire des propositions audacieuses. Elle appelle notamment à une “union des droites françaises” en invitant les dirigeants français à dépasser leurs clivages idéologiques pour former un front nationaliste renforcé. Ces propos, relayés fin septembre, ont provoqué une tempête. Certains applaudissent l’appel, d’autres accusent l’Italie de vouloir dicter la stratégie politique interne d’un autre pays.

Ajouté à cela le fait que Meloni est visée par une plainte déposée le 7 octobre devant la Cour pénale internationale pour complicité de génocide, notamment en raison de son soutien affiché à Israël dans des opérations contestées. Elle a indiqué que plusieurs ministres italiens seraient eux aussi mis en cause. Cette affaire pèse lourd dans le débat européen : rendre un Premier ministre sous enquête pénale un interlocuteur crédible est un défi politique. Dans ce contexte, certains analystes estiment que Meloni compte davantage en Europe qu’Emmanuel Macron et que son poids politique est aujourd’hui plus fort que celui du président français dans certaines arènes. Cette comparaison, faite ces dernières semaines dans les médias européens, est difficile à entendre pour Paris. Que penser quand un dirigeant italien suscite une telle reconnaissance, alors que la France, maillon central de l’UE, patauge en interne ?

Responsabilités et Perspectives d’Avenir

En France, la crise politique ne date pas d’hier. Elle remonte à la dissolution de l’Assemblée nationale décidée le 8 juillet 2025. Depuis cette date, la législature est morcelée, les majorités incertaines, et trois gouvernements – Barnier, Bayrou et Lecornu – se sont succédé dans des conditions de fragilité extrême. Cette instabilité institutionnelle a humilié le rang de la France sur la scène européenne : un État qui change de Premier ministre chaque mois perd du crédit ; ses partenaires questionnent sa constance, ses engagements, sa vision.

Mais au-delà des institutions, il y a les rues, les mobilisations. Le 10 septembre 2025, un mouvement baptisé “Bloquons tout” a été lancé pour protester contre la politique budgétaire de l’État, les coupes envisagées, le gel des retraites et pour réclamer la démission de Macron. Ce mouvement, amorcé sur les réseaux et sans structure hiérarchique, a rassemblé des milliers de citoyens dans différentes villes françaises, réclamant un réel changement politique. Ce n’est pas un hasard si cette contestation survient en pleine crise gouvernementale : quand les gens sentent que le système est bloqué, ils cherchent à s’en mêler directement.

Voilà le tableau : à Bruxelles, une Europe divisée, un Parlement qui vacille ; en Italie, une dirigeante controversée mais audacieuse qui capte l’attention ; en France, une succession d’échecs politiques, des gouvernements éphémères, un président qui tente de recoller les morceaux. Mais le plus important : quelle responsabilité reconnaît-on à Macron dans tout cela ? Est-ce lui, en tant que chef de l’État, responsable de cette instabilité, ou est-ce un contexte mondial, une montée des extrêmes, un système qui craque partout en Europe ?

Dans les jours qui viennent, chaque mot prononcé à Paris ou à Bruxelles sera scruté. Le discours de politique générale du 14 octobre est un moment charnière. S’il convainc, il peut relancer la dynamique, ramener un peu de respect international. S’il échoue, la crise sera ouverte. Le pari est risqué. Si le gouvernement tombait suite à une motion de censure, cela impliquerait un nouveau remaniement ou même la convocation d’élections anticipées. L’opposition, comme La France insoumise ou le Rassemblement national, attendent ce moment ; ils veulent forcer le retour aux urnes, convoquer la dissolution, renverser le rapport des forces. Un effondrement institutionnel pourrait s’en suivre.

À Bruxelles, les partenaires et concurrents de la France observeront : un pays affaibli perd de l’influence, moins de leadership sur les dossiers européens (sécurité, énergie, budget, défense), plus de pression pour qu’il suive les lignes dictées par d’autres États. La France pourrait être obligée de composer, de reculer, de renoncer à des ambitions. Dans ce contexte, le discours de Meloni n’est pas seulement un discours italien ; c’est un message politique à toute l’Europe. Il démontre que dans une Europe en crise, ceux qui osent en parler fort, réclamer souveraineté, menacer les institutions, peuvent prendre l’avantage, même quand ils sont contestés, même quand ils doivent répondre à des plaintes à la Cour pénale internationale.

Ce moment est une bifurcation possible : soit l’Europe se recomposera autour d’un nouveau consensus, fragile, mais la France y aura peu de poids ; soit elle glissera vers davantage d’affrontements institutionnels et de fractures nationales. Dans les deux cas, Paris ne pourra pas rester spectateur.