ouvre sur un mystère total. La maison est en ordre. Il n’y a aucune trace d’effraction. Le ou les tueurs n’ont apparemment rien volé. Le mobile crapuleux semble d’emblée peu probable. Les enquêteurs comprennent vite que l’assassin était quelqu’un que Marie-France et Richard connaissaient. Quelqu’un à qui ils ont ouvert leur porte en toute confiance.

Très vite, un détail intrigue les gendarmes chevronnés. C’est le comportement du fils, Romain. Celui qui a donné l’alerte. Face au massacre de ses parents, il fait preuve d’un “détachement” surprenant, d’un calme presque glacial qui détonne avec l’horreur de la situation. Il répond aux questions avec une précision mécanique, sans laisser transparaître l’ombre d’un chagrin. Ce sang-froid, jugé contre-nature, place immédiatement le fils “parfait” au centre des soupçons.

Romain Pisier, 30 ans, avait pourtant tout pour plaire. Il vivait non loin de ses parents, en couple, père d’un jeune enfant. Il travaillait main dans la main avec son père Richard au sein de l’entreprise familiale de déménagement. Il était le fils aimant, le pilier sur lequel le couple de retraités pensait pouvoir s’appuyer. Une façade lisse, respectable, qui s’apprête à se fissurer de façon spectaculaire.

Les enquêteurs ne tardent pas à découvrir le “pourquoi”. Le mobile, aussi sordide que banal : l’argent. Ils apprennent que Marie-France et Richard venaient de réaliser une belle opération immobilière. Ils avaient vendu un bien pour la somme de 280 000 euros. C’était leur pactole, le fruit de leur travail, destiné à financer leurs vieux jours, à profiter de la vie et à gâter leur petit-fils.

En parallèle, les gendarmes plongent dans la vie secrète de Romain. Et ce qu’ils découvrent est à l’opposé de l’image du gendre idéal. Le fils “parfait” est en réalité un homme aux abois, rongé par une addiction dévorante. Romain est un joueur compulsif. PMU, jeux de grattage… il est accro. Et cette addiction a creusé un gouffre financier sous ses pieds. Il croule sous les dettes : entre 30 000 et 40 000 euros selon les estimations. Une somme qu’il est incapable de rembourser.

Mis en garde à vue, le vernis de Romain ne tarde pas à craquer. Après 36 heures d’interrogatoire, confronté aux incohérences de son récit et à la réalité de sa situation financière, il s’effondre. Il avoue. Oui, c’est lui. C’est lui qui a exécuté ses parents.

Le récit de sa confession est glaçant et révèle une préméditation implacable. Romain savait pour les 280 000 euros. Cette somme, qui représentait l’avenir paisible de ses parents, est devenue pour lui la solution à tous ses problèmes, une obsession morbide.

Ce jour-là, il ne s’est pas rendu chez ses parents pour une visite de courtoisie. Il est venu avec un fusil de chasse chargé. Il a planifié son geste. Son père, Richard, était dans le salon, sans doute en train de se détendre, loin de s’imaginer que son propre fils s’apprêtait à mettre fin à sa vie. Romain a tiré.

Au bruit de la détonation, Marie-France, qui se trouvait dans la cuisine, a accouru. Elle s’est retrouvée face à son fils, l’arme encore fumante. C’est la scène que suggèrent la chaise renversée et les lunettes brisées. A-t-elle tenté de le raisonner ? A-t-elle compris l’impensable ? Romain, pris dans sa folie meurtrière, ne lui a laissé aucune chance. Il a abattu sa propre mère.

Le parricide, le crime ultime, venait d’être commis. Mais la froideur de Romain ne s’arrête pas là. Après avoir massacré ses deux parents, il tente de mettre en scène un cambriolage qui aurait mal tourné. Un scénario grossier. Il prend 700 euros dans le sac à main de sa mère et quelques bijoux sans valeur. Un butin dérisoire qu’il jettera plus tard, tout comme l’arme du crime.

Puis, comme si de rien n’était, il rentre chez lui. Il retrouve sa compagne et son jeune fils. Il joue avec son enfant. Il dîne, il dort. Il laisse passer une journée entière. Ce n’est que le lendemain qu’il mettra en œuvre la dernière partie de son plan macabre : “découvrir” les corps et alerter les gendarmes, feignant l’inquiétude et le choc. C’est cette capacité à compartimenter, cette froideur inhumaine après un tel acte, qui horrifiera le plus les enquêteurs et la France entière.

En 2014, lors de son procès devant la cour d’assises de Vaucluse, Romain Pisier est condamné à 30 ans de réclusion criminelle. La préméditation et le caractère odieux du parricide ont pesé lourd dans la balance.

L’affaire a laissé une cicatrice indélébile à L’Isle-sur-la-Sorgue. La “Venise Comtadine” a perdu son innocence. La communauté, sous le choc, a dû accepter une vérité insupportable : le monstre n’était pas un rôdeur venu d’ailleurs, mais un enfant du pays, un fils qui a choisi de sacrifier ceux qui lui ont donné la vie sur l’autel de son addiction au jeu. L’histoire de Marie-France et Richard n’est pas celle d’un couple “sans histoire” ; c’est la tragédie d’un couple aimant, trahi et exécuté par celui qu’il aimait le plus.