En mars 2018, la France est coupée en deux. La guerre pour l’héritage de Johnny Hallyday fait rage, exposant les divisions, les rancœurs et les secrets d’un clan qui semblait uni. D’un côté, Laeticia Hallyday, la veuve, l’unique héritière selon un testament californien. De l’autre, Laura Smet et David Hallyday, les enfants aînés, déshérités, effacés. Les “vieux amis” de Johnny, de Sylvie Vartan à Eddy Mitchell, ont déjà choisi leur camp, multipliant les déclarations chocs. Mais une personne reste muette. Une icône. Catherine Deneuve.

Connue pour sa discrétion légendaire, son mépris des commérages et son élégance glacée face aux polémiques, Deneuve est la dernière personne dont on attend une prise de position. Et pourtant.

C’est alors que les photos éclatent, comme une bombe à fragmentation. On y voit Catherine Deneuve, 75 ans à l’époque, sortant d’un déjeuner à Paris. Elle n’est pas seule. À ses côtés, le visage marqué par l’épreuve, se tient Laura Smet. Deneuve passe un bras protecteur autour des épaules de la jeune femme. Son regard est sérieux, déterminé. Ce n’est pas une rencontre fortuite. C’est une déclaration.

Dans le tumulte assourdissant de l’affaire Hallyday, ce geste silencieux va s’avérer être l’un des coups les plus puissants portés à Laeticia. Sans un mot, Catherine Deneuve vient de briser son silence, de choisir son camp et de rappeler au monde entier l’histoire complexe qui la liait à Johnny Hallyday. Une histoire que Laeticia, peut-être, aurait préféré voir oubliée.

Pour comprendre la portée de ce déjeuner, il faut remonter le temps. Loin. Très loin. Nous sommes en 1961. Sur le tournage du film “Les Parisiennes”, un jeune rockeur de 18 ans, idole naissante, rencontre une actrice de 17 ans à la beauté magnétique. Il s’appelle Johnny Hallyday. Elle s’appelle Catherine Deneuve. Pour lui, c’est un “coup de foudre absolu”, comme il l’écrira des décennies plus tard dans son autobiographie, “Destroy”. Il la décrit comme “l’un des grands amours de ma vie”.

Mais l’amour est à sens unique. Catherine, déjà mature, est en couple avec le réalisateur Roger Vadim, de 15 ans son aîné. Elle ne cède pas aux avances du jeune Johnny. Le drame se noue. Consumé par cet amour impossible, ne dormant plus, n’existant plus, Johnny Hallyday tente de mettre fin à ses jours. Un geste désespéré qui marquera à jamais les deux jeunes gens.

Cet incident tragique ne les séparera pas. Au contraire, il scelle le début d’une amitié indéfectible qui durera 56 ans, jusqu’au dernier souffle du rockeur. Une amitié qui survivra à leurs mariages respectifs (ils se marient la même année, en 1965, lui avec Sylvie Vartan, elle avec David Bailey), à leurs carrières fulgurantes et aux tempêtes de leurs vies.

Mais cette amitié n’était-elle “que” cela ? C’est là que la légende s’embrase. En 2020, le biographe Gilles Lhote affirme que Deneuve était bien plus qu’une amie. Elle aurait été la mystérieuse “Lady Lucille”, cet amour secret et clandestin que Johnny aurait chéri pendant plus de 30 ans. Une liaison fantôme, protégée des médias par ce surnom inspiré d’une chanson de Little Richard. Lhote raconte que Johnny lui-même lui aurait fait cette confidence en 1995.

Vrai ou faux ? Catherine Deneuve, fidèle à sa réputation, n’a jamais confirmé ni infirmé. Elle s’est drapée dans son silence habituel. Mais les indices troublants existent. Dans les années 70, les deux stars, alors célibataires, sont vues ensemble, complices, dans les nuits parisiennes et jusqu’au Festival de Cannes. En 1978, au Japon, une scène rapportée par Paris Match décrit le “désarroi total” de Sylvie Vartan, fraîchement ré-épousée par Johnny, en voyant la complicité évidente entre son mari et Deneuve. Elle “comprend”, écrit le magazine. Elle sait que cette femme représente quelque chose que Sylvie elle-même ne pourra jamais être.

Cette relation, qu’elle soit amicale ou amoureuse, a toujours été un pilier dans la vie de Johnny. Et c’est précisément ce pilier qui va entrer en collision avec la dernière épouse du Taulier, Laeticia Hallyday.

Les photos de 2010, lors du 67e anniversaire de Johnny, montrent Deneuve, Johnny et Laeticia souriant ensemble. L’harmonie semble régner. Mais en coulisses, l’ambiance est tout autre. Le biographe Benjamin Locoge raconte une Laeticia “furieuse” à cause de fax que Catherine Deneuve envoyait personnellement à Johnny. Des messages privés, intimes. Laeticia, selon plusieurs sources, ne supportait pas cette proximité. Elle voyait en Deneuve une rivale. Pas une rivale pour le présent, mais une rivale pour le passé. Catherine Deneuve représentait tout ce que Laeticia n’était pas : l’élégance parisienne, l’histoire, les décennies de complicité qui lui échappaient. Deneuve était le fantôme de la vie d’avant, une vie que Laeticia aurait voulu, dit-on, entièrement réécrire.

Le 5 décembre 2017, Johnny s’éteint. Catherine Deneuve est dévastée. Elle perd un ami de 56 ans. Elle pleure en silence, loin des caméras. Et puis, quelques semaines plus tard, le testament est révélé. Le choc est immense. David et Laura, ses propres enfants, sont exclus. Tout pour Laeticia.

Jean Paul Gaultier bien entouré pour son défilé - De Catherine Deneuve à  Laura Smet

La France est sous le choc. Comment Johnny, l’homme qui adorait ses enfants, a-t-il pu faire ça ? Rapidement, le camp des “historiques” se forme. Nathalie Baye, mère de Laura, publie une lettre cinglante dans Le Figaro, dénonçant la mainmise du “clan Boudou” (la famille de Laeticia). Sylvie Vartan, mère de David, affirme ne pas croire que Johnny ait voulu déshériter ses enfants. Eddy Mitchell, le “frère”, se range aussi du côté des aînés.

Et Catherine Deneuve ? Elle observe. Elle voit cette famille se déchirer. Elle voit David et Laura relégués au second plan. Elle voit Laeticia, au centre de tout. Et quelque chose se brise en elle. Elle, qui connaissait Johnny depuis ses 18 ans, sait l’amour qu’il portait à ses enfants. Elle, la femme de principes qui signa le Manifeste des 343 pour le droit à l’avortement, ne peut rester indifférente face à ce qu’elle considère comme une injustice capitale.

Sa réponse sera différente de toutes les autres. Plus subtile. Plus calculée. Et, peut-être, plus dévastatrice.

Nous revoilà en mars 2018. Les photos de Deneuve et Laura Smet ne sont pas juste un cliché volé. C’est une mise en scène. Un message. Le magazine Voici titre : “Laura Smet en pleine tempête, sa protectrice est une star du cinéma français”. Le mot est lâché : “protectrice”. Catherine Deneuve devient l’ange gardien de Laura.

Ce geste est d’une puissance inouïe. Pourquoi ? Parce qu’il vient de Deneuve. Une femme qui pèse chaque apparition, chaque mot. En s’affichant avec Laura, elle ne dit pas seulement “je te soutiens”. Elle dit publiquement “je ne crois pas au testament”. Elle dit “je suis contre Laeticia”. Dans cette guerre, il n’y a pas de neutralité possible. Soutenir Laura, c’est s’opposer à Laeticia. Deneuve le sait, et elle le fait sciemment.

Ce n’est pas un hasard si l’avocat de Laura Smet, Maître Hervé Temime, est aussi l’avocat de Catherine Deneuve. Les liens sont étroits. Deneuve est dans la boucle, elle connaît les détails du dossier. Et sa décision est prise.

En choisissant Laura, Catherine Deneuve choisit la loyauté. La loyauté à l’homme qu’elle a connu adolescent. L’homme qui l’a aimée à en mourir. L’homme qui, peut-être, fut son amour secret. Elle reporte sur Laura l’affection et la protection qu’elle portait au père. Elle voit en Laura la fille de Johnny, celle qui lui ressemble, celle qui est blessée, et elle ne peut l’abandonner.

Si la rumeur “Lady Lucille” est vraie, alors son geste prend une dimension encore plus personnelle. Défendre Laura, c’est défendre l’héritage de ce qu’elle a partagé avec Johnny. C’est refuser que l’homme qu’elle a aimé soit réduit à un testament injuste, manipulé. C’est protéger sa vraie mémoire, pas celle, officielle, que Laeticia tente d’imposer.

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Le plus fascinant reste le silence qui a suivi. Après ces photos, Deneuve n’a plus rien fait. Aucune interview. Aucune déclaration. Elle n’a jamais critiqué Laeticia ouvertement. Elle n’en avait pas besoin. Le geste avait suffi. Ces photos valaient tous les discours. Elles ont fait le tour du monde, ancrant un peu plus dans l’opinion publique l’idée que quelque chose “n’allait pas” dans cette histoire d’héritage.

En juillet 2020, un accord a été trouvé. Laura Smet a reçu une compensation financière et quelques objets personnels, dont deux guitares de son père. Une victoire symbolique, dérisoire face à l’immense patrimoine, mais une victoire tout de même. Laura n’était plus totalement exclue. Elle l’a dû à son combat, mais aussi à ceux qui l’ont soutenue.

Parmi eux, Catherine Deneuve. Discrètement, efficacement, loyalement. À 75 ans, l’icône a brisé son silence sur Laeticia Hallyday. Pas avec des mots. Avec des actes. Et ces actes, venus d’une femme qui n’a jamais rien fait par hasard, ont parlé plus fort que n’importe quel discours. Ils ont révélé son camp : le camp de Laura, le camp de la justice, le camp de Johnny. Un choix qu’elle assume, en silence, mais avec la force d’une lionne.