Dans le panthéon des lettres françaises, il est le maître incontesté du frisson, le prince du noir, l’architecte de nos pires cauchemars. Maxime Chattam, de son vrai nom Maxime Drotu, est un phénomène. Avec plus de 70 livres et des millions d’exemplaires vendus, il a bâti un empire sur notre fascination pour le mal. Ses œuvres, d’une noirceur chirurgicale, dissèquent l’âme humaine avec une précision qui glace le sang. Mais ce que ses millions de lecteurs ignoraient, c’est que l’homme qui joue avec nos peurs est lui-même hanté. Derrière le succès littéraire brillant se cache une vie de “douleurs silencieuses”, un “appel au secours tragique” qui, aujourd’hui, éclate au grand jour, révélant la profonde tristesse d’un homme “à la fois fort et vulnérable”. Une tragédie intime si poignante qu’elle a fait verser des larmes à sa femme, la populaire animatrice Faustine Bollaert.

Car si Chattam excelle à explorer les aspects les plus sombres de la psychologie, c’est peut-être parce qu’il puise dans sa propre faille, une blessure originelle qui ne s’est jamais refermée. La “plus grande tristesse” de Maxime Chattam, celle qui ancre toute son œuvre, “vient peut-être de son enfance”. Né dans la classe moyenne d’Herblay, dans une banlieue parisienne sans histoire, il n’a manqué de rien. Pas de guerre, pas de pauvreté. Ses parents, un père directeur artistique et une mère secrétaire, sont décrits comme “aimants mais occupés”. Et c’est dans cette absence de drame visible que le drame intérieur s’est noué.

Il grandit avec un “sentiment d’exclusion”. Il confie s’être senti “souvent isolé”, comme s’il vivait “dans un monde à part”. L’imagination et les histoires deviennent ses “seuls compagnons”. Cette solitude fondatrice, ce sentiment d’être “perdu”, est la première clé de son univers. C’est une douleur sourde, celle de l’enfant qui, faute de “liens profonds” avec ses parents, est laissé “seul face à de grandes questions sur le sens de la vie”. C’est un enfant qui, déjà, perçoit “la fragilité de l’être humain face au monde”.

Cette mélancolie originelle aurait pu le détruire. Elle va le nourrir. Après avoir rêvé de devenir acteur – une autre façon de s’échapper de soi –, il trouve sa véritable vocation : l’écriture. Il étudie la criminologie, se passionne pour les mécanismes du mal, et en 2002, il publie “L’âme du mal”. Le succès est immédiat. La “Trilogie du Mal” devient un phénomène, et Chattam est propulsé au rang de star. On le compare à Stephen King, à Jean-Christophe Grangé. Il est le nouveau visage du thriller français.

Mais ce succès est un pacte faustien. La gloire a un prix, et il est exorbitant. Le premier défi est celui de la “pression de continuer à innover”. Après un tel coup d’éclat, chaque nouveau livre est attendu avec une attente démesurée. Et chaque échec, même relatif, est un coup de poignard. Il le confesse sans détour : “chaque livre était une part de son âme, et que lorsqu’une œuvre était critiquée, il avait le sentiment d’être rejeté”. Les critiques sur son choix de situer ses romans aux États-Unis, vues comme une “imitation” des auteurs américains, le blessent. Ses tentatives de diversification, comme la bande dessinée, reçoivent des “critiques mitigées”. L’homme au sommet doute. Terriblement.

Pire encore, le succès l’épuise. Physiquement et mentalement. Pour écrire ses histoires, Chattam ne fait pas semblant. Il plonge. Il se documente, explore la psychologie des “méchants”, des tueurs en série qui peuplent ses romans. Et cette immersion n’est pas sans conséquences. Il admet que ce travail le “hantait parfois”, au point de devoir “prendre ses distances avec les histoires qu’il écrivait”. Il sacrifie son équilibre, travaille “tard le soir”, s’infligeant des “périodes d’épuisement”. Il paie de sa personne, de sa santé mentale, pour nous offrir le frisson.

C’est là que se niche le véritable “appel au secours” de Maxime Chattam. Un appel qui dépasse les simples affres de la création. C’est une angoisse existentielle, une “tristesse la plus profonde” qu’il ait jamais avouée : “le sentiment de ne jamais vraiment être à sa place”. L’enfant isolé d’Herblay n’a jamais vraiment disparu. “Malgré une carrière réussie et une famille heureuse, il est souvent hanté par l’idée de vivre dans un monde qui ne le comprend pas pleinement.”

Cette tragédie intime culmine dans sa vie d’homme et de père. Lui qui a tant souffert de l’absence de ses parents est aujourd’hui terrorisé à l’idée de reproduire le même schéma. Père de deux enfants, Aby et Peter, nés de son union avec Faustine Bollaert, il vit une “peur constante”. La peur “de ne pas passer assez de temps avec ses enfants” à cause de son “emploi du temps chargé”. La peur “de répéter les erreurs de ses parents”.

Cette angoisse paternelle est décuplée par sa vision du monde, une vision noircie par ses propres écrits. Il s’inquiète pour ses enfants, qui grandissent dans “un monde d’incertitude”, un monde de “manipulation et de mensonge”. C’est le père inquiet qui parle, mais aussi l’auteur des “Arcanes du chaos”, qui écrivait que “dans un monde dominé par les médias et le mensonge, la confusion pourrait être le seul moyen de survie”. Comment protéger ses propres enfants de l’univers qu’il décrit si bien ?

Voilà le drame de Maxime Chattam. Un homme qui a transformé sa solitude en or, mais qui se retrouve prisonnier de son propre talent. Un homme qui, en explorant le mal, s’est peut-être trop approché de l’abîme. Un homme qui, au sommet de la gloire, se sent plus seul et plus “perdu” que jamais.

Et Faustine ? La vidéo s’achève sur l’évocation de son mariage avec la “célèbre présentatrice”. Mais le titre nous a déjà donné la clé. Si “sa femme a versé des larmes face à la tragédie”, ce ne sont pas des larmes de circonstance. Ce sont les larmes d’une femme qui aime, d’une femme qui voit l’homme derrière l’auteur. Une femme qui partage le quotidien de ses “douleurs silencieuses”, qui recueille ses doutes, qui le voit lutter contre son “manque d’assurance”. Ce sont les larmes de celle qui est le premier témoin de cet “appel au secours tragique”, un appel lancé non pas au monde, mais à ses propres démons, dans le silence assourdissant d’une vie passée à écrire la peur.