Dans la mémoire de millions de cinéphiles, le nom de Michèle Mercier est indissociable de l’image d’Angélique – la belle, séduisante et forte marquise du XVIIe siècle. Avec sa chevelure d’or, ses yeux d’un bleu profond et son sourire captivant, elle a conquis le monde entier et est devenue une icône de sensualité, rivalisant avec Brigitte Bardot. Cependant, derrière le faste des projecteurs et les scènes romantiques, la vie de Michèle Mercier fut une succession de tragédies, de douleurs cachées, de mariages brisés et d’efforts incessants pour échapper à l’ombre écrasante du personnage qui a fait sa renommée. L’histoire de Michèle Mercier est la preuve la plus frappante d’un destin cruel : celui où la gloire devient une malédiction.

De la jeune danseuse à l’étoile de cinéma

Michèle Mercier, de son vrai nom Jocelyne Yvonne Renée Mercier, est née le 1er janvier 1939 à Nice, en France. Sa mère était d’origine italienne. Dès son plus jeune âge, la petite Jocelyne rêvait de devenir danseuse étoile et d’intégrer l’école de danse de l’Opéra de Paris. Ses parents, de simples agriculteurs, considéraient cela comme un caprice d’enfant et espéraient qu’elle suivrait leurs traces dans l’industrie pharmaceutique. Mais grâce à sa détermination féroce, elle a réalisé son rêve et a rejoint les “petits rats” de l’Opéra. Elle est rapidement devenue soliste à l’Opéra de Nice à l’âge de seulement 15 ans.

À 15 ans, une rencontre décisive avec Maurice Chevalier a changé sa vie. La star chevronnée du cinéma français lui a prédit un avenir glorieux. Deux ans plus tard, à 17 ans, elle s’installe à Paris, rejoint la troupe de Roland Petit, puis les Ballets de la Tour Eiffel. Parallèlement à sa carrière de danseuse, Mercier étudie l’art dramatique auprès de Solange Sicard.

Pour ses débuts au cinéma, le nom de Jocelyne Mercier semblait trop long et démodé. On lui suggéra de prendre le prénom de Michèle, celui de sa petite sœur décédée à l’âge de 5 ans de la fièvre typhoïde. D’abord réticente, elle accepta finalement ce nom en hommage à l’actrice Michèle Morgan.

Après quelques comédies romantiques et un petit rôle dans “Tirez sur le pianiste” de François Truffaut, elle part travailler en Angleterre puis en Italie, tournant principalement dans des films à petit budget et jouant souvent des femmes de petite vertu. Mercier avait besoin d’un rôle qui pourrait faire d’elle une véritable star.

Angélique : Bénédiction et malédiction

En 1963, l’occasion en or se présente lorsqu’il est décidé d’adapter au cinéma le célèbre roman “Angélique, marquise des anges”. De nombreuses actrices sont envisagées pour le rôle. Le producteur Francis Cosne voulait Brigitte Bardot, mais elle a refusé. Anette Stroyberg fut pressentie mais jugée pas assez connue. Catherine Deneuve était trop pâle, Jane Fonda parlait français avec un accent américain, et Virna Lisi était occupée à Hollywood. L’actrice la plus sérieusement considérée était Marina Vlady, qui faillit signer le contrat. Mais c’est finalement Michèle Mercier qui a décroché le rôle après de multiples essais. Elle n’a guère apprécié d’être traitée comme une débutante, alors qu’elle était déjà assez connue en Italie, ayant déjà tourné dans plus de 20 films.

Au cours des quatre années suivantes, elle a tourné les cinq volets de la saga “Angélique”, qui ont tous connu un succès retentissant. Le rôle d’Angélique a propulsé Michèle Mercier au sommet de la gloire, rivalisant avec Brigitte Bardot en termes de popularité. Mais ce même rôle est devenu une malédiction. Le personnage d’Angélique a éclipsé tous les autres aspects de sa carrière. À la fin des années 60, les noms d’Angélique et de Michèle Mercier étaient devenus synonymes. Elle ne parviendra jamais à se libérer de l’ombre de ce personnage.

Les tragédies de l’amour et de la vie

Dans l’un de ses livres de mémoires, Michèle Mercier évoque son premier amour, le mystique Gianni Esposito, pour qui elle refusa d’épouser le Shah d’Iran.

En 1959, elle rencontre Andres Smagg, un jeune assistant réalisateur, sur le tournage du film “Les Nuits de Lucrèce Borgia”. Ils se marient en 1961, mais leur union est de courte durée. Smagg sombre dans l’alcoolisme et est interné pour des troubles psychiatriques, rendant tout divorce impossible. Ce n’est qu’après des années de procédure et le versement d’une pension alimentaire considérable à son mari que Michèle Mercier obtient le divorce en 1967.

Cette même année, elle épouse Claude Bourillot, un pilote et pharmacien. Lassée d’être constamment assimilée au personnage d’Angélique, Michèle Mercier part avec son mari à Hollywood dans l’espoir de devenir productrice. Elle y reste de 1973 à 1976, mais ses ambitions échouent. Ils divorcent en 1976, et Michèle Mercier rentre en Europe, seule, ruinée et oubliée.

Elle retourne à Paris où elle renoue avec le théâtre. À Genève, elle rencontre un homme d’affaires, s’installe avec lui et décide d’abandonner sa carrière pour élever ses deux enfants. Après deux années de bonheur parfait, son compagnon meurt d’un cancer. N’étant pas mariés, elle se retrouve une nouvelle fois sans ressources.

Quelque temps après, elle rencontre un prince romain et part vivre avec lui à Rome. Mais trois ans plus tard, elle se rend compte qu’il ne l’aime plus. Déçue, Mercier rentre à Paris. En 1996, lors d’un dîner mondain, elle fait la connaissance de René Le Porc, un homme de 18 ans son cadet. Elle en tombe amoureuse. Cependant, elle ignore que l’homme avec qui elle accepte de fonder une maison d’édition à Cannes pour publier ses mémoires est un escroc connu de la justice. René Le Porc falsifie des chèques et détourne 400 000 euros. Démasqué, il s’enfuit de France pour s’installer au Vietnam.

En 1999, l’actrice confie à Nice-Matin : “Je suis ruinée. Je vais devoir vendre une partie de mes tableaux, de mes meubles, de mes bijoux et les costumes qu’Angélique portait dans les films.”

En 2002, elle présente son deuxième livre de mémoires au Festival de Cannes, intitulé “Je ne suis pas Angélique”. Le livre exprime son irritation d’être réduite à cette image glamour des années 60. Mercier y raconte également comment l’acteur italien Vittorio Gassman a tenté de la violer, mais se souvient aussi de la gentillesse de Marcello Mastroianni et des dîners avec les hommes politiques Bettino Craxi et Silvio Berlusconi. Finalement, elle avoue : “Tous les hommes qui m’ont fait la cour ont essayé de séduire Angélique, pas moi.”