Un frisson. C’est le mot qui résume le mieux le dernier passage de Bernard Mabille sur le plateau de Paris-Première. L’humoriste, connu pour son vitriol politique et son absence totale de filtre, a cette fois-ci déclenché ce qu’il faut bien appeler une “vague de froid polaire”. La raison ? Une série de “vannes interdites” visant le couple présidentiel, avec un uppercut d’une violence satirique rare, directement adressé à Brigitte Macron.

Le thermomètre a chuté brutalement. L’ambiance, d’abord potache, s’est figée. Bernard Mabille, avec son éternel sourire en coin, a pris son élan. Le sujet ? Le retour du couple Macron sur ses terres d’Amiens, et plus précisément, la visite de la Première Dame au lycée de la Providence.

Le décor est planté. Ce n’est pas n’importe quel lycée. C’est LE lycée. Celui de la rencontre. Et Mabille le sait. Il attend le silence et lance l’attaque. “Brigitte Macron est revenue au lycée de la Providence à Amiens,” commence-t-il, faussement anodin. “Dans la salle même où, en mai 1993, elle avait détourné le petit Emmanuel de ses ‘doudous, roudoudous, gomme et crayon’ !”

La première salve fait mouche. L’utilisation du mot “détourné”, chargé de sens, fait grincer des dents. Il ne s’agit plus de la jolie romance officielle, mais d’une satire féroce sur la différence d’âge et les circonstances de leur rencontre. Mabille enfonce le clou, évoquant les élèves présents ce jour-là : “C’est-à-dire que les parents n’avaient pas les jetons !” L’insinuation est brutale, le rire est jaune.

Pour bien contextualiser son tacle, il ajoute l’anecdote de François Ruffin, lui aussi élève dans une classe voisine à l’époque. “Celui qui l’a échappé belle en 1993, c’est François Ruffin,” s’amuse Mabille. “Emmanuel avait 15 ans, Ruffin 17. Trop âgé sans doute pour la dame. Il l’a échappé belle… mais nous aussi !” [00:00:42 – 00:01:07]

Mais le coup de grâce, la vanne qui a véritablement “surgelé” l’atmosphère, est venue juste après. Résumant la visite du couple à Amiens, il lâche, impérial : “Et on a pu voir le picard et la surgelée.”  L’attaque est frontale, personnelle, impitoyable. En un mot, Mabille venait de franchir une ligne que peu osent approcher, transformant la satire politique en une attaque ad hominem d’une froideur sibérienne.

Le malaise était palpable, mais le public, fidèle à l’humoriste, a fini par exploser de rire. Car la force de Bernard Mabille, c’est de ne jamais s’arrêter à une seule cible. Sa mitraillette est chargée, et il a tiré sur tout ce qui bouge.

Après le sommet de l’État, ce fut au tour de Valérie Pécresse d’en prendre pour son grade. Une “vanne très, très noire” sur la présidente de l’Île-de-France, évoquant une promesse de “donner 3 € ce jour-là à qui ouvrira sa portière” , une pique obscure mais acerbe sur sa gestion ou son image jugée déconnectée.

La cour du roi n’a pas été épargnée. Mabille s’est ensuite payé Bernard Montiel, “l’inoubliable animateur de Vidéo Gag”, en révélant, goguenard, qu’il aurait “l’oreille de Macron via le tympan de Brigitte, à laquelle il téléphonerait quotidiennement”. L’humoriste dépeint un pouvoir conseillé par des figures de la télévision, raillant au passage Montiel qui se défend : “Je ne lui téléphone pas quotidiennement… mais une fois par jour !” . L’absurdité de la scène est totale. “Hier c’était Mimie Mathy… aujourd’hui Bernard… on parie que demain ce sera Ribéry ?”

Même les icônes culturelles intouchables y passent. Anne Hidalgo et son projet de musée Johnny Hallyday à Paris ? Mabille applaudit ironiquement. “On pourra y admirer entre autres… la bibliothèque de Johnny. Et oui, un millier de livres jamais ouverts !

Mais là où Bernard Mabille a achevé de conquérir son public, c’est en basculant de la politique pure à la satire sociale, en s’attaquant à un fléau moderne : la dictature des chefs cuisiniers à la télévision. Dans une tirade d’anthologie, il se fait le porte-parole du “mâle français, autrefois dominant, aujourd’hui terrorisé” .

“Depuis ‘Oui Chef’, ‘Top Chef’, ‘Le Meilleur Pâtissier’, ‘Master Chef’… c’est moi le chef… mon épouse ne baisse plus, elle essaie de cuisiner !”  La phrase, d’une crudité hilarante, résume le drame domestique. “Rendez-nous nos gonzesses !” supplie-t-il. Il décrit un enfer quotidien où l’asperge “à la vinaigrette” a remplacé la sensualité, où les choux qui font tourner la tête sont “à la crème Michalac… c’est-à-dire une crème sans œuf, sans farine, sans lait, sans beurre… donc sans crème !”

Cette obsession culinaire a un coût, et Mabille se lance dans une diatribe contre la “boboïsation” de nos assiettes. Il s’attaque d’abord au “bio”. “Le bio, c’est une unité monétaire,” explique-t-il doctement. “Équivalent à 6 € à peu près. Si une botte de radis coûte 1 €, une botte de radis bio, 6 €.”

Puis vient la cuisine elle-même. “La cuisine m’a coûté 40 000 € !” . Il décrit “18 mètres linéaires de plan de travail en chêne de Slovénie brut non traité”  et une liste d’ustensiles obligatoires pour faire “deux œufs sur le plat” : “Fouet émulsion, fouet à boule, chinois, passoire, tamis… autant vous installer chez Darty !”

Le clou du spectacle est sa charge contre la traçabilité de la viande. Citant un célèbre boucher, il explique qu’il faut désormais s’assurer que le bœuf “aura dû gambader dans des pâturages gras et avoir toujours fait de belles bouses.”  La salle est en délire. “Vérifiez les bouses de votre bœuf avant de l’acheter ! Toujours ! Vous n’êtes pas prêt de le servir à table en rosbif…”

De “la surgelée” de l’Élysée aux “bouses de bœuf” du boucher bio, Bernard Mabille a livré une prestation totale. Il a appuyé là où ça fait mal, mélangeant l’intime et le politique, le trivial et le social. Sa “vanne interdite” sur Brigitte Macron n’était que le sommet de l’iceberg. En dessous, c’est toute la société française, ses élites, ses modes et ses absurdités, qui a été passée au lance-flammes. La température est peut-être tombée à zéro sur le plateau, mais dans la salle, l’ambiance était à l’incendie.