“Fais ce que tu veux faire maintenant. Il n’y a qu’un nombre limité de lendemains.” Ces mots, prononcés un jour par Michael Landon, résonnent aujourd’hui avec une ironie tragique. Pour des millions de personnes à travers le monde, il était l’incarnation de la décence et de la chaleur humaine. Que ce soit en tant que l’impétueux Little Joe Cartwright dans Bonanza, le patriarche juste et aimant Charles Ingalls dans La Petite Maison dans la Prairie, ou l’ange bienveillant Jonathan Smith dans Les Routes du Paradis, Landon était le visage rassurant de la télévision. Mais derrière ce sourire éclatant et ces personnages vertueux se cachait une vie marquée par des traumatismes profonds, des scandales publics et, finalement, une double tragédie qui a non seulement emporté l’icône, mais aussi son fils aîné.

L’histoire de Michael Landon n’est pas celle d’Eugene Maurice Orowitz, né le 31 octobre 1936. L’homme que le monde a appris à aimer a été forgé dans la douleur. Son enfance fut un véritable cauchemar. Né d’un père juif et d’une mère catholique, son foyer était une zone de guerre psychologique. Sa mère, actrice ratée, luitait contre des tendances suicidaires, allant jusqu’à tenter de se noyer lors d’un voyage familial à la plage. Ce fut Eugene, enfant, ne sachant pas nager, qui dut se précipiter dans l’océan pour la sauver. Le stress de cette vie familiale instable lui causa un problème d’énurésie nocturne, une faiblesse que sa mère aggravait en l’humiliant publiquement, étendant ses draps souillés à la fenêtre pour que tout le voisinage les voie. Ajouté à cela, il était la cible constante de brimades antisémites à l’école. Seul, il se réfugiait dans un monde imaginaire, se promettant de ne jamais reproduire les erreurs de ses parents.

Malgré tout, il excella en athlétisme, obtenant une bourse pour l’université, qu’il perdit à cause d’une blessure. C’est en aidant un ami pour une audition qu’il trouva sa voie. Il prit un nom dans l’annuaire téléphonique – Michael Landon – et commença sa lente ascension.

Son incroyable percée survint en 1959. À 22 ans, il décrocha le rôle de Little Joe dans Bonanza. La série fut un phénomène, et Landon devint le favori des fans, recevant plus de courrier que n’importe quel autre acteur. Cette popularité lui donna un pouvoir qu’il utilisa pour devenir scénariste et réalisateur sur la série, affinant un contrôle créatif qui deviendra sa marque de fabrique.

Après 14 saisons, Landon n’a pas perdu de temps. En 1974, il lança La Petite Maison dans la Prairie. Il n’était plus seulement l’acteur principal ; il était le producteur exécutif, le scénariste et le réalisateur principal. Il devint Charles “Pa” Ingalls, le père parfait pour toute une génération. Melissa Gilbert, qui jouait sa fille Laura, se souvient de l’éthique qu’il lui a inculquée : “Rien n’est plus important que la maison et la famille.”

Ironiquement, alors qu’il construisait l’image de la famille américaine idéale à l’écran, sa propre vie privée était en train de s’effondrer. La quête de perfection de Landon se traduisait en coulisses par un caractère parfois perçu comme arrogant et têtu. Il était son propre critique le plus sévère et exigeait l’excellence de tous. Cette même intensité se retrouvait dans sa vie personnelle.

La vie de Landon a été marquée par trois mariages et neuf enfants. Son premier mariage avec Dody Levy Fraser, avec qui il adopta deux fils, Mark et Josh, se termina en 1962. L’année suivante, il épousa Marjorie Lynn Noe. Ce fut son plus long mariage, près de deux décennies, coïncidant avec le sommet de sa gloire. Ils adoptèrent la fille de Marjorie, Cheryl, et eurent quatre enfants biologiques : Leslie, Michael Jr., Shawna et Christopher. C’était la famille qu’il présentait au monde, celle qui semblait refléter les valeurs de Charles Ingalls.

Mais la façade s’est fissurée de manière spectaculaire. En 1982, le divorce fut prononcé. La raison ? Landon avait une liaison avec Cindy Clerico, une maquilleuse de 20 ans sa cadette sur le plateau de La Petite Maison. Le scandale fut immense. L’homme qui incarnait la morale familiale venait de trahir son mariage de longue date. La nouvelle fut un choc pour ses fans et dévasta ses collègues, notamment Melissa Gilbert, qui a coupé les ponts avec lui pendant des années. Landon, lui, se justifia : “Vous ne dissolvez pas une relation pour aller au lit avec quelqu’un de 20 ans plus jeune. Il doit y avoir des différences majeures… J’aurais tout fait pour que cette relation continue, mais je ne pouvais pas.”

Il épousa Cindy en 1983, un an après son divorce, et eut deux autres enfants avec elle, Jennifer et Sean. Ce mariage, bien que né du scandale, fut le dernier et dura jusqu’à sa mort.

Sa dernière grande série, Les Routes du Paradis (1984-1989), fut inspirée par une tragédie personnelle. Sa fille Cheryl fut victime d’un terrible accident de voiture qui tua tous les autres passagers. Landon avait promis à Dieu que s’il la sauvait, il créerait une émission pour aider les gens. Les Routes du Paradis était née.

Mais le 2 avril 1991, alors en vacances, Michael Landon commença à ressentir des douleurs abdominales sévères. Quelques jours plus tard, le diagnostic tomba, impitoyable : cancer du pancréas inopérable, déjà propagé au foie. L’homme qui avait passé sa vie à prêcher l’espoir était condamné. Il attribua lui-même sa maladie à ses mauvaises habitudes : un gros fumeur et buveur.

Fidèle à lui-même, il affronta la maladie publiquement. Le 9 mai 1991, il fit une apparition légendaire et courageuse au Tonight Show de Johnny Carson, plaisantant sur son diagnostic tout en critiquant les tabloïds pour leurs histoires sensationnalistes. Il demanda aux fans de prier pour lui. Il lutta avec acharnement, essayant des régimes végétariens, de l’acupuncture et des enzymes, en plus de la chimiothérapie. Sa fille Leslie a admis plus tard que l’entêtement de son père, si utile dans sa carrière, l’avait desservi pour sa santé, qu’il avait toujours négligée.

Dans ses derniers jours, il réunit ses neuf enfants à son domicile de Malibu. Il demanda un moment seul avec Cindy. L’un de ses derniers mots furent : “Vous avez raison. Il est temps. Je vous aime tous.” Michael Landon est décédé le 1er juillet 1991, à l’âge de 54 ans, sa femme à ses côtés.

L’héritage de Landon a perduré. Ses enfants Michael Jr., Christopher et Jennifer ont tous suivi ses traces à Hollywood. Un bâtiment communautaire à Malibu a été nommé en son honneur. Mais l’histoire de la famille Landon n’avait pas fini de s’écrire dans la tragédie.

Le 11 mai 2009, près de 18 ans après la mort de son père, Mark Fraser Landon, le fils aîné que Michael avait adopté avec sa première femme, fut retrouvé mort dans sa maison de West Hollywood. Il avait 63 ans. L’enquête n’a révélé aucun signe de “jeu criminel”. Mark, qui avait lui-même été acteur, apparaissant notamment dans un téléfilm écrit et réalisé par son père peu avant sa mort, fut inhumé dans la même crypte que lui au Hillside Memorial Park.

Michael Landon avait un jour déclaré à propos de ses fils adoptifs : “Ce sont mes fils, tout simplement. Pas mes fils adoptifs… et je suis leur père jusqu’à ce qu’ils meurent ou que je meure.” Tragiquement, la mort les a réunis dans le même lieu de repos.

La vie de Michael Landon est un paradoxe poignant. Un homme qui a créé les images les plus saines de la famille à la télévision tout en étant hanté par une enfance traumatisante et en causant lui-même de profondes blessures familiales. Il a saisi la vie avec joie, comme l’indique son épitaphe, mais il a aussi lutté contre des démons intérieurs. Sa mort prématurée a été un choc, mais la perte ultérieure de son fils ajoute une couche de tristesse profonde à l’héritage complexe de l’homme que le monde connaissait sous le nom de “Pa”.