L’air de l’hémicycle est électrique, presque irrespirable. Nous ne sommes plus simplement à l’Assemblée Nationale, mais, comme le dit le narrateur d’un jour, dans un “tribunal politique”. L’acoustique feutrée de la République se transforme en arène. À la barre, “Maître Tanguy”, en la personne du bouillonnant député du Rassemblement National, Jean-Philippe Tanguy. Il ne défend pas un projet de loi. Il défend “sa cliente”, son camp, sa cheffe : Marine Le Pen. Son accusation n’est pas ciblée, elle est totale : “le système tout entier”.
Ce jour-là, l’hémicycle a retenu son souffle. Ce qui s’est joué n’était pas un simple échange de questions-réponses au gouvernement. C’était une bataille de rhétorique, un choc frontal entre deux visions de la France, et surtout, un duel de style qui s’est soldé par un K.O. politique fulgurant. D’un côté, la passion brute, le cri de la colère. De l’autre, le calme chirurgical, le piège de la précision.

La tempête a un nom : Jean-Philippe Tanguy. Le député monte à la tribune, non pas comme un législateur, mais comme un procureur qui retourne l’accusation contre la Cour elle-même. Invoquant le Général de Gaulle – “la seule et unique Cour suprême, c’est le peuple” – il pose le décor. Le peuple contre “l’oligarchie”. Les urnes contre “le système”.
Le cœur de son réquisitoire est incandescent. Il accuse sans détour un “carton de procureurs et de juges” de sortir du droit pour exercer la “vendetta du système” contre le RN. Le mot est lâché. “Vendetta”. Il ne s’agit plus de justice, mais de vengeance politique. La voix porte, le ton est grave, chaque mot est pesé pour frapper fort. Il dénonce une “juste tyrannie” qui “exécute l’état de droit en place publique”.
M. Tanguy égrène ses accusations comme les chefs d’inculpation d’un procès qu’il instruit lui-même. Il accuse ces magistrats de refuser à Marine Le Pen “le droit effectif à l’appel”, de bafouer sa “présomption d’innocence”. Plus grave, il les accuse de vouloir l’empêcher d’être candidate en “appliquant l’esprit d’une loi postérieure au fait reprocher”. La référence est claire : il s’agit des affaires qui pèsent sur le parti, notamment celle des assistants parlementaires européens, et de la menace d’une peine d’inéligibilité qui plane sur la candidate naturelle du RN à la prochaine élection présidentielle.
La fureur du député atteint son paroxysme lorsqu’il accuse les magistrats d’avoir “laissé envoyer hier à toute la presse parisienne” le jugement que les avocats du RN “n’ont eu que ce matin”. C’est l’accusation de la collusion, du procès joué d’avance. Et puis, la charge ultime, la plus explosive : il prétend que ces magistrats “avouent” dans leur jugement que “la candidature, l’élection de Marine Le Pen serait un trouble à l’ordre public”. C’est la preuve, selon lui, que la justice est devenue une arme politique pour “faire barrage” à son mouvement, accomplissant la “promesse” du Syndicat de la Magistrature.
Il termine son intervention par un cri de guerre, un défi lancé au gouvernement : “Le groupe Rassemblement national ne vous laissera pas voler l’élection présidentielle !” La salle est sonnée. L’attaque a été brutale, totale, ne laissant aucune place à la nuance. Tanguy a jeté toute sa force dans la bataille, utilisant une rhétorique de la terre brûlée conçue pour galvaniser sa base et crier à l’injustice.

Et puis, le silence. La tempête se calme. Le ministre Gérald Darmanin se lève. Le contraste est cinématographique. Le narrateur de la scène le décrit comme un “joueur d’échec”. Pas de cri. Pas de colère visible. Pas de papier qui tremble. Il observe, analyse, et attend le moment précis pour frapper. Il prend le micro.
“Merci madame la Présidente…” Sa voix est posée. Il commence par un simple rappel factuel, presque administratif. “Hier, en effet, une décision de justice importante a été rendue.” Il mentionne Marine Le Pen. Il note calmement qu’il y a “dix jours […] pour que l’ensemble des personnes qui le voudraient puisse interjetter appel.”
En une phrase, il vient de dégonfler la première baudruche. L’accusation de Tanguy d’un “refus du droit à l’appel” est balayée par le simple rappel du Code de procédure pénale. La “vendetta” est ramenée à une simple “décision de justice”.
Puis, il passe au premier contre. À l’accusation de “voler des sièges”, Darmanin répond par une évidence, mais une évidence nécessaire. “Nous n’avons volé aucun des sièges de députés ici”, dit-il calmement, rappelant que le “suffrage universel direct” et les “deux tours d’élection” ont élu tout le monde dans cet hémicycle sur un pied d’égalité. C’est une défense classique de la légitimité républicaine face à la critique populiste. C’est propre, factuel, et ça calme le jeu.
Mais le coup de grâce, le “K.O. technique”, était encore à venir. Le piège que personne au RN n’avait vu venir. Darmanin, après avoir rétabli les faits sur l’élection, marque une courte pause. Il regarde son adversaire. Et il lance la phrase fatale.
“La deuxième des choses, monsieur le député Tangi, c’est que vous avez sans doute oublié d’apporter votre soutien au magistrat…”
Le silence, cette fois, est assourdissant. La phrase reste en suspension. En une seule proposition, Gérald Darmanin a retourné l’échiquier. Il n’a pas cherché à défendre les magistrats – il n’en a pas besoin. Il a simplement souligné que son adversaire, lui, venait de passer cinq minutes à les attaquer avec une violence inouïe.
Le piège est parfait. Tanguy s’était posé en défenseur du peuple contre une “tyrannie” judiciaire. Darmanin, d’un coup de scalpel rhétorique, le reposte comme un agresseur des institutions. L’accusateur devient l’accusé. En ne soutenant pas les juges, le RN se place de lui-même en dehors de l’arc républicain, en attaquant un pilier de l’État de droit. Darmanin n’a pas eu à prouver que Tanguy avait tort ; il a simplement mis en lumière ce que Tanguy venait de faire.
Le match, comme le dit le narrateur, est terminé. Le duel était fascinant. D’un côté, l’émotion brute, une stratégie de la colère visant à délégitimer l’adversaire et la justice elle-même. De l’autre, la précision chirurgicale, une stratégie de contournement qui évite le combat de boue et piège l’adversaire dans ses propres contradictions.
Qui a gagné ? Comme le demande la vidéo, est-ce “l’émotion ou la précision” ? La réponse dépend de l’arène. Pour les partisans du Rassemblement National, le cri de colère de Tanguy a validé leur sentiment d’être assiégés, et sa performance était celle d’un lion. Mais dans l’arène de l’Assemblée, dans le jeu subtil du pouvoir et de la légitimité, c’est la précision de Darmanin qui a marqué les points. Il a exposé la stratégie du RN – attaquer la justice pour se victimiser – sans même avoir à la nommer. Il a laissé Tanguy s’enfermer lui-même dans le rôle de l’ennemi des institutions. Un K.O. en deux minutes, non pas par la force, mais par l’esquive.
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