“Je l’ai, je l’ai aimé jusqu’au bout… Oui. Ah oui.” Ces mots, simples, murmurés avec une émotion palpable, ne viennent pas de n’importe qui. Ils sont de Nathalie Baye. À 77 ans, l’actrice, incarnation de la discrétion et de l’élégance française, a décidé de lever le voile. Elle a décidé de parler de “lui”. De Johnny. De cet homme qui a bouleversé son existence, lui a donné sa fille Laura, et dont l’absence continue de résonner, des années après sa disparition.

Pendant des décennies, Nathalie Baye a gardé pour elle les souvenirs, les joies et les peines de cette histoire hors norme. Alors que les autres femmes de la vie du rocker s’épanchaient, elle restait en retrait, digne, presque silencieuse. Aujourd’hui, ses révélations dessinent un portrait inattendu et profondément humain de l’idole. Oubliez les paillettes, les concerts au Stade de France et les couvertures de magazines. Ce qu’elle raconte, c’est une histoire d’amour authentique, de regrets poignants et de vérités qui, jusqu’à présent, n’avaient jamais vraiment été dites.

Tout commence de manière improbable, presque comique, en 1982. Nathalie Baye, déjà immense actrice reconnue dans le cinéma d’auteur, accepte de participer à un sketch avec Johnny Hallyday pour une émission de télévision. Le rendez-vous est pris. Professionnelle, elle arrive à l’heure. Mais Johnny, lui, n’est pas là. Une heure passe, puis deux. L’actrice commence à bouillir intérieurement. Ce manque de respect la met hors d’elle. Finalement, ce n’est pas l’idole qui se présente, mais un assistant, envoyé pour répéter à sa place. L’audace du geste la laisse “sans voix”, “furieuse”.

Pourtant, quand Johnny finit par arriver, tout bascule. L’agacement s’efface. Il y a “quelque chose dans son regard, dans sa présence” qui la désarme. Derrière le rocker que la France idolâtre, elle perçoit autre chose. Une sensibilité, une fêlure qu’elle n’attendait pas. Le lendemain, une limousine est garée devant chez elle. Johnny veut se faire pardonner, mais surtout, il veut la revoir. C’est le début d’une passion qui va transformer leurs deux vies.

Entre 1982 et 1986, Nathalie Baye va découvrir ce que personne ne voit : l’homme derrière la légende. Loin des projecteurs, le Johnny intime n’a rien à voir avec le “bad boy” qu’il cultive sur scène. Il se révèle être un homme “profondément sensible, presque vulnérable”. Dans leur appartement, c’est un homme simple. Il adore “rester à la maison, regarder des films à la télévision, partager des moments tranquilles”.

Nathalie Baye décrit un être “intelligent, curieux”, capable de tenir des discussions profondes, bien loin de l’univers de la musique. Elle découvre un homme pétri de doutes, en quête perpétuelle d’approbation, qui a un besoin constant d’être rassuré. C’est cette dualité qui la fascine et dont elle tombe amoureuse. D’un côté, la “bête de spectacle” qui électrise les foules ; de l’autre, dans le calme de leur foyer, un homme qui préfère la douceur. Elle comprend que derrière l’icône se cache un être fragile, marqué par une enfance difficile et une soif inextinguible d’amour.

Le 15 novembre 1983, leur fille Laura vient au monde. Pour Johnny, c’est un “bouleversement total”. L’homme de 40 ans change. Il est plus mature, plus présent. Il veut être un meilleur père. Son ami Jean-Jacques Goldman lui écrira la magnifique chanson “Laura”, comme une promesse d’amour éternel. À ce moment-là, Johnny a tout. Il est au sommet, il vit avec une femme qu’il aime et il tient sa fille dans ses bras. Nathalie se souvient de ces moments comme des “plus beaux de leur relation”. Johnny est “transformé par la paternité”, passant des heures à observer Laura dormir.

Mais le bonheur est fragile. Des fissures apparaissent. La machine Hallyday est impossible à arrêter. Les tournées s’enchaînent. Les tournages de Nathalie également. Leurs vies professionnelles les éloignent, géographiquement et émotionnellement. Ils s’aiment, mais ils ne vivent plus au même rythme. En 1986, après quatre années intenses, la séparation survient.

Contrairement à ce que la presse people attendait, il n’y a pas de clash, pas de vaisselle cassée, “pas de guerre médiatique”. Nathalie et Johnny se séparent avec une tristesse résignée. Ils savent que leur amour est intact, mais que leurs modes de vie sont devenus “incompatibles”. Johnny a besoin de la route, de l’adrénaline de la scène. Nathalie a besoin de stabilité pour élever Laura. La phrase que Johnny aurait confiée à des proches résume tout le drame : “J’aime toujours Nathalie, mais je ne peux pas vivre avec une femme”. Il n’était pas fait pour la routine domestique, pour les compromis du quotidien. Son univers, c’était l’excès, la musique, la liberté absolue. Nathalie l’a compris et accepté, même si cela lui “brisait le cœur”.

Ce qui bouleverse aujourd’hui, c’est que la fin de leur histoire n’a pas été la fin de leur amour. “Je l’ai aimé jusqu’au bout.” Cette phrase, Nathalie Baye la prouve par les faits. Après leur rupture, Johnny fait une chose étonnante : il loue un appartement à seulement 200 mètres de chez elles. Il veut être là pour Laura. Pendant des années, ils vont maintenir une relation d’une affection et d’un respect profonds. Ils dînent “régulièrement ensemble”, discutent de leur fille, partagent leurs souvenirs.

Le destin frappe lors d’un de ces moments de complicité. Nathalie révèle qu’ils ont dîné ensemble quatre jours seulement avant que Johnny n’annonce publiquement son cancer. Ce soir-là, elle sent que quelque chose est différent. Il est “plus grave, plus présent”. Il lui parle de sa vie, de ses regrets, de ce qu’il aurait aimé faire différemment. Quelques jours plus tard, la nouvelle tombe. Pour Nathalie, c’est le début d’un “compte à rebours insupportable”. Elle sait qu’elle va perdre l’homme qu’elle n’a, au fond, jamais cessé d’aimer.

Après la mort de Johnny, le cirque médiatique se déchaîne. Les projecteurs se braquent sur Læticia Hallyday, la veuve, et sur la guerre de l’héritage. Nathalie, elle, reste fidèle à elle-même : en retrait, digne. Elle refuse de participer. Sur sa relation avec Læticia, elle est nuancée, loin de l’animosité de Sylvie Vartan. “C’est un peu plus loin, mais il n’y a pas de malaise”, explique-t-elle. Leurs relations ne sont pas chaleureuses, mais respectueuses. Nathalie n’a “aucune raison de haïr Læticia”, reconnaissant qu’elle a été aux côtés de Johnny pendant 22 ans et qu’elle l’a aimé à sa manière.

La bataille de l’héritage fut pourtant un choc brutal. Le testament révèle que David et Laura, les aînés, sont déshérités au profit de Læticia et de leurs filles, Jade et Joy. Nathalie, qui a toujours fui les médias, est assaillie. Elle refuse de parler. Pendant des mois, elle se tait, ne voulant pas “transformer le deuil en spectacle”.

Elle ne sort de son silence que lorsque les attaques contre sa fille deviennent trop virulentes. En novembre, elle publie un communiqué dans Le Figaro pour défendre Laura. Son message est clair : Laura ne cherche pas l’argent, elle cherche la “reconnaissance”. Elle veut que son père, même par-delà la mort, lui signifie qu’elle compte. Après trois années déchirantes, un accord est trouvé en 2020. David et Laura reçoivent chacun 1,5 million d’euros et des droits d’auteur. Ce n’est pas la fortune colossale, mais c’est un geste symbolique. Pour Nathalie, cet accord représente “la paix réclamée par le deuil”.

Au-delà de l’argent, ce qui compte le plus pour Nathalie, c’est le véritable héritage de Johnny : le lien indéfectible entre ses enfants. Elle parle avec une fierté émue de la relation entre Laura et David. “David est le meilleur des frères pour Laura”, confie-t-elle. Malgré la distance, leur complicité est totale. Pour elle, cette union fraternelle est la vraie victoire. “Peu importe l’argent, peu importe les conflits, ce qui compte, c’est que ses enfants se soutiennent”.

Les révélations de Nathalie Baye en 2025 ne sont pas un règlement de compte. Elles sont un acte d’apaisement. Elle a choisi la dignité plutôt que l’exposition, le silence plutôt que le scandale. Elle nous rappelle qu’avant l’icône, il y avait un homme “imparfait, mais profondément humain”, capable d’un amour immense mais incapable de s’y ranger. En parlant aujourd’hui, Nathalie Baye offre au public une dernière image de Johnny, non pas celle du rocker immortel, mais celle d’un homme qu’elle a, tout simplement, aimé jusqu’au bout.