Quand une artiste dont la voix a servi de baume à des millions de cœurs décrit son propre mariage comme un “cauchemar à l’état éveillé”, le silence se brise avec la force d’un fracas. Isabelle Boulay, l’icône québécoise à la sensibilité à fleur de peau, a choisi, à 53 ans, de raconter la vérité sur ses neuf années de vie commune avec Éric Dupond-Moretti, l’actuel Garde des Sceaux français. Loin de l’image discrète mais solide que le couple renvoyait, la chanteuse a dévoilé une “fracture intime profonde”, une histoire d’amour transformée en “prison” par l’ombre écrasante du pouvoir.

Ce témoignage rare, venant d’une femme qui a toujours protégé farouchement sa vie privée, secoue le monde artistique autant que la sphère politique. Elle ne parle pas d’un simple chagrin d’amour, mais d’un “mur invisible”, d’une “liberté qui s’effrite”, et d’une lente disparition d’elle-même face à la pression, au “contrôle” et à la “peur du scandale”.

Leur histoire avait tout d’un roman moderne. Elle, la diva de Sainte-Félicité au Québec, dont la voix sur “Parle-moi” ou “Mieux qu’ici-bas” a défini une génération. Lui, “l’ogre du barreau”, le célèbre avocat pénaliste charismatique et redouté. Leur rencontre en 2016, lors d’un dîner caritatif, était celle de deux mondes que tout opposait. La chanteuse à la mélancolie poétique et l’avocat des causes impossibles. Une fascination mutuelle qui s’est transformée en une idylle transatlantique.

Mais le conte de fées a basculé en juillet 2020, lorsque Éric Dupond-Moretti est nommé ministre de la Justice. Pour Isabelle Boulay, c’est le début d’une nouvelle vie, une vie qu’elle n’a pas choisie. La pression publique s’intensifie, la surveillance médiatique devient constante, et la tension politique s’infiltre dans chaque recoin de leur intimité.

Dans des confidences distillées au compte-gouttes, elle décrit un “effacement progressif”. “À partir de ce moment-là, chaque parole devait être pesée, chaque geste surveillé”, a-t-elle confié en 2024. “Je n’étais plus libre de chanter, ni même de respirer.” La femme de “vibration”, comme elle se définit, se retrouve piégée dans un monde de “calcul”, d’agendas serrés et de “pression constante”.

La fracture, selon ses proches, devient irréversible lorsque cette pression touche à son art, son espace sacré. Elle raconte une anecdote glaçante : après un concert où elle avait interprété une chanson aux paroles jugées “trop sensibles politiquement”, elle aurait reçu un appel “agacé, voire glacial” de son compagnon. Il lui aurait reproché le risque “d’amalgame médiatique” et exigé “plus de retenue”. Pour Isabelle Boulay, cette tentative de contrôle sur sa voix, son essence même, marque un point de non-retour.

La rupture n’a pas été explosive, mais s’est cristallisée dans les silences. “Je me suis étiolée, comme une fleur privée de lumière”, confie-t-elle. Elle tente de sauver leur relation, parle de thérapie de couple, mais se heurte à ce qu’elle décrit comme une “indifférence polie, presque juridique”.

Le déclic final survient en mai 2023. Une banale dispute sur l’organisation d’un week-end. Isabelle Boulay, à bout de souffle, quitte précipitamment leur appartement parisien. Elle ne reviendra jamais. Quelques jours plus tard, elle prend un vol pour Montréal. Sans un mot à la presse. Elle appelle son équipe et dit simplement : “Je rentre chez moi.”

Ce départ n’est pas une fuite, c’est une libération. Elle insiste pour dire qu’Éric Dupond-Moretti n’était “pas un homme violent”, mais un “homme de pouvoir”. Et elle, une “femme de vibration”. “Nos mondes se sont heurtés”, résume-t-elle. Elle parle d’un amour sincère devenu “toxique” par l’environnement et une “forme de domination douce mais constante”.

Cette séparation soulève une question universelle : comment préserver son identité face à un conjoint qui incarne le pouvoir ? Le témoignage d’Isabelle Boulay résonne avec celui de nombreuses femmes vivant dans l’ombre d’une figure publique, où l’intimité devient un enjeu politique et où la censure intérieure devient un mécanisme de survie.

Sur le plan financier, la rupture est tout aussi révélatrice de sa quête d’indépendance. Le couple n’étant ni marié civilement ni pacsé, Isabelle Boulay a pu éviter toute bataille juridique. Elle a quitté leur domicile “sans exiger aucune compensation”, emportant seulement ses effets personnels et ses instruments. Son patrimoine, estimé entre 6 et 8 millions d’euros, elle ne le doit qu’à sa carrière : ses albums cultes comme “Mieux qu’ici-bas” (plus de 1,5 million d’euros de revenus), ses tournées à guichets fermés et ses droits d’auteur gérés par sa propre société de production. “Mon patrimoine le plus précieux, c’est ma voix”, a-t-elle affirmé. “Elle m’a tout donné, et elle m’a sauvé.”

Elle a d’ailleurs revendu discrètement son pied-à-terre parisien après la rupture, un acte symbolique pour tourner définitivement la page de Paris et de cette vie de contraintes. L’héritage de la chanteuse ira à son unique fils, Marcus, né d’une précédente union, loin des conflits successoraux qui secouent d’autres dynasties artistiques.

Aujourd’hui, Isabelle Boulay se reconstruit au Québec, sur les rives du fleuve Saint-Laurent, la terre où elle peut “chanter, respirer, écrire” sans être réduite à “la compagne de…”. Elle ne cherche ni la vengeance ni la polémique. En choisissant de parler, elle n’a pas seulement raconté la fin d’un amour ; elle a repris le contrôle de sa propre narration. À 53 ans, l’artiste qui chantait “Je t’oublierai, je t’oublierai” a choisi de ne pas oublier qui elle était. Elle a montré qu’on peut sortir d’un “cauchemar éveillé” et recommencer, enfin, à respirer.