Il est le “chanteur de l’amour”, l’homme à la voix de velours qui, depuis des décennies, fait chavirer les cœurs avec des refrains comme “Je t’aime à l’italienne” ou “Mon cœur te dit je t’aime”. Pour des millions de fans, Frédéric François est l’incarnation du romantisme. Pourtant, derrière cette image publique de séducteur à l’accent ensoleillé, se cache un homme façonné par des drames silencieux, des deuils insurmontables et une fidélité à toute épreuve.

Alors que des murmures et des titres sensationnalistes évoquent une rupture fracassante, la vérité est à la fois plus simple et infiniment plus poignante. Non, Frédéric François n’a pas divorcé. L’amour de sa vie, Monique Vercoterne, est son pilier depuis 1968. La “rupture” dont il parle enfin, le silence qu’il brise, ne concerne pas son mariage, mais les blessures profondes qui ont défini l’homme derrière l’artiste.

La plus grande de ces tristesses, celle qui teinte encore sa voix d’une mélancolie palpable, remonte à 1987. Ce fut l’année où il perdit sa mère, Antonina Salémi.

Né Francesco Barcato dans la pauvreté de la Sicile en 1950, Frédéric a grandi en Belgique, à Liège, où sa famille avait émigré. Son père, Giuseppe, travaillait sa vie au fond de la mine de charbon. Mais c’est Antonina, sa mère, qui était le cœur battant du foyer. C’est elle qui, d’une voix chaude, lui chantait les airs folkloriques italiens pour l’endormir. C’est elle qui a semé en lui la graine de la musique, cette passion qui allait devenir son destin.

Quand Antonina est décédée des suites d’un cancer, une partie de l’âme de Frédéric s’est éteinte. Il a raconté, bien plus tard, la douleur indescriptible de ces derniers jours. Il tenait la main de sa mère à l’hôpital, s’efforçant de sourire pour la rassurer, avant de s’effondrer en larmes, seul, une fois rentré chez lui. Cette tristesse n’était pas seulement celle d’un fils perdant sa mère ; c’était aussi le regret lancinant de ne pas avoir pu lui offrir, de son vivant, la vie prospère dont il rêvait pour elle. Ce deuil est devenu une cicatrice invisible, une note bleue dans ses chansons d’amour les plus solaires.

Ce drame familial a été le premier d’une série. Huit ans plus tard, en 1995, ce fut au tour de son père, Giuseppe, de s’éteindre. Cet homme courageux, ce mineur qui avait tant sacrifié, a succombé à une maladie pulmonaire, conséquence directe de ces années de labeur dans la poussière et l’obscurité. De nouveau, Frédéric s’est senti impuissant. Il s’asseyait au chevet de son père, lui chantant les mêmes chansons italiennes que sa mère aimait. Après sa mort, il retournait dans la vieille maison de Liège, fixant la rue où il attendait jadis le retour de son père. Le même sentiment de regret le rongeait : malgré son succès, avait-il vraiment pu leur rendre tout ce qu’ils lui avaient donné ?

Ces tragédies personnelles ont été doublées de batailles professionnelles féroces. La carrière de Frédéric François n’a pas été le long fleuve tranquille que l’on imagine. Après des succès fulgurants dans les années 70, les années 80 ont apporté le doute. En 1980, il tente de s’adapter à l’air du temps avec l’album “Les années disco”. C’est un échec commercial cuisant. Son public, habitué aux balades romantiques, ne le suit pas.

Le choc est brutal. Frédéric François, l’idole, doute de lui-même. Il a confié avoir passé des nuits entières, seul dans son studio après une représentation, à pleurer, terrifié à l’idée d’avoir perdu ce lien unique avec ses fans. La pression de maintenir sa réputation, de subvenir aux besoins de sa famille – il était déjà père de quatre enfants, Victoria, Gloria, Vincent et Anthony – devenait un fardeau immense.

Et puis, le coup de grâce physique. En 2015, alors qu’il est au sommet de sa gloire retrouvée, les médecins lui diagnostiquent une maladie cardiaque. L’opération est complexe, la convalescence longue. Il doit annuler des spectacles, dont un grand concert à Bruxelles. Alité, Frédéric fait face à la peur de ne jamais remonter sur scène. La peur de l’oubli, la peur de ne pas tenir ses promesses. Dans ces moments de désespoir, le souvenir de sa mère et de ses sacrifices ravivait sa douleur.

Alors, où était “l’amour de sa vie” pendant toutes ces tempêtes ? Était-elle partie, comme le suggèrent les titres trompeurs ?

La réponse est tout le contraire. Elle était là. Elle a toujours été là.

L’amour de la vie de Frédéric François, ce n’est pas une conquête passagère, c’est un roc nommé Monique Vercoterne. Il la rencontre en 1968. Il est un jeune chanteur plein de rêves ; elle est une femme douce et forte. Ils se marient en 1970. C’est Monique qui l’a soutenu lorsque l’album disco a échoué. C’est elle qui l’a aidé à élever leurs quatre enfants lorsque la pression financière s’accumulait dans les années 80, au point que Frédéric, rongé par la culpabilité, se sentait indigne d’elle. C’est encore Monique qui est restée à son chevet en 2015, l’encourageant, le soignant, lui donnant la force de se battre contre la maladie et de remonter sur scène en 2016, plus fort que jamais.

Leur histoire n’est pas un conte de fées sans nuages. Eux aussi ont connu la peur, les disputes nées des difficultés financières, et plus récemment, le combat contre la maladie de Monique, atteinte d’arthrite. Mais c’est précisément ce qui rend leur lien si puissant.

Loin d’un divorce, Frédéric François a brisé le silence pour confesser son amour indéfectible pour sa femme et sa douleur impérissable pour ses parents. L’homme derrière le “chanteur de l’amour” est un fils loyal, un père parfois coupable de ses absences, et un mari profondément aimant. Sa plus grande tristesse n’est pas une rupture amoureuse, mais le vide laissé par ceux qui lui ont donné la vie. Et sa plus grande force n’est pas son succès, mais la main de Monique, qu’il tient fermement depuis plus de cinquante ans.