Le 11 juin dernier, une voix s’est éteinte. Pas n’importe laquelle. Celle de Françoise Hardy, 80 ans, icône de la mélancolie chic, qui a quitté la scène sur la pointe des pieds, laissant la France orpheline de ses “Tous les garçons et les filles”. Alors que ses obsèques, prévues ce jeudi 20 juin au cimetière du Père Lachaise, s’annoncent comme un adieu sobre et laïc, à l’image de sa vie, une autre facette de la femme se révèle. Derrière l’artiste éthérée se cachait une mère pragmatique, une stratège qui, se sachant “condamnée”, a préparé son dernier acte avec une précision chirurgicale.

Car la nouvelle, révélée par le chroniqueur musical Fabien Lecoeuvre sur le plateau de TPMP, a l’effet d’une bombe : Thomas Dutronc, son fils unique de 51 ans, ne paiera aucun droit de succession. Une nouvelle qui peut choquer, au regard d’un patrimoine immobilier estimé à près de 6 millions d’euros. Comment est-ce possible ? La réponse tient en un montage financier subtil, un ultime cadeau d’une mère soucieuse de protéger son fils.

L’annonce des funérailles avait déjà donné le ton. Pas de cérémonie religieuse, un simple rassemblement au Père Lachaise, ce lieu mythique où reposent tant d’artistes, avant une dispersion des cendres en Corse. Cette île, son refuge, là où elle possédait une maison, sera son dernier jardin. Une fin poétique, choisie, contrôlée. Et ce contrôle, Françoise Hardy l’a exercé jusqu’au bout, jusque dans les arcanes froids du droit fiscal français.

La rumeur qui enfle, portée par ce titre provocateur “Thomas Dutronc n’est pas l’héritier”, est un raccourci sensationnaliste. Bien sûr qu’il est l’héritier. Il est l’unique bénéficiaire. Mais il l’est d’une manière qui contourne l’impôt, et c’est là tout le génie de sa mère.

“Elle voulait éviter à son fils de payer des droits de succession exorbitants”, a expliqué Fabien Lecoeuvre. Ces mots résonnent avec une force particulière. La France, championne de la taxation sur l’héritage, impose lourdement les transmissions en ligne directe. Sur un patrimoine de 6 millions d’euros, les droits auraient pu s’élever à plusieurs millions, une somme colossale, même pour le fils de deux stars. Thomas Dutronc aurait-il été contraint de vendre les biens de sa mère pour simplement “hériter” ? C’est ce scénario catastrophe que Françoise Hardy a voulu éviter à tout prix.

Sa stratégie ? Le “démembrement de propriété”. Un terme juridique qui peut sembler barbare, mais qui fut son arme la plus douce. “Elle a donné la nu-propriété, c’est-à-dire les murs de tous ces biens immobiliers, à son fils”, détaille le chroniqueur. En faisant cela, probablement il y a plusieurs années, elle a scindé la propriété en deux.

D’un côté, Thomas est devenu “nu-propriétaire”. Il possédait les murs, la coquille, mais ne pouvait ni y vivre, ni les louer, ni en percevoir les revenus. De l’autre, Françoise Hardy a conservé “l’usufruit”. Ce droit lui permettait de jouir de ses biens jusqu’à son dernier souffle : vivre dans son appartement parisien, se ressourcer dans sa maison corse, ou même louer les deux studios qu’elle possédait dans la capitale pour s’assurer des revenus complémentaires.

C’est une stratégie classique, souvent conseillée aux personnes qui, comme l’a tristement rappelé Fabien Lecoeuvre, “se savent condamnées à moyen ou long terme”. Françoise Hardy, qui luitait depuis des années contre la maladie avec une dignité et une transparence bouleversantes, savait son temps compté. Elle a utilisé ce temps non pas pour se lamenter, mais pour agir.

Le véritable “coup de maître” de ce montage réside dans l’instant même de sa mort. En droit français, au décès de l’usufruitier, l’usufruit s’éteint automatiquement. Il ne se transmet pas. Il rejoint simplement la nu-propriété. À 80 ans, le 11 juin, Françoise Hardy a rendu son dernier soupir, et au même instant, son fils Thomas est devenu, par la seule force de la loi, “plein propriétaire” de l’ensemble du patrimoine immobilier.

Et c’est là que la magie fiscale opère : cette consolidation de la propriété n’est pas considérée comme une succession. Elle n’ouvre droit à aucune taxation. Les 6 millions d’euros de biens – l’appartement parisien chargé de souvenirs, les studios et cette maison en Corse où ses cendres reposeront bientôt – reviennent intégralement à Thomas, sans que l’État ne puisse réclamer sa part.

Ce plan, méticuleusement orchestré, en dit long sur la femme. Françoise Hardy n’était pas seulement l’artiste à la voix diaphane. Elle était une femme de tête, lucide, consciente de la valeur des choses et de la brutalité de l’administration. Elle, qui a géré sa carrière d’une main de fer, a géré sa mort de la même manière : avec pragmatisme et une volonté farouche de protéger les siens.

Elle offre ainsi à son fils bien plus qu’un patrimoine financier ; elle lui offre la paix. La paix de faire son deuil sans y mêler la froideur des calculs d’apothicaire. La liberté de choisir de garder ou de vendre ces lieux, sans y être contraint par un appel de fonds du Trésor Public. Elle lui épargne ce que tant de familles vivent comme une double peine : la douleur de la perte et la violence de l’impôt.

Alors que le public se prépare à lui dire adieu au Père Lachaise, cette révélation jette une lumière nouvelle sur l’icône. Sa dernière bataille ne fut pas seulement contre la maladie, mais contre la machine fiscale. Son dernier acte d’amour pour Thomas n’a pas été un mot tendre glissé dans un testament, mais un dossier juridique complexe, ficelé, inattaquable.

L’héritage de Françoise Hardy, ce ne sont pas seulement des mélodies immortelles qui continueront de hanter nos chagrins d’amour. C’est aussi cette leçon de prévoyance, ce dernier acte de résistance d’une mère qui, même face à l’inéluctable, a trouvé le moyen d’avoir le dernier mot, assurant à son fils un avenir matériellement serein. Son “Message personnel” le plus puissant, finalement, n’était pas une chanson, mais un acte notarié.