Il y a des voix qui marquent une génération. Et puis, il y a la voix de Florent Pagny. Une puissance de cristal, une “arme fatale” comme il le dit lui-même, qui a traversé les décennies, des “N’importe quoi” rageurs aux “Savoir aimer” universels. Mais aujourd’hui, cette voix est chargée d’une gravité nouvelle. Alors que la France le pensait sur le chemin de la rémission, le guerrier a dû annoncer la “mauvaise nouvelle” : la bataille n’est pas terminée. Le cancer est là, et les traitements lourds reprennent.

Cette annonce, tombée comme un couperet, a d’autant plus surpris que le chanteur est en pleine promotion de son autobiographie événement, “Pagny par Florent”. Un livre où il se met à nu, fidèle à sa réputation d’homme sans filtre. Mais derrière le succès en librairie se cache une réalité plus sombre, celle d’un homme qui doit à nouveau puiser dans ses réserves. Et inévitablement, une question brûle toutes les lèvres, celle posée en filigrane dans une récente interview : le pilier de “The Voice”, le coach aux six victoires, pourra-t-il un jour reprendre sa place dans le célèbre fauteuil rouge ?

La réponse de l’intéressé est à l’image du personnage : déroutante, honnête, et paradoxale. “Je n’en suis pas certain”, a-t-il d’abord lâché. Avant de se reprendre, avec ce mélange de prudence et de défi qui le caractérise : “Moi je suis tout et son contraire. Je vais vous dire non aujourd’hui et puis je peux le faire demain. Je n’ai pas de souci.”

Ce “non… mais peut-être” n’est pas une pirouette médiatique. C’est le résumé poignant du dilemme d’un homme dont l’envie est intacte, mais dont le corps a sonné le rappel. Pour comprendre l’incertitude de Pagny, il faut revenir sur la chronologie de son combat. L’onde de choc de janvier 2022, quand il annonce lui-même sa “tumeur cancéreuse au poumon”. Il avait alors décrit sa propre surprise, lui qui pensait souffrir d’une “grosse bronchite”. Son médecin, le Dr Eric Zerbib, lui avait pourtant donné deux “bonnes nouvelles” : la tumeur était unique et, surtout, elle avait été prise à temps.

S’en est suivie une bataille médiatisée, où le public l’a vu affronter la chimiothérapie, perdant ses cheveux mais jamais son mental de “guerrier”. Il était même apparu, le crâne nu et la voix forte, lors de la demi-finale de “The Voice” en 2022, honorant son engagement. Mais la maladie est sournoise. Début 2023, la nouvelle tombe : il doit reprendre un traitement. La raison ? Il n’avait pas pu terminer le protocole initial. Son cancer, de type “petites cellules”, est une forme rare, connue pour ses “rechutes rapides”. Et comme il l’a confié, il a subi ces récidives immédiatement. La “mauvaise nouvelle” d’aujourd’hui, c’est cette réalité médicale implacable : sa santé reste sa priorité absolue et exige une surveillance de tous les instants.

Dans ce contexte, comment envisager un retour sur un plateau de télévision aussi exigeant que “The Voice” ? L’émission n’est pas un simple “job” pour lui. Il l’a martelé : “C’est une super aventure, j’ai passé 10 ans avec eux et ça aussi, ça a changé ma vie.” Il est reconnaissant envers le programme, qui lui a permis de toucher “d’autres générations”. La production le lui rend bien, assurant qu’il fait “toujours partie de la famille The Voice”.

Mais la famille, si elle est un soutien, comprend aussi les impératifs. L’énergie nécessaire pour les tournages, les “battles”, les directs, est colossale. Et si Pagny a prouvé qu’il pouvait chanter sous chimio, la prudence est désormais de mise. Son corps a dit stop, et il doit l’écouter.

Pourtant, ne jamais enterrer le phénix. Car Florent Pagny ne serait pas Pagny s’il se contentait de subir. C’est au cœur même de la tempête qu’il a décidé de raconter sa vie, dans son autobiographie “Pagny par Florent”. Et le succès est phénoménal : plus de 77 000 exemplaires vendus en un mois. Un raz-de-marée.

Ce livre, co-écrit avec Emmanuelle Cosso, est une plongée de 60 ans dans la vie d’un “mec normal” au destin exceptionnel. On y retrouve tout : ses débuts difficiles, l’explosion de “N’importe quoi” en 1988, ses amours, mais aussi ses combats. Il y parle avec une franchise totale de sa légendaire bataille contre le fisc, qui l’a poussé à s’exiler. Il n’élude rien, pas même sa consommation de cannabis, tout en précisant qu’elle n’est pas la cause de son cancer.

Même la couverture du livre est un acte de défi : on l’y voit, une cigarette à la main. Un pied de nez provocateur pour un homme atteint d’un cancer du poumon ? Peut-être. Mais c’est surtout du Pagny pur jus : une affirmation de sa liberté, de son refus d’être réduit à sa maladie. Il est Florent Pagny, chanteur, rebelle, amoureux, père, et aussi malade. Pas l’inverse.

Cette honnêteté est la clé de son lien avec le public. Il ne triche pas. Quand il dit “je n’en suis pas certain” pour The Voice, il est brutalement honnête. Il ne veut pas faire de fausse promesse, ni à son public, ni à la production, ni à lui-même.

Alors, que reste-t-il ? L’avenir. Et là encore, le paradoxe Pagny frappe. L’homme qui dit “non aujourd’hui” est le même qui, presque dans le même souffle, annonce déjà son prochain grand projet : une tournée en 2026, pour célébrer ses 65 ans.

C’est là toute la complexité de sa situation. Il sait que le danger est permanent. “Je sais que ça peut revenir du jour au lendemain”, a-t-il confié, lucide. Mais il refuse de laisser la maladie dicter son agenda à long terme. Il se soigne aujourd’hui pour être sur scène demain. Ou plutôt, après-demain.

Son retour à “The Voice” semble donc, à court terme, plus qu’improbable. L’émission continue sans lui, avec de nouveaux visages, mais le fauteuil de Florent Pagny semble moins occupé que simplement “gardé au chaud”. Il est le coach historique, celui qui a fait gagner six talents, celui qui, d’un “Votez pour moi !”, pouvait retourner une situation.

La “mauvaise nouvelle” n’est donc pas la fin de l’histoire. C’est le début d’un nouveau chapitre, plus lent, plus prudent. Florent Pagny a troqué l’adrénaline du direct pour l’écriture et le repos forcé. Mais le guerrier affûte ses armes. Sa voix, son “bijou”, il la préserve. Son public, lui, a prouvé par le succès de son livre qu’il l’attendrait. Qu’il soit dans un fauteuil rouge ou simplement dans le silence de sa Patagonie, Florent Pagny reste, plus que jamais, la voix de la résilience.