C’est une image que les téléspectateurs de France 2 ne sont pas près d’oublier. Une image qui brise le pacte tacite de la télévision, où l’animateur, tel un phare dans la tempête, doit tenir bon. Le 20 septembre 2024, ce phare s’est éteint. Faustine Bollaert, la confidente de la nation, l’épaule sur laquelle la France vient pleurer chaque après-midi dans “Ça commence aujourd’hui”, a craqué. En larmes, “submergée par l’émotion”, elle n’a pas pu terminer son émission. Elle a quitté l’antenne, laissant son public et son équipe dans un état de sidération.

Ce jour-là, l’émission portait un titre qui aurait dû nous alerter, un titre lourd comme une pierre tombale : “Accident, meurtre, noyade : c’est pendant les vacances que leur vie s’est brisée”. En plateau, trois femmes. Trois destins fracassés. Trois mères, filles, compagnes venues raconter l’impensable, l’inacceptable. Et Faustine Bollaert, avec l’empathie qui la caractérise, a tout pris. Elle a absorbé leur douleur, leur chagrin, leur courage. Mais cette fois, la coupe était pleine.

“Ça commence aujourd’hui” est plus qu’une émission, c’est un exutoire. Un lieu où la parole, même la plus douloureuse, est accueillie avec une bienveillance rare. Faustine Bollaert en est la gardienne. D’habitude, elle navigue dans ces eaux troubles avec une maîtrise impressionnante, trouvant les mots justes, posant la main sur un bras, offrant un regard qui console. D’habitude, elle tient. Mais ce 20 septembre, les témoignages ont formé une vague trop haute, trop violente.

Il y avait d’abord Stéphanie, 50 ans. Une femme digne, venue parler de son fils, Théophile. Seize ans et demi. L’âge de tous les possibles. Un accident de ski pendant des vacances a tout balayé. Stéphanie a raconté. Les faits, la douleur, le vide. Faustine a écouté, le visage déjà tendu par l’effort de ne pas céder. La perte d’un enfant est le tabou ultime, la douleur contre-nature que l’émission affronte régulièrement, mais qui laisse toujours des traces.

Puis, ce fut le tour de Ludivine. Son histoire a fait basculer l’atmosphère de la tristesse à l’horreur pure. Elle a raconté ses beaux souvenirs avec Fabrice, son compagnon. Un voyage au Québec, l’insouciance des vacances. Et puis, la “mauvaise rencontre”. Sur un sentier, un “homme étrange” sorti des buissons. Un échange, une éclipse, puis le bruit d’une détonation. Fabrice s’effondre, abattu. Ludivine, par miracle, réussit à s’en sortir. Le meurtre absurde, gratuit, en plein milieu de nulle part. Sur le plateau, Ludivine a raconté comment elle a refait sa vie, comment elle attend aujourd’hui un heureux événement. Une note d’espoir dans un océan de ténèbres, mais une histoire qui glace le sang.

Enfin, Blandine. Sa douleur était plus ancienne, mais tout aussi vive. Elle est venue rendre hommage à sa maman, Florence. Noyée, il y a 28 ans, en Bretagne. Vingt-huit ans de deuil, vingt-huit ans d’absence. Une blessure qui ne se referme jamais, et qui, ravivée sur le plateau, a ajouté son poids à l’atmosphère déjà irrespirable.

Trois femmes. Trois drames absolus. Faustine Bollaert, au milieu, a fait son travail. Elle a salué leur courage, leur capacité à “se reconstruire”, à venir “rendre hommage”. Mais à l’intérieur, quelque chose s’était brisé. L’émission touchait à sa fin. Il ne restait que quelques secondes pour rendre l’antenne, pour remercier les invités et saluer les téléspectateurs. C’est là que tout a basculé.

Le moment de la conclusion est arrivé. Faustine prend la parole. Elle veut, comme toujours, terminer sur une note de lumière, de respect. “Je voudrais qu’on termine cette émission en regardant à nouveau les visages lumineux de Théophile, de Fabrice et de Florence, auxquels on pense beaucoup aujourd’hui…“, commence-t-elle, la voix déjà fragile. Elle tente de poursuivre, de tenir bon : “J’ai une pensée également pour tous ceux qui se battent actuellement…“.

Elle n’ira pas plus loin. La phrase reste en suspens. Faustine Bollaert “s’interrompt brusquement”. Son visage se contracte. Elle tente de retenir ses larmes, mais elles sont trop fortes. L’animatrice, la professionnelle aguerrie, disparaît, laissant place à une femme “submergée”. Elle fond en larmes. Pas une larme discrète, mais un véritable effondrement. Elle ne peut plus parler. Elle ne peut plus conclure. Elle ne peut plus rester.

Le direct est impitoyable. Il n’y a pas de “coupez”. Le silence s’installe, lourd, gênant, et profondément humain. Faustine, vaincue par l’émotion, quitte de fait le plateau, incapable d’aller au bout. C’est un moment de télévision d’une puissance rare, un de ces instants où le masque de l’écran tombe pour révéler la vérité crue des émotions.

Dans ce chaos silencieux, une autre femme se lève. Natacha Espié, la psychologue de l’émission, toujours présente, toujours juste. Comprenant immédiatement la situation, elle prend le relais. C’est elle qui, d’une voix calme, va clore le programme. C’est elle qui va ramasser les morceaux d’une émission brisée par le chagrin. Elle a sauvé le direct, mais l’image qui restera est celle de l’absence de Faustine, de ce siège vide, de ces larmes qui ont tout emporté.

Cet incident n’est pas anodin. Il dit beaucoup sur l’état de notre société, sur le besoin de partager ces douleurs, mais aussi sur le coût émotionnel pour ceux qui les reçoivent. Faustine Bollaert n’est pas une machine. Elle est le réceptacle de la misère du monde, et ce jour-là, le vase a débordé. En craquant, elle a paradoxalement montré la plus grande des forces : celle de l’empathie. Elle n’a pas joué la comédie de la tristesse, elle l’a vécue.

En quittant le plateau, Faustine Bollaert a rappelé à tous que derrière les caméras, il y a des cœurs qui battent, et qui, parfois, se brisent. Elle a payé de sa personne le prix de la vérité. Et pour cela, plus que jamais, elle mérite le respect. “Ça commence aujourd’tui” est une émission nécessaire, mais ce 20 septembre, on en a mesuré toute la violence.