Actrice et réalisatrice, notamment primée à Cannes pour son rôle dans “Mon roi”, Emmanuelle Bercot irrigue de sa présence le paysage cinématographique depuis 1991. Ce 6 août 2015, elle sera à l’affiche de “Badh” de Guillaume de Fontenay, et à cette occasion, elle nous éclaire sur la notion de jeu.
L’édito de Charles Pepin
J’aimerais ce matin vous raconter l’histoire d’une femme qui monte sur scène. Elle se dit parfois que c’est l’endroit au monde où elle se sent le mieux, que c’est le lieu où elle se sent le plus elle-même. Elle monte sur scène et elle se laisse traverser par les émotions de son personnage. Mais qu’est-ce qui se passe au juste, quand elle monte sur scène ? Et surtout, quand elle y est si bien ? Quand soudain ça marche : comme un surgissement, une évidence, une présence. Quand enfin elle est ce personnage. Est-ce que ça veut dire qu’il lui faut jouer à être une autre pour devenir pleinement elle-même ? Est-ce qu’elle va nécessairement chercher quelque chose de vrai en elle pour incarner son personnage ? Mais alors, qu’est-ce qui est du jeu, et qu’est-ce qui n’en est pas ? Et quand elle se retrouve le soir au resto avec ses potes, qu’est-ce qu’il reste en elle de ce jeu, qu’est-ce qui reste en elle de celle qu’elle a été sur scène ?
Mais au fond, cette question ne se pose pas simplement aux comédiens ou aux acteurs. Regardez le garçon de café si bien décrit par Sartre dans L’Être et le Néant : il n’a pas besoin d’être sur une scène de théâtre pour jouer à être ce qu’il est. Et regardez dans votre entreprise, celle qu’on nomme votre N+1 : vous vous souvenez, cette dernière réunion, cet enfer sans fin ? N’était-elle pas, elle aussi, en train de jouer son rôle comme un bon petit soldat ? Et même quand nous pleurons, pleurons-nous vraiment toujours au premier degré ? Ne sommes-nous pas parfois aussi en train de nous regarder pleurer ? Nos émotions ne seraient-elles alors que des signaux que nous nous envoyons, en bons animaux sociaux que nous sommes ? Oui, peut-être, mais pas seulement…
Il y a bien ces moments… où nous cessons de jouer, où la vie nous prend, nous révèle, nous traverse ? Est-ce à dire que, parfois, nous cessons enfin de jouer ? Et si c’était cela, la présence ?
Pour en parler ce matin, j’ai la joie de recevoir une femme qui va, je crois, nous éclairer. Actrice, comédienne, réalisatrice et scénariste, primée à Cannes dès 1997 pour son premier court métrage, puis en 2015 pour son rôle dans Mon Roi, qu’elle a également co-scénarisé, Molière de la meilleure comédienne dans un spectacle de théâtre public en 2024 pour son rôle dans Après la répétition/persona, mis en scène par Ivo Van Hove, Emmanuelle Bercot est avec nous ce matin sous le soleil de Platon.
À l’affiche aujourd’hui, aux côtés de Marine Vacth, de Grégoire Colin et de Niels Schneider, de l’excellent BADH, film d’action ultra-efficace de Guillaume de Fontenay qui sort dans deux jours, elle nous a fait la grâce d’apparaître ce matin dans la caverne de France Inter et, en sa compagnie, nous allons nous demander si la vie n’est qu’un jeu. S’il n’y a pas parfois, dans le cœur vibrant de nos émotions, des moments où nous cessons, enfin, de jouer ?
Le mystère du lâcher-prise : quand “dévisser” devient un art
Au cœur de la méthode Bercot réside un concept saisissant : “dévisser“. “Moi, j’appelle ça dévisser, c’est-à-dire de perdre conscience un petit peu”, explique-t-elle avec cette sincérité qui la caractérise. Cette technique d’abandon total n’a rien d’un hasard : “Je pense que dans la vie, on n’est jamais totalement soi-même et que pour jouer justement, moi j’ai le sentiment que c’est le seul moment où je peux être totalement moi-même”.
L’actrice révèle le paradoxe fondamental de son approche : disparaître pour mieux apparaître. “Il ne s’agit pas de complètement disparaître, non, mais d’une façon” – une fusion délicate entre le personnage et l’interprète qui demeure pour elle “totalement mystérieux”. Cette part d’inexpliqué, elle la revendique pleinement : “J’ai l’impression que si je comprenais peut-être…”** – comme si la connaissance risquait de briser la magie.
L’athlétisme des émotions : quand jouer devient performance
Bercot transforme le jeu d’acteur en discipline sportive, révélant une approche physique et mentale d’une exigence rare : “Je compare vraiment beaucoup ça au sport”, affirme-t-elle, décrivant des “rôles à performance” où l’intensité émotionnelle devient mesurable : “C’est vraiment de l’athlétisme des émotions”, précise-t-elle, évoquant cette “pression énorme” où “il faut que je performe et que je ne suis pas sûre d’y arriver”.
La préparation devient alors un entraînement méticuleux : “Quelques semaines avant le tournage, je suis déjà concentrée et quand je ne suis pas en train de jouer le matin, quand je me fais maquiller, je suis déjà dans ce que je vais avoir à jouer dans la journée ou le lendemain”. Cette concentration absolue mène au “lâcher-prise” qui lui permet de “me mettre dans absolument tous les états nécessaires sans avoir à réfléchir et sans avoir à le fabriquer”.
La nudité révélatrice : l’abandon ultime au service de l’art
L’évocation de sa nudité théâtrale dans Persona d’Ingmar Bergman révèle la profondeur de son engagement artistique. “Moi personnellement, nue, je ne vais jamais me mettre nue, même chez moi, devant quelqu’un dont je suis très proche, c’est impossible pour moi”, confie-t-elle avec une pudeur touchante. Pourtant, “qu’est-ce qui fait que j’arrive à accepter d’être nue devant 1000 personnes et devant un metteur en scène et des partenaires ?”
La réponse tient dans cet **”état d’abandon qui fait que vous n’êtes plus vous-même“. “Ce n’est pas moi qui suis nue”, explique-t-elle, dévoilant comment l’art transcende les limites personnelles. Cette expérience ultime, elle ne la renouvellerait plus : “Je me suis dit aussi, j’atteins un certain âge, je me suis dit bon, je pense que c’était le dernier moment pour moi d’arriver à faire ça”.
Les masques du pouvoir : incarner ce qu’on ne connaît pas
Dans son dernier film BADH, Bercot explore un territoire qui lui est étranger : le pouvoir. “On me sollicite assez souvent, sur toutes ces dernières années pour jouer des femmes de pouvoir, et donc elles sont rarement gentilles”, observe-t-elle avec lucidité. “C’est quelque chose qui est très loin de la vie que je peux mener et qui doit m’emmener ailleurs”.
Cette exploration de l’inconnu révèle une difficulté particulière des seconds rôles : “C’est toujours assez difficile d’incarner juste une fonction, c’est-à-dire les gens, on ne sait pas qui ils sont dans leur vie”. “Très souvent dans les seconds rôles, on est fonctionnel, c’est-à-dire, on est là pour faire avancer l’histoire”. Le défi devient alors de “donner de la chair et de l’émotion à des personnages qui sont comme ça dans une image un peu clichée”.
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