Le rideau est tombé, et le silence qui suit est assourdissant. Le monde du cinéma francophone est en deuil, frappé en plein cœur par une nouvelle d’une tristesse infinie. Émilie Dequenne, l’actrice lumineuse, la force tranquille du cinéma belge, s’est éteinte le 16 mars 2025. Elle n’avait que 43 ans. La cause de cette disparition tragique est un ennemi qu’elle a combattu avec une dignité et un courage qui forcent l’admiration : un cancer rare et agressif de la glande surrénale.

Cette nouvelle, c’est l’histoire d’un talent immense fauché en pleine gloire. C’est l’histoire d’une mère, d’une femme, qui s’est battue comme une lionne. Mais c’est aussi, et peut-être surtout, l’histoire d’un amour plus fort que la maladie, celui qui l’unissait à son mari, Michel Ferracci, son “soutien indéfectible” jusqu’à son tout dernier souffle.

L’annonce de la maladie avait secoué ses admirateurs en octobre 2023. Avec une transparence et une franchise qui la caractérisaient, Émilie avait partagé la nouvelle sur Instagram. Pas de pathos, juste des faits : un cancer rare, un “corticosurrénalome”, avait été diagnostiqué. Commençait alors un combat de l’ombre, loin des plateaux de tournage, dans le froid aseptisé des hôpitaux.

Pendant des mois, elle a partagé des bribes de cette lutte, toujours avec une pudeur et une force de caractère incroyables. Fin décembre dernier, après avoir annoncé une récidive, elle postait une photo d’elle, souriante, depuis son lit d’hôpital. En légende, des mots qui témoignaient de son esprit combatif, teinté d’un humour poignant : “Reprise des hostilités”. Elle expliquait que son corps, épuisé, n’était pas prêt à reprendre la chimiothérapie, l’obligeant à rester hospitalisée pour d’autres soins. “Bref, meilleur cadeau de Noël ever”, concluait-elle avec une ironie douce-amère. Cette image, c’était tout Émilie : lucide, drôle, et d’un courage à déplacer des montagnes.

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Mais dans cette “période difficile”, elle n’était pas seule. À ses côtés, un homme veillait. Un roc dans la tempête. Son mari, Michel Ferracci. La source le confirme : elle a pu compter sur son “soutien précieux”. On ne peut qu’imaginer ce que cela signifie. Être le pilier de celle qui vacille, être le sourire de celle qui souffre, être la main qui tient bon quand tout s’effondre. C’est le rôle le plus difficile, le plus ingrat, et le plus beau du monde. Michel l’a tenu, jusqu’au bout.

Leur histoire d’amour n’était pas un conte de fées hollywoodien, mais une rencontre moderne, presque romanesque. C’était en 2008. Loin des caméras, autour d’une table de poker au Cercle Wagram à Paris. Il était le directeur du cercle, elle, l’actrice reconnue, venait y jouer occasionnellement. Un regard, une conversation, et le début d’une évidence. Une alchimie entre l’acteur corse, né à Ajaccio, et la jeune prodige belge.

Michel Ferracci n’était pas étranger à son univers. Lui aussi est acteur. Le public l’a connu dans la série acclamée “Mafiosa”, mais aussi dans des films comme “La Grande Boucle” ou “Comme les cinq doigts de la main”. Il a croisé la route de “Capitaine Marlot” et a fait des apparitions dans “Profilage”. Un homme de l’ombre, peut-être, mais un artiste à part entière. Ils partageaient plus qu’un foyer ; ils partageaient une passion.

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Ils ont pris leur temps, construisant leur amour loin des flashs. Le 11 octobre 2014, ils se sont dit “oui” à la mairie du 10e arrondissement de Paris. Ce mariage n’était pas seulement l’union de deux personnes, mais la création d’une magnifique famille recomposée. Émilie était déjà la maman comblée de Milla, née d’une précédente union. Michel, lui, était père de deux garçons, Maël et Enzo. Ensemble, ils ont formé un clan, un cocon de bonheur et de normalité. Un équilibre aujourd’hui brisé, laissant trois enfants et un mari dans une peine que nul mot ne peut consoler.

La perte d’Émilie Dequenne laisse un vide béant dans le cinéma. Pour comprendre l’ampleur de ce vide, il faut se souvenir de son arrivée fracassante. En 1999, elle a 18 ans. Elle est inconnue. Les frères Dardenne la choisissent pour “Rosetta”. Le film est un coup de poing. Émilie est une révélation. Elle crève l’écran avec une intensité, une rage de vivre, une vérité qui désarçonnent. Le jury du Festival de Cannes ne s’y trompe pas : elle remporte, ex-aequo, la Palme d’Or de la meilleure actrice. Un début de carrière légendaire.

Mais Émilie Dequenne n’a jamais été la femme d’un seul rôle. Elle a prouvé, film après film, l’étendue de son talent. Elle pouvait être la jeune première mystérieuse dans “Le Pacte des loups”, un énorme succès populaire. Elle pouvait être bouleversante de complexité dans “À perdre la raison” de Joachim Lafosse, où elle incarne une mère infanticide, un rôle qui lui vaut le prix d’interprétation dans la section Un Certain Regard à Cannes. Elle était tout aussi crédible en coiffeuse de province tombant amoureuse d’un professeur de philosophie dans “Pas son genre” de Lucas Belvaux.

Elle avait cette capacité unique à être à la fois la “fille d’à côté”, accessible et lumineuse, et une actrice “caméléon” capable de plonger dans les émotions les plus sombres. Elle ne jouait pas, elle “était”. C’est ce talent brut, cette honnêteté de jeu, que nous ne verrons plus grandir, mûrir, nous surprendre.

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La tragédie de sa mort à 43 ans est amplifiée par tout ce qu’elle avait encore à offrir. Mais en partant, elle laisse plus qu’une filmographie impeccable. Elle laisse l’image d’une combattante, d’une femme qui a fait face à l’inacceptable avec humour et courage. Elle laisse le souvenir d’une mère aimante. Et elle laisse, enfin, le témoignage d’une histoire d’amour puissante.

L’histoire d’Émilie Dequenne et Michel Ferracci, c’est celle d’un couple uni dans l’adversité la plus totale. C’est l’histoire d’un homme qui a été un “soutien indéfectible”, un pilier dans la maladie. Dans le drame de cette disparition prématurée, leur amour brille comme une lumière têtue. Émilie Dequenne, l’actrice de “Rosetta”, la combattante, l’amoureuse, est partie trop tôt, mais l’amour qu’elle a donné et reçu, lui, demeure.