Le silence est un métal lourd. Pendant sept longues années, il l’a porté avec la dignité bourrue qu’on lui connaît. Eddy Mitchell, le “Schmoll”, le frère de scène, le complice de soixante ans, a observé. Il a observé les larmes publiques, les batailles judiciaires, les concerts fastueux et l’érection de statues. Et puis, à 83 ans, l’âge où l’on n’a plus rien à perdre et surtout plus de temps pour les faux-semblants, il a décidé de tout dynamiter.
Son autobiographie, sortie en novembre 2024, n’est pas un livre de souvenirs. C’est un règlement de comptes. Et la première balle, la plus inattendue, la plus douloureuse, n’est pas pour la veuve, Laeticia. Elle est pour l’ami, l’idole, le fantôme : “Je lui en veux.”
Trois mots. Trois mots qui foudroient une amitié de soixante ans et qui résonnent comme un blasphème pour les millions de fans. Comment peut-il en vouloir à Johnny Hallyday, son “Jojo”, l’homme avec qui il a tout partagé, des galères des débuts en noir et blanc aux triomphes en couleur des Vieilles Canailles ? La réponse d’Eddy Mitchell est celle d’un homme en colère, non pas contre la mort, mais contre le gâchis.

La Colère d’un Frère : “Il a Bousillé Sa Vie”
L’amour d’Eddy pour Johnny était fraternel, indéfectible. Il était là, dans les coulisses de la vie, bien avant les stades et les paillettes. Il était là quand les deux adolescents de 16 ans rêvaient d’Amérique en écoutant du rock ‘n’ roll. Il était là dans les succès, les échecs, les mariages et les divorces. Et il était là, à la fin, rendant visite à son ami à la clinique, observant, impuissant, le cancer ronger le corps de l’idole.
Mais aujourd’hui, cette amitié profonde se mue en une colère froide, une rancœur qu’il ne cherche plus à cacher. “Je lui en veux”, répète-t-il, avant de préciser le fond de sa pensée. Il en veut à Johnny pour son sentiment d’invulnérabilité. Il lui en veut pour cette conviction suicidaire qu’il était au-dessus des lois de la nature, “intouchable et éternel”.
Eddy Mitchell balance tout, sans filtre. Les cigarettes fumées par paquets entiers, l’alcool “parfois jusqu’à l’excès”, les drogues… Il a vu son ami s’autodétruire, “bousiller sa vie” sans jamais lever le pied. Il a tenté de le raisonner, de le calmer, en vain. Johnny, c’était Johnny. Une force de la nature, certes, mais une force autodestructrice. “Il n’a jamais levé le pied”, écrit Mitchell avec une franchise déchirante.
Cette colère n’est pas celle d’un traître. C’est celle d’un survivant. Eddy, lui, a fait le choix inverse dans les années 80, se calmant, prenant soin de sa santé. Il espérait que son frère de cœur ferait de même. Il lui en veut d’être parti “trop tôt”, à 74 ans, “alors qu’il aurait pu vivre encore 20 ans”. Et surtout, il lui en veut d’avoir laissé derrière lui un chaos familial indescriptible, une guerre d’héritage qui n’aurait jamais dû exister.
La Ligne Rouge : “On ne Déshérite Pas Ses Enfants”
Sur la guerre du clan Hallyday, Eddy Mitchell n’est pas neutre. Il ne l’a jamais été, mais il le clame aujourd’hui avec une clarté absolue. Le testament californien, qui déshérite les deux aînés de Johnny, Laura Smet et David Hallyday, au profit exclusif de Laeticia et de leurs filles Jade et Joy, est pour lui une aberration morale.
“Je ne comprends pas qu’on déshérite ses enfants.”

La phrase est un missile tiré à bout portant sur le clan Laeticia. Pour Eddy, c’est une question de principe fondamental. On ne fait pas ça. Peu importe les conflits, peu importe les raisons. Laura Smet, c’est sa filleule. Il l’a vue grandir, il la connaît depuis toujours. Il était impensable pour lui de ne pas la soutenir dans cette épreuve.
Ce choix de la loyauté a eu un prix. Un prix énorme. En prenant publiquement parti pour Laura et David, Eddy Mitchell a signé la rupture définitive avec Laeticia Hallyday. Celle qui fut l’épouse de son meilleur ami pendant plus de vingt ans, celle avec qui il partageait des vacances et des fêtes de famille, a coupé les ponts. “Son choix”, lâche Eddy, sans détour.
Le plus douloureux dans cette rupture est la perte de contact avec Jade et Joy. Il les considérait comme ses petites-nièces, les voyait grandir avec tendresse. Aujourd’hui, plus de nouvelles. Laeticia, de son côté, ne pardonne pas ce qu’elle considère comme une trahison. Pour elle, il n’y a pas de zone grise : ceux qui ne sont pas avec elle sont contre elle. Et Eddy Mitchell est désormais, à ses yeux, dans le camp ennemi.
Le “Cirque Morbide” des Hommages
Si sa position sur l’héritage est une attaque frontale, ce qu’il pense des hommages posthumes relève du bombardement de précision. Eddy Mitchell ne mâche pas ses mots, et son franc-parler légendaire atteint des sommets.
Le grand concert hommage organisé par Laeticia à Bercy en septembre 2021 ? Il n’y était pas. La raison ? “Je ne vois pas pourquoi j’irais faire ce genre de connerie.” Le mot est lâché : “connerie”. Il enfonce le clou en comparant cet événement aux Restos du Cœur. À l’époque de Coluche, explique-t-il, les artistes donnaient leur cachet pour une cause. Aujourd’hui, “tout le monde se fait payer”. Pour lui, ce n’est pas un hommage, c’est un “business cynique”, une “machine à cash” déguisée en célébration. Il refuse d’être complice de cette “mascarade”.
Mais le pire, pour lui, c’est la statue. L’œuvre inaugurée près de Bercy ? “Une catastrophe. Une statue à la con.” L’homme est visiblement révulsé par cet objet qu’il juge ridicule. Et avec l’ironie grinçante qui le caractérise, il ajoute : “Bientôt, ils le mettront avec une plume dans le cul.”
L’image est choquante, provocatrice, mais elle traduit son dégoût profond. Pour lui, on trahit Johnny en le figeant dans le bronze, en le transformant en “relique” de pèlerinage. Johnny, c’était le mouvement, la vie, le feu. Pas un monument morbide. “Je trouve ça assez morbide”, conclut-il, balayant d’un revers de main toutes les plaques commémoratives, les rues et les célébrations qui, selon lui, empêchent le deuil et transforment un homme en produit de consommation.
Le Seul Véritable Adieu
Face à ce qu’il nomme un “cirque médiatique et commercial”, Eddy Mitchell oppose son propre hommage. Un hommage intime, silencieux, et bien plus puissant. Il se souvient de la dernière tournée des Vieilles Canailles, en 2017. Il voyait Johnny, affaibli, faire sa chimiothérapie l’après-midi et monter sur scène le soir, puisant dans des réserves d’énergie insoupçonnées. Il l’a vu, après le tout dernier concert à Carcassonne, s’effondrer d’épuisement dans les coulisses. Il a compris que c’était la fin.

Son véritable adieu, il l’a offert en 2021, dans une chanson : “Un petit peu d’amour”. Pas de show télévisé, pas de projecteurs. Juste des mots, une mélodie, et une émotion sincère. Un message envoyé au clan Hallyday : voilà ce qu’est un véritable hommage.
Aujourd’hui, à 83 ans, Eddy Mitchell est un homme en paix avec ses choix. Il pense à Johnny “tous les jours”, non pas devant une statue, mais au volant d’une voiture américaine ou en écoutant un vieux rock. Sa loyauté n’est pas allée à la veuve ou à l’héritage commercial. Elle est restée fidèle à l’ami, à sa filleule, et à l’idée qu’il se fait de la dignité. Il a réglé ses comptes, non par méchanceté, mais par amour. Un amour brut, en colère, mais indéniablement sincère.
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