C’était un fantôme. Une silhouette élégante qui, un matin d’automne 2007, s’est évaporée des ors de l’Élysée, laissant la République stupéfaite. Pour la première fois dans l’histoire, une Première dame disparaissait sans un mot, cinq mois seulement après l’élection de son mari. Pas de cérémonie, pas d’adieux. Juste un vide. Aujourd’hui, à 67 ans, Cécilia Attias, née Ciganer-Albéniz, brise enfin ce silence assourdissant. Sa parole, rare et mesurée, lève le voile sur ce qui reste l’un des plus grands feuilletons politico-intimes de la Ve République : son mariage avec Nicolas Sarkozy et sa fuite du pouvoir. “Je vivais dans un rôle imposé”, confie-t-elle. “Ce n’était pas moi.”

Quinze ans après le fracas médiatique, la France redécouvre la femme derrière le mythe. Une femme complexe, née d’un tailleur russe et d’une héritière espagnole, une personnalité indomptable qui a toujours fui les conventions. Bien avant l’Élysée, Cécilia avait déjà démontré son indépendance. Mariée en premières noces à l’animateur star Jacques Martin, elle n’était pas femme à se contenter d’être “la femme de”. C’est en 1984, à Neuilly-sur-Seine, qu’elle rencontre le jeune maire ambitieux, Nicolas Sarkozy. Le coup de foudre est immédiat, sulfureux. Huit ans plus tard, elle quitte tout pour lui, assumant le scandale.

De cette passion naît un duo redoutable. Cécilia devient bien plus qu’une épouse ; elle est la conseillère officieuse, l’éminence grise, la “femme de fer” du président en devenir. Dans l’ombre des campagnes, elle participe à la stratégie, rédige des discours, corrige les attitudes. “Elle lisait en lui comme dans un livre ouvert”, confiera un proche. Elle est à ses côtés lorsqu’il accède au ministère de l’Intérieur, présente dans la tension des négociations. Elle goûte aux coulisses impitoyables du pouvoir, à ses intrigues, ses trahisons, ses mises en scène. Mais ce qu’elle ne sait pas encore, c’est que cette mécanique va finir par la broyer.

Le 16 mai 2007, lorsque Nicolas Sarkozy devient Président de la République, Cécilia accède malgré elle au statut de Première dame. Le cauchemar commence. Elle se heurte instantanément à la rigidité d’un protocole qu’elle exècre. Les dîners officiels, les sourires forcés, la surveillance permanente du personnel présidentiel… elle ne supporte rien de tout cela. “Je ne suis pas née pour être une icône”, répète-t-elle dans l’intimité. Le protocole, d’abord protecteur, devient une “cage dorée”. Le pouvoir a englouti leur intimité. “Je dors à côté d’un homme qui ne m’écoute plus”, écrit-elle à une amie. “Tout ce que je dis devient politique.”

La distance grandit. Les photographes la traquent, les ministres chuchotent sur ses absences de plus en plus fréquentes. Car pendant que le pays célèbre son nouveau président, Cécilia s’enfuit. Quelques jours à New York, puis à Marrakech. Le fossé est devenu irréversible, alimenté par une autre histoire : celle qu’elle vit avec Richard Attias, un brillant homme d’affaires marocain rencontré lors d’un événement. Ce lien secret devient peu à peu un scandale d’État. À l’intérieur de l’Élysée, tout le monde sait : la Première dame n’est plus là.

L’épisode des infirmières bulgares en Libye, en juillet 2007, sera le chant du cygne. Envoyée comme émissaire spécial auprès de Mouammar Kadhafi, Cécilia réussit sa mission et ramène les prisonnières. Mais cette victoire diplomatique se transforme en malaise politique. On l’accuse d’avoir mené sa propre diplomatie. Ce jour-là, elle comprend qu’elle n’a plus sa place. Les mois qui suivent sont une descente aux enfers. Elle vit sous surveillance, ses appels sont filtrés, ses déplacements limités. “Je ne pouvais même plus sortir marcher sans qu’on me demande où j’allais”, confiera-t-elle.

C’est dans ce climat qu’émerge la rumeur la plus tenace : celle d’un “carnet secret”. Un cahier noir où Cécilia aurait méticuleusement consigné chaque nom, chaque promesse, chaque compromission entendue dans les couloirs du pouvoir. Une arme silencieuse, disent certains, capable d’ébranler le mythe Sarkozy. Ce carnet, jamais publié, continue d’alimenter les fantasmes. Existe-t-il vraiment ? Est-il gardé dans un coffre en Suisse, comme certains l’affirment ? Interrogée à ce sujet lors de son interview exclusive sur TF1 en 2025, elle se contente d’un sourire énigmatique. “Le silence protège mieux que les mots.”

Le 18 octobre 2007, à 14h30, le divorce est prononcé. Cécilia quitte l’Élysée par une porte latérale. Aucun mot à la presse. Elle retrouve le silence et la liberté qu’on lui refusait.

Loin de Paris, Cécilia Attias reconstruit sa vie. Elle épouse Richard Attias à New York dès 2008. Le couple s’installe entre Manhattan, Genève et Marrakech. Elle se réinvente. Loin de l’image de “l’épouse rebelle”, elle devient une femme d’affaires et une philanthrope respectée. Elle co-fonde la “Cécilia Attias Foundation for Women”, dédiée à la promotion du leadership féminin et à la protection des femmes dans les zones de conflit. Elle s’impose comme une figure du “soft power”, intervenant dans des conférences mondiales, de New York à l’Afrique.

Cette réussite est aussi une revanche. Elle qui a longtemps souffert du regard porté sur elle en France, où son nom restait associé à l’humiliation de la présidence, a repris le contrôle de son récit. Son patrimoine, estimé entre 20 et 25 millions d’euros, provient de son travail aux côtés de son mari et d’investissements avisés. Elle a su imposer une nouvelle image : ni victime, ni ex-présidente de substitution, mais une femme d’affaires accomplie, mère protectrice de son fils Louis, aujourd’hui essayiste respecté.

Son interview de 2025, à 67 ans, a marqué un tournant. Calme, ferme, elle a parlé de ces années d’enfermement. “Je n’étais plus qu’une ombre. Tout ce que je faisais était contrôlé. On me disait ‘Souris’ alors que j’avais envie de crier.” Elle a parlé d’un système politique qui “dévore”, admettant avoir été proche du point de rupture. Sans haine, elle a eu cette phrase lucide sur son ex-mari : “Le pouvoir l’a possédé, comme il aurait possédé n’importe qui.”

Aujourd’hui, Cécilia Attias vit à Genève, savourant un anonymat qu’elle n’a jamais eu. Elle a quitté la lumière pour sauver sa propre âme. Son nom reste gravé dans l’histoire, non pas comme celui d’une Première dame qui a échoué, mais comme celui d’une femme qui a osé dire non. Non au protocole, non à l’hypocrisie, non à la prison dorée du pouvoir. Lorsqu’on lui demande si elle referait les mêmes choix, sa réponse est un manifeste : “Oui. Parce qu’au moins cette fois-là, c’était moi.” Un message universel de liberté, chèrement conquise.