On croyait avoir tout vu, tout entendu. Lorsqu’Éric Zemmour se rend sur un plateau de télévision, surtout dans l’arène bouillonnante des “Grandes Gueules” sur RMC Story, le public s’attend à un spectacle précis. On vient chercher le polémiste, le verbe haut, la critique acérée, l’homme politique qui ne mâche pas ses mots. Invité ce jour-là face à Olivier Truchot, officiellement pour défendre son nouveau livre “La messe n’est pas dite”, Éric Zemmour a d’abord livré la prestation attendue. Puis, en une fraction de seconde, le masque est tombé, laissant place à une confession si inattendue qu’elle a instantanément éclipsé tout le reste.

La première partie de l’entretien fut du Zemmour pur jus. L’air était électrique, les thèmes, familiers. Analysant la situation politique, il a distribué ses points, saluant au passage “la stratégie de la gauche”, jugée “plus maligne” que celle des Républicains et du Rassemblement National. Puis, la charge est venue, visant la ministre de la Culture. Réagissant au récent et traumatisant braquage du Louvre, il n’a pas hésité à réclamer la démission de Rachida Dati. Pour lui, ce drame n’est pas un simple fait divers, mais le symbole d’une “faillite totale de l’autorité”. Les mots sont durs, la posture est celle du procureur. C’est le Zemmour que l’on connaît, celui qui construit son discours sur l’effondrement de l’ordre.

Et puis, la conversation a basculé. Olivier Truchot, sentant peut-être une ouverture, a dévié sur un terrain plus glissant, plus intime : l’affaire Nicolas Sarkozy. Le silence qui a suivi fut bref, mais lourd. Le visage de l’invité s’est fermé, non pas de colère, mais d’une gravité soudaine. La voix, habituellement si assurée, s’est faite plus basse. “Ça me touche beaucoup”, a-t-il lâché.

La phrase, simple, presque murmurée, a figé le plateau. “Ça me touche beaucoup.” Venant de l’homme réputé pour sa dureté, pour qui l’émotion est souvent vue comme une faiblesse, la confession avait de quoi surprendre. Était-ce une stratégie ? Un calcul ? La suite a prouvé que non. C’était une brèche. Une véritable fêlure dans l’armure.

Pour justifier cette émotion, Éric Zemmour n’a pas fait dans la demi-mesure. Il a immédiatement convoqué l’Histoire, la sienne, celle de la France, avec un grand H. “Dans toute l’histoire de France”, a-t-il expliqué, “seuls deux chefs d’État ont connu la prison : Louis XVI et le maréchal Pétain.” La comparaison est vertigineuse, dramatique, presque shakespearienne. En plaçant le sort judiciaire de Nicolas Sarkozy dans le sillage tragique d’un roi guillotiné et d’un maréchal condamné pour trahison, il ne fait pas qu’une analyse politique ; il exprime un vertige. Pour lui, “voir un ancien président derrière les barreaux est un moment historique et bouleversant”.

Il y a dans cette déclaration toute la vision “zemmourienne” du pouvoir : une conception presque sacrée de la fonction présidentielle. Au-delà de l’homme Sarkozy, c’est l’institution qui est touchée, la majesté de l’État qui est, à ses yeux, humiliée. Le fait qu’il place Louis XVI et Pétain dans la même phrase que Sarkozy n’est pas anodin. C’est une façon de dire que l’on assiste, selon lui, à la fin d’un monde, à une forme de déchéance nationale où même les plus hauts symboles de l’autorité peuvent être brisés.

Mais l’explication n’était pas que politique ou historique. L’émotion était plus profonde, plus personnelle. Et c’est là que la confession est devenue véritablement “inattendue”, comme le souligne le journaliste. Éric Zemmour a senti le besoin d’en dire plus, de justifier pourquoi, lui, était touché. “Je connais Nicolas Sarkozy”, a-t-il commencé, avant d’ajouter immédiatement la nuance capitale : “sans être son ami”.

Cette précision est fascinante. Elle dessine les contours complexes des relations au sein du microcosme politico-médiatique parisien. Ils ne sont pas amis, pas intimes, mais ils se connaissent. Ils se sont côtoyés pendant des décennies. “Nous sommes de la même génération”, a-t-il précisé. C’est l’histoire de deux hommes aux parcours parallèles. L’un, Éric Zemmour, a passé sa vie à chroniquer la politique en tant que journaliste. L’autre, Nicolas Sarkozy, a passé sa vie à faire cette politique, souvent sous la plume ou le regard du premier. Ils ont grandi dans le même monde, ont assisté aux mêmes dîners, ont peut-être partagé les mêmes codes.

Cette proximité générationnelle et professionnelle, même sans amitié, crée un lien indéfectible. Voir un homme de sa génération, que l’on a connu en pleine gloire, au sommet de l’État, connaître une telle chute, ne peut laisser indifférent. C’est un miroir troublant. “J’ai été journaliste politique pendant des années. Évidemment, cela me touche personnellement”, a-t-il fini par admettre, comme une évidence qui lui coûtait de révéler.

Pour prouver que ce n’étaient pas des mots en l’air, Éric Zemmour a révélé un détail intime. Un secret qui, en temps normal, n’aurait jamais dû quitter la sphère privée. Il a confié avoir envoyé un message à Nicolas Sarkozy. Un simple message, loin des grandes déclarations publiques : “Bon courage”. Et, a-t-il ajouté avec une émotion palpable dans la voix, il a “reçu une réponse de remerciement”.

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Ce simple échange de SMS dit tout. Il dit la solidarité humaine qui peut exister au-delà des désaccords politiques les plus féroces. Il dit le respect, peut-être, pour l’ancien adversaire ou sujet d’étude. Il dit la reconnaissance d’une épreuve qui dépasse le simple jeu politique. C’est un geste d’homme à homme, une main tendue discrète.

La séquence, décrite par les témoins comme “rare, sincère et pleine d’émotions”, a redéfini l’instant. L’homme politique venu vendre un livre et attaquer ses adversaires s’est effacé. Pendant quelques minutes, les 132 000 téléspectateurs n’avaient plus face à eux le polémiste, mais un homme “plus humain”, confronté à la chute d’un pair.

Cette confession inattendue a non seulement marqué les esprits, mais elle a aussi fait le succès de l’émission ce jour-là, permettant à RMC Story de se classer comme 4ème chaîne nationale sur la cible commerciale des 25-49 ans. Preuve que ce que le public recherche, au-delà des clashs et des formules chocs, ce sont ces instants de vérité. Ces moments où l’armure se fêle et où l’on entrevoit l’homme derrière le personnage public.

En quittant le plateau, Éric Zemmour a peut-être réussi un coup de maître involontaire. Il n’a pas seulement fait la promotion de son livre ; il a offert une image de lui que peu connaissaient, celle d’un homme capable d’être “touché personnellement”, loin des postures et de la fureur du combat politique.